Dix startups qui disruptent dans l’e-santé

Amélioration du parcours de soin des patients, échanges entre professionnels de santé… Voici dix startups qui pourraient favoriser le développement de l’e-santé et in fine l’efficience du système de santé.

Medpics

Pour déterritorialiser les expertises

En 2015, Safia Slimani, une médecin urgentiste, crée Medpics. Cette application de téléexpertise permet de partager entre professionnels de santé des photos de cas cliniques prises par smartphone. Avec cette offre, Safia Slimani a une idée en tête : « ôter les contraintes temporelles et géographiques ».

Lors d’une admission dans un service d’urgence, les professionnels de santé peuvent prendre en photo des cas cliniques qui posent question, difficiles à traiter, et requérir l’expertise de la communauté d’abonnés à Medpics. L’intérêt pour certains établissements est de remédier au manque de médecins spécialisés dans certains domaines médicaux. Quelques règles doivent être respectées : les photos sont anonymisées grâce à un logiciel de retouche fourni par Medpics pour cacher le visage ou encore d’éventuels tatouages. Medpics promet également la sécurité et la confidentialité des données de santé, qui posent problème si les professionnels de santé publient leurs cas cliniques sur Facebook ou les montrent à leurs confrères via l’envoi de SMS. Certains professionnels de santé se servent également de Medpics pour se former, et en apprendre plus sur des cas cliniques qu’ils n’ont pas l’habitude de voir, et les membres de la communauté peuvent commenter et discuter entre eux.

Fin 2016, la startup revendiquait plus de 15 000 médecins et 6000 autres professionnels de santé. Elle a obtenu le prix de l’application destinée aux professionnels de santé, à l’occasion des Trophées de l’esanté délivrés en janvier 2017.

DocForyou

Pour se renseigner sur ses symptômes

Créée par le professionnel de santé Jean-Marie Castellucci, cette startup fournit une application qui, selon les symptômes indiqués par le patient, peut dire quelles maladies il est susceptible de développer, grâce à un algorithme de questionnement médical réalisé par un médecin. Dans le détail, on indique un symptôme que l’on ressent sur une partie de son corps. Ensuite, une série de questions est posée aux patients, qui doivent répondre par l’affirmative ou la négative. Selon ses réponses, soit les maladies les plus probables correspondant à ces symptômes lui seront indiquées, soit il se verra signifier que les symptômes mentionnés ne sont pas assez éloquents pour déterminer une maladie. DocForyou a également lancé un chatbot qui peut être utilisé via l’application Messenger : un médecin virtuel posera plusieurs questions afin de déterminer l’affection dont le patient peut potentiellement souffrir. La startup prévient toutefois : « DocForYou ne fait pas de diagnostic. Cette application a pour but de donner une information médicale interactive ». Elle encourage le patient à voir un médecin en cas de symptômes. La société fournit également une liste complète de maladies que l’utilisateur peut apprendre à connaître, ainsi que les bons gestes de prévention à effectuer pour multiplier les chances d’éviter de développer certaines pathologies.

Rythm

Un rêve d’e-santé

Presque trois ans après sa création, Rythm a déjà levé 10 millions d’euros et commercialisé les 500 exemplaires de son bandeau de sommeil, Dreem. Avec environ 70 salariés entre Paris et San Francisco, la jeune pousse s’apprête à lancer la deuxième version de son wearable à la frontière entre santé et bien-être.

Quand ils ont lancé leur startup, Hugo Mercier et Quentin Soulet de Brugière ont rapidement trouvé des soutiens de poids. En basant leur solution sur des découvertes récentes en neurosciences, les deux étudiants de Polytechnique étaient des pionniers. Rapidement, ils ont obtenu le soutien du PDG de Free, Xavier Niel, et de Laurent

Alexandre, fondateur de Doctissimo et dirigeant de DNA Vision. Si certaines voix dénonçaient un nouveau gadget un peu volumineux pour bien dormir, d’autres y ont cru.

Et dès le début, le retour d’expérience a bien été prévu. Pour obtenir un large panel d’utilisateurs, un peu à la manière des essais cliniques, Rythm a sélectionné les candidats à l’achat de son premier modèle en fonction de leurs profils et problèmes de sommeil. Aujourd’hui ces 500 utilisateurs alimentent la base de données de quelque 30 000 nuits afin de participer à l’amélioration des performances. « Notre approche allie recherche fondamentale et technologies de pointe, dans un contexte grand public, précise Hugo Mercier.

Par des stimulations sonores synchronisées avec certaines phases de sommeil, on a récemment découvert que l’on pouvait améliorer la qualité du sommeil profond. Notre bandeau stimule ainsi le cerveau et un programme de machine learning permet d’améliorer la pertinence de ces stimulations en fonction des retours d’analyse en temps réel. » Comme la première version, Dreem sera commercialisé en direct sur le site Internet dédié.

