Prix Nobel d’économie : un choix à la fois raisonnable et étonnant

Le prestigieux prix suédois a été attribué cette année à des théoriciens du contrat : Oliver Hart et Bengt Holmström.

Comprendre la vraie vie : voilà la posture récompensée cette année par la Banque de Suède en décernant son prix de sciences économiques en mémoire d’Alfred Nobel à Bengt Holmström et Oliver Hart. Comme Angus Deaton distingué l’an dernier, Holmström et Hart sont nés en Europe (respectivement en Finlande et au Royaume-Uni).

Le contrat, un outil essentiel

Les deux sont professeurs à Boston – le premier au MIT, le second à Harvard. Les deux ont été récompensés « pour leur contribution à la théorie des contrats ». Dans l’économie au quotidien, le contrat est un outil essentiel. Contrat de travail, de vente, de plan, d’assurance… Homström et Hart expliquent pourquoi on signe des contrats, et comment mieux les rédiger. Derrière, il y a des questions importantes soulignées par le jury : « Les fournisseurs de services publics, comme les écoles, les hôpitaux, ou les prisons, devraient-ils être détenus par des entités publiques ou privés ? (…) Dans quelle mesure les dirigeants d’entreprise devraient-ils être payés avec des bonus on des stock options ? »

En 1979, Holmström montrait qu’un contrat de travail optimal doit faire dépendre la rémunération d’informations pertinentes. Si les actionnaires veulent rémunérer un PDG en fonction de la performance boursière d’une entreprise, ils doivent le faire en fonction de la performance non absolue mais relative (par exemple en la comparant aux autres firmes du secteur). Il a montré aussi comment les perspectives de carrière ou le travail multi-taches devaient être intégré dans le système de rémunération. Oliver Hart, lui, a précisé comment des contrats forcément incomplets doivent prendre en compte des événements futurs imprévisibles.

Quel contractant a alors le pouvoir de décision ? Les dirigeants pilotent l’entreprise quand elle va bien, mais les investisseurs doivent avoir davantage de poids quand la situation se dégrade. Hart montre aussi que les prisons privatisées fonctionnent souvent plus mal que les prisons publiques parce que l’opérateur fait passer la réduction de coût avant toute autre considération.

Le choix du jury laisse perplexe

Les travaux des deux économistes sont à la fois importants, influents et mêlent réflexions théoriques, modélisation et soucis très concrets. Le choix du jury de Stockholm laisse pourtant perplexe. La théorie des contrats est en effet un champ de recherche récompensé il y a à peine deux ans via le Français Jean Tirole, avec qui Holmström a publié plusieurs articles depuis près de vingt ans.

Le jury avait-il songé à l’époque à un ticket Tirole-Holmström ? La Banque de Suède n’avait pas distingué de Scandinave depuis le Norvégien Finn Kydland, en 2004. C’est chose faite.Même si le Finlandais Holmström, comme Kydland, et comme la majorité des économistes nobélisés, travaillent aux Etats-Unis.

Les Echos 11/10/2016