Quand la fièvre de l’intelligence artificielle s’empare de l’école 42

Une centaine de participants se sont réunis à l’école 42 pour tester leurs idées de création de start-up.

« Que se passe-t-il lorsque vous tapez dans votre moteur de recherche « Je ne veux pas voir d’éléphant rose » ? La première image qu’il vous montre est celle… d’un éléphant rose ! », plaisantait, jeudi, un intervenant d’IBM devant un parterre de codeurs, sur le point de participer à Paris au premier Startup Weekend consacré à l’intelligence artificielle (IA). Ils étaient rejoints, le vendredi, par plusieurs dizaines de chercheurs, designers et spécialistes en marketing, dans les locaux de l’école 42. L’ensemble des 84 participants, réunis en équipes, disposaient de 54 heures pour plancher sur une idée de leur choix destinée à fluidifier l’expérience utilisateur de l’homme avec la machine, en s’appuyant sur des algorithmes et les fonctions cognitives de l’être humain. Objectif en fin de course, « pitcher » devant un jury d’experts une technologie tenant la route et, surtout, commercialisable. Parmi les projets présentés, beaucoup de « chatbots » (contraction des termes anglais « chat » et « robot »), ces boîtes conversationnelles intelligentes permettant à l’homme de dialoguer avec la machine pour lui demander, par exemple, des ­conseils de mode adaptés à sa ­morphologie et ses goûts ou encore comment s’entraîner pour un marathon selon ses objectifs et ses capacités…

Prendre le pouls

L’objectif n’était pas tant d’accoucher, le dimanche soir, d’une technologie rodée, mais plutôt de prendre le pouls de cet écosystème, se rencontrer entre participants de différents horizons, créer des synergies, générer de nouvelles idées et les tester en un temps record. « Beaucoup de gens sont tentés en France par l’intelligence artificielle mais hésitent à y aller. Avec ce week-end, on leur met à disposition les moyens techniques et humains pour franchir le pas », explique Josse Blais, à l’initiative de l’événement.

Plusieurs grands groupes et acteurs du monde de l’entrepre­neuriat ont joué le jeu en apportant aux compétiteurs leur technologie ou leur expertise. C’est le cas d’IBM mais aussi de son concurrent Microsoft, qui a offert à tous les ­participants un accès à son programme d’accompagnement Biz­Spark, incluant des licences pour ses produits de développement et ses serveurs. « En participant, notre but n’est pas, derrière, de racheter les start-up qui pourraient être lancées mais de les soutenir avec un partenariat technologique », explique Diana Filippova, membre du jury et responsable du lien avec les start-up chez Microsoft. « Amazon, Google et Microsoft sont en concurrence en ce qui concerne le cloud, avec toutes leurs offres d’API [interfaces de programmation]. Former les développeurs à leurs technologies est indispensable », analyse Yann Lechelle, mentor durant le week-end et directeur opérationnel chez Snips, start-up française spécialisée dans l’IA.

Des ingénieurs et développeurs qui veulent rester en France

La recherche était également de la partie puisque l’Inria – l’Institut national de recherche en informatique et en automatique – offrait à l’une des équipes une semaine d’immersion dans ses locaux. « Le terreau de recherche en France est énorme », note Josse Blais, et ce ­particulièrement dans le domaine des mathématiques appliquées. « La France a un avantage dans ce domaine avec de très bons ingénieurs et développeurs qui n’ont plus forcément envie de déménager dans la Silicon Valley », observe Diana Filippova. « Je le dis toujours à mes connaissances à San Francisco qui cherchent à élargir leur équipe de développeurs : allez voir en France. Le système éducatif produit des ­créateurs de start-up hautement qualifiés, cela leur donne un avantage certain pour ces technologies », corrobore Ethan Pierse, ingénieur américain travaillant et membre de la société de capital-risque Nest VC, qui compte à son actif déjà plus d’une quinzaine de Startup Weekends en tant que mentor.

Reste encore à laisser mûrir cet écosystème entrepreneurial. « A Paris, ce genre d’événements n’est pas encore culturellement très accepté. Et pourtant, un environnement entrepreneurial riche et puissant est indispensable à l’émergence de bonnes start-up », conclut-il.

Les Echos 08/11/2016