Qalyo

L’auto-observance des patients

Avec Qalyo, application développée par des professionnels de santé, le patient recueille sur smartphone des données sur son poids, son indice de masse corporelle, son activité physique, son cholestérol, sa tension, sa nutrition. Des analyses de données sont établies par la startup et des recommandations sont envoyées ; par exemple il peut être suggéré d’approfondir en effectuant des analyses biologiques.

La startup, créée en 2014, dit vouloir promouvoir le mieux vivre afin que les personnes restent en bonne santé le plus longtemps possible, ou qu’elles vivent mieux leur maladie. La santé de chacun « est analysée selon les règles médicales établies par la Haute Autorité de Santé », assure Qalyo. La startup conseille néanmoins de recourir à « des analyses plus spécifiques dans le cadre de suivi de patients organisés par des professionnels de santé ou des établissements de soins ». On peut montrer les données à son médecin – en espérant qu’il soit rompu à ce type de technologie – qui peut ainsi adapter la prise en charge.

Qalyo peut également intégrer des fiches concernant certaines maladies du patient et faire office de carnet de santé numérique.

En 2017, la startup a reçu le prix de l’application de suivi lors des Trophées de la santé mobile. C’est une entreprise quasi mature puisqu’elle revendique aujourd’hui 700 000 euros de chiffre d’affaires annuel. Elle espère se développer à l’international, notamment aux États-Unis.

Oscadi

L’échographie sur tablette

Depuis sa création à la fin de 2013, le prototype d’Oscult a déjà fait parler de lui. Solution d’échographie portable et connectée à une tablette, l’outil est léger et simple à utiliser. Il est testé par des vétérinaires et plébiscité par de nombreux praticiens car il permet de réaliser des échographies dans des situations d’urgence ou en l’absence de spécialiste, dans un cadre de télémédecine. Les images, transmises simultanément à un service médical compétent, peuvent être analysées en temps réel pour affiner les conseils médicaux.

Rapidement après sa conception, Oscult a su convaincre. Finaliste au concours TechCrunch Disrupt 2014, il a été agréé matériel médical Apple et fonctionne avec les tablettes iPad. Créée par deux ingénieurs spécialisés en informatique, Thierry Payet et Olvier Sautron, Oscadi compte 12 salariés, basés à Bras-Panon sur l’île de La Réunion. Au printemps, elle a lancé une levée de fonds de six millions d’euros pour obtenir les certifications nécessaires aux dispositifs médicaux et enfin lancer Oscult sur le marché.

Citizen Doc

Un « docteur de poche »

Cette startup créée en 2015 se rapproche de DocForyou de par son concept. Citizen Doc propose ce qu’elle appelle un « docteur de poche », conçu par des généralistes et des spécialistes. Elle développe des applications mobiles d’aide à la prise de décision à travers un questionnaire visant à comprendre les origines d’une douleur ou d’un autre symptôme. L’algorithme, élaboré par des médecins, prodigue des conseils pratiques, conseille des médicaments en vente libre, si la pathologie n’est pas grave. Dans le cas contraire, il proposera une consultation. L’objectif est de limiter les recours aux urgences, et donc de favoriser le désengorgement de celles-ci.

Nouveal

Un assistant numérique postopératoire

Avec e-fitback, la startup Nouveal se développe sur l’un des secteurs les plus dynamiques de l’e-santé, l’assistance pré et post – opératoire. Le projet est simple : accompagner le patient avant, pendant et après une intervention, afin de faciliter son séjour et d’assurer son suivi. Le principe : une application mobile élaborée avec les médecins de l’établissement. La formule fonctionne en trois temps, comme l’explique le cofondateur et CEO de Nouveal, Alexandre Falzon.

« Une partie propose une pré-admission en ligne avec des scans ou des photos des pièces à fournir. Une deuxième permet au patient de se préparer au mieux avant sa chirurgie et de commander des services particuliers : télévision en chambre, plateau-repas, taxi… Enfin, l’application se consacre au suivi de l’intervention chirurgicale avec des questionnaires à remplir quotidiennement pendant la convalescence. Si une réponse révèle un problème, l’app alerte l’équipe médicale, qui n’a plus besoin d’appeler régulièrement pour voir si tout va bien. »

Avant son lancement, e-fitback a bénéficié d’une large étude de marché pour être une solution vraiment adaptée aux besoins. En remportant l’appel d’offres du groupe hospitalier suédois Capio, pionnier de la chirurgie ambulatoire implanté dans toute l’Europe, Nouveal a bénéficié d’une caution appréciable pour convaincre d’autres établissements, au-delà de l’opératoire, pour des patients traité en oncologie ou même en psychiatrie. Avec 22 salariés basés à Irigny, dans la périphérie de Lyon, Nouveal affiche un objectif d’un million d’euros de chiffre d’affaires pour 2017 dans sa phase de commercialisation.

