En Grèce, le dictionnaire de la crise

A Bruxelles et à Athènes, dans les réunions bureaucratiques ou dans la rue, de nouveaux mots sont apparus à la faveur de la crise. Petit lexique (très anglophone) pour mettre à jour votre vocabulaire sur le dossier grec…

 Grexicon Dans le jargon bureaucratique bruxellois, ce terme désigne… ce que vous êtes en train de lire, à savoir les néologismes liés au cas hellène, contraction de « greek eurozone lexicon ». A Athènes, des artistes se sont aussi emparés du phénomène pour nourrir leurs travaux. Le réalisateur Yiorgos Nalpantidis, auteur du court métrage « greek crisis lexico », joue ainsi sur l’accumulation des sons pour mettre en exergue une réalité pesante…

Grexit C’est sans doute le terme le plus connu par le grand public. Contraction en anglais de « Greece » et d’ « exit », il est apparu pour la première fois en février 2012, pour évoquer la sortie de la Grèce de la zone euro. Son cousin, le « Brexit », lui a emboîté le pas depuis quelques semaines, avec la volonté du premier ministre britannique, David Cameron, d’organiser un référendum sur la sortie du Royaume-Uni de l’Union européenne…

Grexident On doit ce bon mot au ministre allemand des Finances, Wolfgang Schäuble, utilisé pour la première fois en mars, lors d’une interview à la chaîne autrichienne ORF. Contraction de « Grexit » et « accident », il désigne une sortie accidentelle d’Athènes de la zone euro. Plus soft et politiquement correct que le « Grexpulsion », lui aussi mentionné au détour des conversations… En version française, prononcez « graccident ».

Grexhaustion C’est le titre d’une note publiée en avril par deux économistes de la Bank of America-Merrill Lynch. Contraction des mots « Greece » et « exhaustion » ( « épuisement » en anglais), le terme fait référence aux négociations qui n’en finissent plus entre la Grèce et ses créanciers, provoquant la paralysie du pays et la fatigue d’une grande partie de la population… « Il y a toujours une deadline après la deadline », justifient les spécialistes Gilles Moec and Ruben Segura-Cayuela.

Grextension Né en février lors d’une réunion des ministres des Finances de la zone euro, cette contraction de « Greece » et d’ »extension » est utilisée pour désigner un allongement de quelques mois du programme d’aides. Une extension provisoire qui remporterait l’adhésion des deux parties… et permettrait de sortir de l’impasse.

Gretention Plus optimiste, ce mot fait référence à un scénario où la Grèce resterait dans la zone euro. Contraction de « Greece » et « retention », c’est le pendant, pour l’année 2012, du terme « Grexit ».

Grimbo Fini le sirtaki! Apparu au mois d’avril, ce terme marie les mots « Greece » et « limbo », une danse qui consiste à se courber pour passer sous un bâton horizontal. Ou comment Athènes doit courber l’échine et se plier aux exigences de ses créanciers pour passer le cap… A moins qu’il ne s’agisse d’une référence à la Grèce plongée dans les limbes, sans accord conclu malgré des dizaines de réunions ? Ici encore, le terme est né à la faveur d’économistes de Citigroup, les mêmes qui avaient inventé le mot « Grexit » en 2012. L’un d’entre eux, Ebrahim Rahbari, s’explique sur la chaîne Bloomberg, justifiant la deuxième hypothèse : il s’agit de ces « scénarios gris où la Grèce n’obtient pas d’argent des Européens et où il n’y a aucune résolution durable, explique-t-il. On assiste un défaut de paiement de la Grèce, sans sortie de la zone euro. »

IOUs Diminutif de « I owe you » ou « je vous dois » en anglais, ce terme désigne une monnaie parallèle à l’euro, sous forme de reconnaissances de dette destinées à payer les dépenses internes, en attendant des jours meilleurs. Utilisé en Argentine dans les années 2000, ce scénario éviterait à la Grèce une sortie de la zone euro… A ne pas confondre avec le sigle « I ? U »  et la « Re-love-ution » qui s’affiche en graffitis rue Ermou, la principale rue commerçante d’Athènes!

Wake up Apparu en 2012 sur les rues de la capitale grecque, le mot « Wake Up » ou  « Réveillez-vous » fleurit sur les murs des universités, des boutiques ou des immeubles. Le journaliste grec Kostas Kallergis, auteur du blog « When the crisis hit the fan », en a même tiré un documentaire, intitulé « The Wake Up Call ». On y suit le quotidien de quatre graffeurs, Paul, MaPet, Absent et Bleeps. Ce terme désigne de manière plus large le street art politique qui s’est emparé de la capitale depuis le début de la crise.

  • Camille Neveux – leJDD.fr 26/05/2015