Synthèse de la presse quotidienne
7 novembre 2016
Ce document est à usage strictement interne et a été réalisé par l’Ambassade de France en Allemagne
- Divers sujets se partagent les Unes de la presse allemande ce matin. La Frankfurter Allgemeine Zeitung indique qu’« un accord n’est pas encore exclu » entre les partis de la grande coalition sur un candidat unique à la succession du président allemand Joachim Gauck, malgré une réunion infructueuse hier des responsables des trois partis. Die Welt cite la critique adressée par la secrétaire d’Etat à l’intégration Aydan Özoğuz (SPD) aux conservateurs bavarois après le congrès de leur parti : « la CSU crée un soupçon généralisé contre les musulmans en Allemagne ». La Süddeutsche Zeitungs’inquiète pour sa part de voir que « le parti kurde boycotte le parlement » en Turquie à la suite des arrestations de ses responsables. Der Tagesspiegel met à sa Une une interview de Can Dündar, ancien rédacteur en chef de Cumhuriyet, mettant en cause « un putsch d’Erdogan ». Le quotidien des affaires Handelsblatt rend compte du soutien apporté par les industriels allemands aux positions fermes tenues par Sigmar Gabriel lors de son déplacement en Chine la semaine dernière (« de partenaires à rivaux »).
- Allemagne
« Le sommet à la chancellerie sur la succession de J. Gauck une fois de plus sans résultat » (Bild)
Le tabloïd Bild indique que la rencontre hier à la chancellerie fédérale entre les chefs de la coalition pour s’entendre sur un candidat commun à la succession du président fédéral est demeurée infructueuse. « Mme Merkel et M. Seehofer auraient proposé à S. Gabriel plusieurs noms de candidats potentiels en échange du retrait par le président du SPD de la candidature de M. Steinmeier, mais Gabriel les aurait tous refusés », indique Bild. Dans son édition dominicale, le journal indiquait qu’outre le ministre des finances, Wolfgang Schäuble, et la ministre de la défense Ursula von der Leyen, l’actuel président de la Cour constitutionnelle Andreas Voßkuhle, fait partie des candidats soutenus par le camp conservateur. Une nouvelle rencontre des chefs de la coalition est prévue le week-end prochain.
82ème congrès de la CSU
Les commentateurs relèvent les efforts déployés par le chef de la CSU et ministre-président bavarois, Horst Seehofer, pour jouer l’apaisement après des mois de dissension au sujet de la politique migratoire. Cette opération est réussie, estime la Süddeutsche Zeitung car seuls 16 délégués ont voté pour une motion contre la chancelière, ce qui devrait ouvrir la voie au soutien de la CSU en faveur d’une nouvelle candidature d’Angela Merkel à la chancellerie. Les conservateurs bavarois, qui se sont dotés d’un programme intitulé « l’ordre », ont pour objectif d’apporter des réponses au « désordre du monde ». Ainsi, en plaidant en faveur d’un Etat fort, d’une culture de référence et en déclarant la guerre à « l’islam politique », ils cherchent également à barrer la route aux populistes de l’AfD, poursuit le quotidien de Munich. Les prises de position de la CSU concernant « l’islam politique » mécontentent fortement le SPD, indique aujourd’hui Die Welt qui consacre sa Une à la réaction de la chargée du gouvernement pour l’intégration, Aydan Özoguz (SPD), qui reproche à la CSU de faire fi de la liberté de religion en Allemagne en considérant qu’« un bon musulman est un musulman qui renie sa religion, se convertit ou du moins cache sa foi ».
Politique migratoire / projet du ministère fédéral de l’intérieur : « renvoyer les réfugiés directement en Afrique » (Die Welt am Sonntag)
Dans son édition dominicale, Die Welt fait état du projet à l’étude au ministère fédéral de l’intérieur visant à renvoyer aussitôt vers des pays africains des migrants interceptés en Méditerranée. Selon ce projet, des migrants africains prenant la mer depuis la Libye se verraient renvoyer non pas en Libye, mais vers des pays tels que la Tunisie ou l’Egypte afin d’y déposer en bonne et due forme une demande d’asile vers une destination européenne. Selon les propos d’une porte-parole du ministère qui a confirmé ces informations, le projet vise à décourager des migrants de tenter une traversée risquée et infructueuse vers les côtes européennes et à faire baisser sensiblement le nombre des arrivées (160 000 migrants ont réussi cette année à gagner les côtes italiennes, 28 000 pour le seul mois d’octobre), explique Die Welt am Sonntag qui accueille favorablement l’idée du ministère de l’intérieur largement inspirée du dispositif australien. Plus réservée, la Süddeutsche Zeitung qualifie le projet d’« ambivalent », car s’il peut permettre d’éviter des milliers de morts en Méditerranée, il peut aussi être interprété comme une manière pour la « forteresse Europe » de se doter d’une « barbacane sur le sol africain », sans compter qu’il faut encore obtenir des garanties de la part des pays africains devant s’engager pour la retenue dans des conditions décentes de migrants se trouvant dans des camps de transit.