i-Nside

Un smartphone pour scruter le tympan

Comme d’autres succès de dispositifs médicaux connectés, le Smart Scope mis au point par la startup i-Nside a été inventé par un médecin. En 2012, observant l’amélioration de la qualité des photos numériques des smartphones, le docteur Laurent Schmoll s’est dit qu’ils pourraient remplacer les caméras des analyses médicales. Pour cet ORL, il s’agissait d’images du tympan réalisées grâce aux endoscopes que l’on introduit dans l’oreille.

« J’ai bricolé un prototype avec des lentilles de loupes d’horloger et des tubes de plastique, explique-t-il. Le dispositif était éclairé par une batterie autonome et en ajustant la position des lentilles, on obtenait des images très nettes faciles à transférer sur un écran. »

Avec son prototype, le médecin de Strasbourg a convaincu le constructeur de matériel médical Karl Storz. Après avoir acheté la licence, l’industriel allemand commercialise le Smart Scope depuis juin 2015. Aujourd’hui, la solution facile à utiliser se vend dans le monde entier chez les médecins, les vétérinaires et même dans l’industrie pour inspecter des réacteurs d’avion. Entretemps, l’équipe d’iNside a développé un logiciel d’intelligence artificielle permettant l’analyse des images du Smart Scope pour diagnostiquer, en temps réel, les maladies ORL.

« Avec 87 % de diagnostics exacts dans les cas pathologiques, cet outil est actuellement testé par des maisons de retraite de la région pour éviter aux patients d’avoir à se déplacer, précise Laurent Schmoll. Il l’est aussi au Burkina Faso dans le cadre d’une ONG. Cela permet, en l’absence de médecins, de détecter des maladies. ». Afin de certifier la plateforme de diagnostic assisté, i-Nside recherche 400.000 euros.

Hipok

Pour sécuriser les échanges entre médecins

Le nom Hipok vient d’Hippocrate. « On est sûr qu’il aurait validé notre solution », lance Elien Meynard, PDG de la startup bordelaise Hipok, cité par Objectif Aquitaine. À l’heure des risques de cyber-attaques, cette startup pourrait bien connaître un important développement. Avec un système de cryptage de dernière génération, il permet aux professionnels de santé d’échanger, stocker des données santé de patients en promettant une sécurité maximale.

Un faible nombre de professionnels de santé est équipé d’une messagerie sécurisée. À la fin de 2016, dans une interview donnée à Objectif Aquitaine, Elien Meynard estimait qu’ils n’étaient que 35.000 à en disposer, et qu’ils étaient nombreux à échanger par courrier et échanges numériques non-sécurisés. Pour convaincre les professionnels de santé, la startup avance également l’argument du gain de temps administratif, ainsi redistribué en direction des patients. Il serait évalué à 2.000 euros annuels par professionnel de santé, 10.000 euros par an pour les laboratoires de biologie médicale, et plusieurs milliers d’euros par an et par établissement de santé. La startup vise 20.000 utilisateurs à la fin de l’année.

CardioLogs

Assistant logiciel pour l’analyse cardio

Parce que l’interprétation des courbes d’un électrocardiogramme (ECG) n’est pas un exercice évident, CardioLogs a eu la bonne idée : son algorithme détecte les troubles cardiaques à la lecture de l’examen. Lauréate du concours mondial d’innovation en 2014, la jeune pousse créé par trois polytechniciens et un cardiologue a développé sa solution et obtenu son marquage CE à l’été 2016. Elle a fait appel au deep-learning afin d’apprendre à son programme à associer les signaux subtils d’une courbe ECG avec une arythmie, une insuffisance ou une cardiopathie.

Aujourd’hui, le logiciel d’assistance à l’interprétation des ECG de CardioLogs est commercialisé notamment en partenariat avec les fabricants d’électrocardiographes. Il est très utile pour repérer les principales maladies cardiovasculaires et, en cas de besoin, orienter un patient vers les urgences. En cours d’obtention de certification FDA pour ce logiciel, CardioLogs compte aujourd’hui 15 salariés. L’équipe améliore son logiciel en permanence pour apporter un prédiagnostic en cas d’absence de spécialiste ainsi qu’une véritable assistance aux cardiologues.

En effet, certaines analyses ECG sont menées sur plusieurs jours et très longues à décrypter. En repérant les principaux signaux, cet assistant numérique permet aux spécialistes de gagner du temps.

Jean-Yves Paillé et Florence Pinaud
La Tribune 28/07/2017