Au Royaume-Uni, des frais universitaires élevés, mais avancés par l’Etat

Les universités britanniques étaient gratuites jusqu’en 1998. Le gouvernement de Tony Blair a introduit les premiers frais, les augmentant progressivement à un peu plus de 3 000 livres (4 100 euros) par an, uniquement en Angleterre (l’Ecosse et le Pays de Galles ont des systèmes différents). Mais le gouvernement de coalition arrivé au pouvoir en 2010 a provoqué la polémique en les triplant, à 12 500 euros. En dépit des nombreuses manifestations étudiantes, la réforme a malgré tout été votée et elle est entrée en vigueur en septembre 2012.

Néanmoins, les étudiants n’ont pas à avancer les frais universitaires, qui sont, dans un premier temps, versés par l’Etat. Ensuite, une fois leur diplôme en poche, les étudiants remboursent progressivement, à partir du moment où leur salaire atteint 21 000 livres (29 000 euros) par an, en payant 9 % de leurs revenus au-delà de ce seuil (pendant un maximum de 30 ans). Il s’agit en quelque sorte d’un « prêt obligatoire », qui s’élève en moyenne à la fin des études à 43 000 livres (60 000 euros). L’objectif est de laisser l’université accessible à tous, quel que soit le niveau de revenu des parents.

Véritable paradoxe

Le triplement des frais ne semble pas avoir découragé les étudiants, contrairement à ce que craignaient initialement les critiques : 512 000 jeunes ont intégré l’université en septembre 2014, un record historique, pour la deuxième année d’affilée. De plus, le pourcentage de jeunes issus de milieux défavorisés progresse, même s’il reste nettement inférieur à la moyenne nationale.

En revanche, le résultat pour les finances publiques britanniques est paradoxal. Le gouvernement avance l’argent, ce qui augmente la dette de l’Etat. Or, de nombreux étudiants pourraient ne jamais rembourser entièrement les frais universitaires. Par exemple, un salaire de sortie d’université de 25 000 livres (35 000 euros), qui augmenterait ensuite de 2 % par an, ne suffirait pas à repayer les frais au bout de trente ans : la perte sera ensuite essuyée par l’Etat.

Selon l’Institute for Fiscal Studies, seul le quart des étudiants anglais finira par rembourser entièrement sa dette. Au total, l’Etat devrait perdre 43 % de l’argent ainsi avancé.

L’augmentation des frais universitaires mène ainsi à un véritable paradoxe : les étudiants sont amenés à payer plus, mais l’Etat augmente également sa contribution. Les grands vainqueurs de ce système sont bien entendu les universités elles-mêmes, qui ont bénéficié d’une vraie hausse de leurs ressources.

Le sujet s’est invité dans la campagne politique, Ed Miliband, le leader du parti travailliste, a promis de réduire les frais universitaires à 6 000 livres (8 500 euros) s’il remportait les élections législatives du 7 mai. Pour lui, le triplement des frais « a été la trahison d’une génération entière ». L’étrangeté de cette proposition apparemment généreuse est qu’elle bénéficie essentiellement à ceux qui auront des hauts salaires : ceux-là auront moins à rembourser. Les autres, en revanche, repayeront à peu près le même montant qu’avant.