Synthèse hebdomadaire des publications des think tanks du 14 au 20 septembre 2017

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Think Tank Hebdo 

Synthèse hebdomadaire des publications des think tanks du 14 au 20 septembre 2017 

le FOCUS de la semaine : politique américaine à l’égard de l’Iran

 

L’extension de l’influence de l’Iran au Moyen Orient inquiète les think tanks américains. Un rapport de l’Atlantic Council met en lumière que l’Iran mène une « guerre asymétrique » en ayant de plus en plus recours à des moyens de déstabilisation masqués sur les plans militaire, économique et du soft power en Irak, en Syrie, au Bahreïn et au Yémen. Ahmad Majidyar (Middle East Institute) s’inquiète de voir la Syrie devenir de plus en plus dépendante économiquement vis-à-vis de l’Iran en dividende de son soutien militaire.

Pour contrer le rôle régional déstabilisateur de l’Iran, Michael Singh, directeur du Washington Institute for Near East Policy (WINEP), propose de « sortir des généralités et imposer à l’Iran des lignes rouges précises », par exemple l’établissement des forces iraniennes sur le plateau du Golan et l’utilisation de missiles de croisière antinavires au large du Yémen. Ken Pollack (AEI) et Bilal Saab (Middle East Institute), dans un rapport présenté par l’Atlantic Council, préconisent une stratégie de « refoulement » (push-back) de la présence iranienne dans la région, en renforçant les partenaires américains qui subissent la pression de l’Iran – comme le Bahreïn et l’Arabie Saoudite. Cette stratégie serait toutefois couteuse car elle impliquerait que les Etats-Unis prennent une part plus active dans la résolution des guerres civiles en Irak, Syrie ou au Yémen.

Si la nécessité d’une réponse aux agissements déstabilisateurs de l’Iran sur le plan régional est consensuelle la question d’une remise en cause par les Etats-Unis de l’accord nucléaire iranien est plus débattue. L’Atlantic Council  plaide pour un maintien du cadre du JCPOA qui n’est pas incompatible avec une politique de refoulement robuste. Le WINEP appelle à interpréter plus strictement l’accord nucléaire et à le compléter sans le dénoncer, afin de conserver de plus amples marges de manœuvre diplomatiques sur les sujets régionaux. Le Hudson (Dubovitz) estime que D.Trump devrait ne pas certifier l’accord en octobre sans pour autant réimposer de sanctions immédiatement ce qui laisserait aux européens le temps de réparer l’accord défaillant.

La menace iranienne est perçue comme étant au moins aussi importante que celle de Daech dans la région. L’Atlantic Council rappelle les milices soutenues par l’Iran ont accru leur influence sous couvert de lutte contre Daech notamment en Irak. La lutte contre l’Etat islamique ne peut se faire au détriment de la stratégie vis-à-vis de l’Iran « qui représente une plus grande menace encore, en particulier à cause de son utilisation des milices chiites », soulignent James Jeffrey et Dennis Ross (WINEP). Pour ces derniers, les politiques sectaires iraniennes risquent « d’aliéner les populations sunnites et de recréer les conditions qui ont donné lieu initialement à l’Etat islamique ». Enfin, citant Henry Kissinger selon lequel la fin de l’Etat islamique dans le croissant fertile pourrait conduire à l’émergence d’un empire iranien, Lee Smith, du conservateur Hudson Institute, prévient qu’en effet  l’Iran aura l’accès terrestre direct à la Méditerranée (via la Syrie et l’Irak), « son vœu le plus cher depuis longtemps ».

Les analyses soulèvent en outre la question du rôle des alliés américains pour contrer l’Iran. Andrew Bowen (AEI) estime que les Etats-Unis devraient encourager les Etats du Golfe à travailler ensemble – alors que par exemple l’embargo imposé par les pays du Golfe aurait poussé le Qatar à coopérer avec l’Iran pour utiliser son espace aérien. L’auteur souligne cependant la complexité des relations entre le Golfe et l’Iran, chacun des Etats du CCG ayant une relation particulière (économique, géostratégique), plus ou moins positive, à l’Iran.  Un point de vue également exprimé par Susan Ziadeh à la conférence de l’Atlantic Council. Enfin, pour Michael Singh (WINEP), les Etats-Unis ne doivent pas porter à eux seuls la responsabilité de régler le problème avec l’Iran « tandis que les Européens profitent des bénéfices de l’accord sur le nucléaire ». Selon lui, les Américains devraient exiger des alliés qu’ils contribuent aux efforts, sous peine de voir les Etats-Unis se retirer du JCPOA.

A lire également sur l’Iran et le Moyen Orient:

A la une

Corée du Nord

Jeffrey Bader (ancien conseiller du Président Obama sur l’Asie et chercheur à la Brookings) attribue le succès du renforcement de la pression exercée sur la Corée du Nord aux relations qu’entretient Donald Trump avec Xi Jinping et Shinzo Abe, mais redoute que ces efforts soient refoulés par les menaces formulées en public par le président américain. Scott Snyder (Council on Foreign Relations) note qu’il serait risqué pour la Russie de perturber le processus en s’opposant systématiquement aux intérêts américains, malgré son souhait de limiter le déploiement de systèmes antimissiles américains en Corée du Sud et au Japon. Dmitri Trenin (Carnegie) poursuit cette analyse et estime que la Russie a intérêt à désamorcer la crise pour protéger la région de Vladivostok d’incidents lors des tests nucléaires nord-coréens. Moscou pourrait contribuer à la résolution de la crise en encourageant Pyongyang à la retenue sur le plan stratégique et en lui offrant de nouvelles perspectives économiques.

A lire également  sur la Corée du Nord :

 Exercices militaires  russes / OTAN

Alors que la Russie a commencé ses exercices militaires « Zapad » en Biélorussie, dans l’enclave de Kaliningrad et dans plusieurs régions du nord-ouest de la Russie, Leon Aron, Gary J. Schmitt et Thomas Donnelly (AEI) pointent du doigt « l’opacité » des intentions de Vladimir Poutine et le manque de réaction de la part des dirigeants politiques de l’OTAN. Anthony Cordesman (CSIS) se montre encore plus critique à l’égard de l’OTAN, faisant remarquer le manque de « cohérence » et de « réalisme » dans la stratégie des dirigeants occidentaux.

Une nouvelle menace djihadiste en Syrie

Alors que les forces alliées sont impliquées dans la lutte contre l’État islamique, le contrôle d’Idlib par Hayat Tahrir al-Cham (HTS, ex-Front Al Nosra) inquiète Fabrice Balanche et Ruwan Rujouleh (WINEP). Ces derniers invitent la coalition internationale menée par les États-Unis à adopter la « même approche globale » que celle adoptée pour l’État islamique. La force grandissante d’HTS reposant sur son vaste réseau d’individus recrutés dans les camps de réfugiés, les alliés devront nécessairement intervenir avec l’aide de « nouveaux partenaires locaux ».

Publications à signaler