Syrie. La chute de Palmyre annonce-t-elle celle de Damas ?

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Les nouvelles conquêtes des combattants de l’Etat islamique signent l’échec des frappes aériennes occidentales. Le groupe terroriste progressera tant que des milices confessionnelles remplaceront l’Etat en Syrie et en Irak.

Qu’on sonne les cloches ! Daech [ou Etat islamique, EI] est entré dans Palmyre [le 21 mai]. Ce n’est pas pour se venger de la reine Zénobie, mais pour venger Mme Oum Sayyaf, capturée par les Américains. Elle était la responsable ès tortures et assassinats de prisonnières chez Daech, mais aussi l’épouse du responsable des affaires pétrolières de l’organisation Abou Sayyaf, lui-même mort dans un raid aérien sur Deir Ezzor [dans l’est de la Syrie, le 16 mai].

Ce n’est pourtant pas elle qui a poussé à la conquête de Palmyre dans l’espoir de s’asseoir sur le trône de la reine Zénobie. L’idéologie de Daech ne permettrait pas de telles fantaisies. Daech effacera probablement le nom de Zénobie de la mémoire humaine et interdira aux femmes d’invoquer son nom. De même, il semble certain que la ville historique sera anéantie.

Cela étant dit, pour ce qui est du musée de la ville – dont on dit que ses fonds ont été transférés à Damas –, il faut en relativiser l’importance. Car c’est probablement la tristement célèbre prison de Palmyre qui est plus chargée de mémoire encore que lui.

Or l’importance de la bataille de Palmyre ne concerne pas seulement la mémoire historique. Son enjeu n’est pas non plus seulement géographique, mais marque un changement dramatique dans les deux crises syrienne et irakienne.Car l’Etat “califal” s’étend et s’enracine plus que jamais, malgré les frappes qu’il subit de toutes parts. Ou peut-être justement à cause de ces frappes. Voilà que Daech s’approche à nouveau de Bagdad en s’emparant de la ville irakienne de Ramadi. Voilà qu’il se rapproche de Damas, par la route de Palmyre-Homs.

Il faut prendre acte : la campagne militaire de la coalition internationale contre Daech a échoué. La politique américaine a été trop hésitante et trop illisible. Compter sur le régime de Bachar El-Assad [beaucoup d’Arabes reprochent à Barack Obama de ne pas avoir été assez ferme vis-à-vis du régime syrien, voire de ne pas réellement avoir souhaité sa chute] représente à la fois une bêtise et une provocation.

Le seul résultat positif en est qu’il est désormais démontré qu’Assad n’est pas capable d’éradiquer Daech comme il le prétendait, ni n’en est l’antidote.

Si Daech arrive à se draper de gloire et peut espérer achever la conquête de tout le territoire marqué par le vide politique et militaire qui s’étend de part et d’autre de la frontière syro-irakienne, c’est à cause de la déception provoquée par la politique des Américains. Ils ont trop tardé à fournir de l’aide aux milices irakiennes qui combattent Daech dans la province irakienne d’Al-Anbar, et notamment à Ramadi.Qui plus est, Daech ne semble pas se battre contre l’armée d’un Etat, mais contre des milices tout aussi milices que lui [et notamment des groupes confessionnels chiites enclins aux exactions antisunnites].

Daech sera vainqueur parce que la reine Zénobie ne peut défendre Palmyre, la capitale de son royaume, qui, dans la mémoire de tous ceux qui peuvent être les sentinelles de la Syrie, est surtout connue pour avoir abrité une des pires prisons du régime d’Assad.– par Sateh Noureddine