Et si les Allemands devenaient les champions de la grève ?

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Les conducteurs de trains allemands sont entrés en grève pour la septième fois en dix mois. Mais cette fois-ci, il ne s’agit pas d’une grève comme les autres.

“Je n’ai jamais fait grève et je n’apprécie pas particulièrement la GDL [le syndicat des conducteurs de trains] et son éternelle position de victime… La mobilité fait partie des droits fondamentaux, tout comme la possibilité de faire grève. Même si les conséquences nous déplaisent, nous devons respecter ce droit”, écrit le quotidien allemand Die Welt.

La grève lancée par le syndicat des conducteurs de trains mardi après-midi pour le fret et mercredi matin pour les trains de voyageurs est le septième arrêt de travail en dix mois de négociations salariales avec la Deutsche Bahn. Mais cette fois, la GDL ne se mobilise pas tant pour des questions salariales que pour exister en tant que syndicat. Ce qui, pour Die Welt, “remet en question l’équité cette grève”.

Le syndicat réagit à une proposition de loi de la ministre allemande du Travail qui autoriserait le gouvernement à privilégier le syndicat comptant le plus de membres pour un seul secteur d’activité afin de “calmer la compétition interne” entre syndicats. Si cette loi est adoptée, la GDL sera perdante face à l’EVG, syndicat des chemins de fer et des transports qui regroupe la majorité des conducteurs de train.

L’intention est bonne, mais serait problématique “dans sa réalisation”, souligne le journal.   “Dans une société où il s’agit constamment de ‘croître, de décrocher de nouveaux marchés et d’attirer plus de clients’, mêmes les syndicats veulent s’agrandir”, précise Die Welt.
Conséquence : au-delà du cas actuel, l’Allemagne est en train de changer fondamentalement, souligne le quotidien conservateur : “Bienvenue dans la République fédérale de la grève”, titre Die Welt dans un autre article. “Les profs, les cheminots, les pilotes – il y a toujours un endroit dans ce pays où l’on fait grève !” constate le journal, chiffres à l’appui : entre 2010 et 2013, le nombre d’entreprises concernées par des grèves a été multiplié par 10.

L’explication selon le journal, est double : d’abord, depuis 2004, les Allemands sont plus exigeants dans les négociations salariales ; ensuite, les secteurs concernés se trouvent moins dans l’industrie et plus dans les services. “Résultat : les grèves sont beaucoup plus visibles pour le citoyen lambda.”

Ce jeudi, les villes de Berlin, Potsdam, Halle, Mannheim et Francfort étaient les plus touchées par la grève des conducteurs de train. Un tiers des trains grande ligne et de 15 à 60 % des trains régionaux ont circulé normalement. La fin de la grève pour le transport de voyageurs est prévue pour jeudi soir ; celle du fret pour vendredi.