- Europe / International
Turquie
La nouvelle vague de répression et d’arrestations de dirigeants d’opposition et de journalistes en Turquie a fait la Une de toutes les éditions dominicales des quotidiens et suscite nombre de reportages, prises de position politiques et commentaires dans la presse, laquelle n’hésite pas à évoquer une dérive dictatoriale du président Erdogan. « La manière dont il s’empare du pouvoir rappelle des temps sombres, surtout à nous Allemands », écrit le Tagesspiegel, particulièrement alarmiste dans sa couverture des atteintes à la démocratie en Turquie. « Erdogan a tranché, cela ne fait plus aucun doute. Il suit l’exemple russe et veut faire de la Turquie un Etat à mi-chemin d’un système semi-autocratique et d’une dictature », considère la Frankfurter Allgemeine Zeitung, « sous le manteau de la lutte anti-terroriste, Erdogan mène son pays vers la dictature », renchérit la Berliner Zeitung. Pour Die Welt également, « la Turquie est en train de devenir une dictature ». Le Handelsblatt cite des propos de l’ancien chef de Daimler Edzard Reuter, dont la famille avait trouvé refuge en Turquie sous Hitler, jugeant que la situation actuelle en Turquie lui rappelait les débuts du régime nazi. Le parallèle est également fait par l’ancien rédacteur en chef de Cumhuriyet, Can Dündar, qui, dans une interview au Tagesspiegel, estime que « la Turquie dérive vers un régime à la Gestapo, pour employer une image qui parle à chaque Allemand ». Can Dündar est reçu cet après-midi par le président fédéral Joachim Gauck, notent les médias.
La question centrale qui préoccupe la presse est celle de la réponse de l’Europe et de l’Allemagne à cette évolution. Dans l’hebdomadaire Der Spiegel, le président fédéral juge qu’il s’agit d’une « escalade que les Européens ne peuvent laisser sans réponse ». « Cette politique marque-t-elle définitivement l’abandon du rapprochement avec l’Europe ? », s’interroge Joachim Gauck. La Süddeutsche Zeitung évoque les réactions du président du parlement européen, Martin Schulz (SPD), jugeant que les dernières arrestations sapent les fondements des relations entre la Turquie et l’Europe, et du ministre-président de Bavière, Horst Seehofer (CSU), appelant à « au moins suspendre » les négociations d’adhésion. Dans les colonnes de la Passauer Neue Presse, le ministre autrichien des Affaires étrangères, Sebastian Kurz, se prononce à nouveau contre une adhésion de la Turquie à l’UE.
Tout en appelant à une réponse européenne sans équivoque, les éditorialistes doutent qu’elle ait encore, à ce stade, une quelconque influence sur le président Erdogan, à l’instar de la FAZ : « il ne faut pas se faire d’illusion, ce processus ne pourra quasiment pas être influencé de l’extérieur. (…) Le seul levier que les Européens puissent actionner sont les relations commerciales, car sur la plupart des autres dossiers, c’est Erdogan qui a la main : il joue un rôle important en Syrie, il est la clé d’une solution du problème chypriote, et il est en partie en mesure de piloter l’afflux migratoire en Europe. Sur ce dernier point, c’est aux Européens de réduire eux-mêmes leur dépendance à Ankara ». « L’Europe est devant les ruines de sa politique turque », considèrent en des termes analogues la Berliner Zeitung et le Handelsblatt. Le journal économique déplore une situation « complètement enlisée : seules des sanctions pourraient désormais toucher Erdogan, mais elles pénaliseraient une fois de plus l’économie européenne et ne feraient que le renforcer sur le plan intérieur, à l’exemple de ce qui se passe avec Poutine ». Die Welt critique avec virulence la « farce » de la politique turque de la chancelière fédérale, dont la proposition d’accord migratoire UE-Turquie « n’était pas de la politique étrangère mais l’externalisation de tâches allemandes et européennes ». Le Tagesspiegel, comme Die Welt, déplore « deux erreurs » de poids de la part d’Angela Merkel : avoir été intransigeante avec la Turquie à l’époque où celle-ci cherchait à se rapprocher de l’UE, puis trop conciliante avec Ankara face aux dérives autocratiques du président turc. A contre-cœur, la Süddeutsche Zeitung, favorable de longue date à une adhésion de la Turquie à l’UE, résume le sentiment des médias : « telle qu’elle est gouvernée aujourd’hui, la Turquie n’a pas sa place dans l’Union européenne. (…) Une coopération politique peut être nécessaire, mais une politique d’apaisement est exclue. Il faut mettre fin aux négociations d’adhésion »./.