Aujourd’hui en Allemagne

Synthèse de la presse quotidienne

14 novembre 2016

Ce document est à usage strictement interne et a été réalisé par l’Ambassade de France en Allemagne

  1. Les conséquences de l’élection de Donald Trump continuent de faire les gros titres de la presse. Die Welt met à sa Une l’appel du président du groupe PPE au parlement européen, Manfred Weber, en faveur d’une structure militaire propre à l’UE (« l’Europe doit rapidement être en mesure d’assurer sa défense »). Der Tagesspiegel retient de la première interview télévisée du président élu que « Trump veut expulser des millions de personnes rapidement ». La  Frankfurter Allgemeine Zeitung publie une tribune du président de la CSU et ministre-président bavarois Horst Seehofer invitant à « ne pas rejeter la faute sur les citoyens » dans l’analyse de la crise de confiance que traverse la construction européenne. La Süddeutsche Zeitung note que « la grande coalition s’efforce de trouver un successeur à M. Gauck », l’actuel président fédéral. Le quotidien des affaires Handelsblatt s’inquiète que le prix élevé de l’électricité d’origine éolienne demeure un obstacle à son développement (« le piège du prix de l’électricité »). La presse écrite, audiovisuelle et en ligne du week-end est largement revenue sur le premier anniversaire des attaques du 13 novembre 2015.
  2. Allemagne

« La coalition à la recherche d’un successeur pour Gauck » (Süddeutsche Zeitung) – « les citoyens veulent Steinmeier pour président » (Tagesspiegel)

La presse du week-end et les journaux du jour reviennent sur les discussions entre les chefs de la grande coalition afin de se mettre d’accord sur le soutien à un candidat commun à la présidence fédérale. Si la presse en est restée à une absence de compromis après la rencontre d’hier soir à la chancellerie fédérale, les médias en ligne et l’agence dpa indiquent ce matin que la CDU s’est résolue à apporter son soutien à Frank-Walter Steinmeier, le candidat du SPD. En réaction, Die Linke, largement hostile au candidat SPD, a fait part de son intention de présenter son propre candidat.

Estimant que F-W. Steinmeier est « l’option la moins mauvaise pour la CDU/CSU », après le veto formel de la CSU à un candidat des Verts soutenu par la CDU, la Süddeutsche Zeitung considère néanmoins que cette potion s’apparente à un désaveu pour Mme Merkel qui a essuyé les refus successifs de trois candidats CDU potentiels : Norbert Lammert, Wolfgang Schäuble et Ursula von der Leyen. Die Welt rend hommage à l’habileté du chef du SPD, Sigmar Gabriel. En proposant publiquement le ministre des affaires étrangères Steinmeier, S. Gabriel a sciemment passé outre l’accord tacite entre les chefs de la coalition consistant à chercher tout d’abord à identifier un candidat commun, et ce, alors que l’assemblée chargée d’élire le président fédéral compterait 43% de voix conservatrices et disposerait avec les Verts d’une confortable majorité, alors qu’en faisant jeu commun avec Die Linke et les Verts, le SPD n’est même pas en mesure de réunir une majorité mathématique.

Congrès fédéral des Verts : « le coup de barre à gauche des Verts » (Frankfurter Allgemeine Zeitung)

Réunis en congrès fédéral à Münster (Rhénanie du Nord-Westphalie), les Verts ont cherché à se préparer aussi bien à l’éventualité d’une coalition au niveau fédéral avec le SPD et Die Linke, qu’avec la CDU/CSU, relève le tabloïd Bild qui en veut pour preuve l’intervention, hier, devant les délégués du parti, du patron de Daimler, Dieter Zetsche, peu applaudi, selon la Berliner Zeitung. Sur le fond, le programme adopté par le parti (abandon des allègements fiscaux dans le cadre du dispositif d’imposition par foyer fiscal pour les couples mariés, abandon de toutes poursuites contre les bénéficiaires de l’aide sociale qui ne respecteraient pas les conditions imposées et surtout introduction d’un impôt sur la fortune) est interprété par la FAZ comme un net coup de barre à gauche. Pour les journaux qui se focalisent dans leurs commentaires sur l’idée de réintroduire un impôt sur la fortune (abandonné en 1997), les Verts ont certes tiré les leçons de l’impopularité de leur dernière campagne pour les élections fédérales (ils prônaient alors des hausses d’impôts généralisées) en se concentrant cette fois sur les super riches, manière, selon la tageszeitung, de « se réconcilier » avec leur clientèle éduquée et financièrement à l’aise. Encore faudrait-il, comme le relève Bild, que l’on sache à combien est fixé l’impôt sur la fortune et à partir de quel niveau de richesse il s’applique. Qualifiant l’impôt sur la fortune d’« impôt bête » et d’« anachronisme », la Süddeutsche Zeitung dénonce une mesure qu’elle juge « aussi inutile que coûteuse » et qui ne contribue en rien à davantage d’égalité sociale.

« Le gouvernement fédéral se met d’accord sur un plan d’action en faveur du climat » (FAZ)

Dans son édition de vendredi 11 novembre, la FAZ faisait état de l’accord finalement intervenu au sein de la coalition qui prévoit à l’horizon 2030 une réduction de 10 millions de tonnes des émissions de CO2 pour l’industrie et une diminution des deux tiers des émissions pour le secteur du bâtiment. Le quotidien de Francfort signale que par rapport au projet initial le texte approuvé a été largement édulcoré.

Election de Donald Trump : « les Allemands déplorent le fossé entre responsables politiques et électeurs » (Die Welt)

Dans son édition du 11 novembre, Die Welt publiait les résultats d’une enquête réalisée par l’institut Emnid selon laquelle les trois quarts des personnes interrogées sont d’avis que les partis établis et les responsables politiques se sont éloignés des électeurs, un point de vue partagé par quatre cinquièmes des plus de 50 ans, les moins de trente ans étant 57% à le penser. Interrogés sur l’élection de Donald Trump, plus de la moitié des Allemands déclarent que cette élection « leur fait peur », six personnes sur dix s’attendant à une dégradation des relations germano-américaines. Les trois quarts des personnes interrogées sont en outre d’avis que l’élection de D. Trump est de nature à creuser le fossé au sein de la société américaine.

Dans une tribune parue dans le Spiegel, Sigmar Gabriel fait valoir que l’élection américaine doit être à la fois un « avertissement » et un « signal de réveil » pour les démocraties occidentales. Estimant que « celui qui perd le soutien des ouvriers de la « Rust Belt » ne saurait être sauvé par les hipsters californiens », le chef du SPD estime que parmi les leçons que son parti doit tirer de l’élection du candidat républicain figure notamment l’obligation de renforcer la démocratie en défendant ouvertement les intérêts des ouvriers. Dans une tribune que publie aujourd’hui la FAZ (dans le cadre d’une série de points de vue sur l’Europe entamée il y a plusieurs mous), le chef de la CSU, Horst Seehofer, fait valoir de son côté que ce ne sont pas les citoyens, mais les élites pro-européennes de Bruxelles et des Etats-membres qui sont responsables de la crise de confiance que traverse le projet européen. Il met ainsi en garde les responsables politiques contre la tentation de pointer un droit moralisateur sur le peuple car ceci contribue à renforcer l’idée de l’arrogance que représente aujourd’hui l’Europe aux yeux d’un grand nombre.

  1. Europe

« Après l’élection de Trump, l’Europe doit rapidement être en mesure d’assurer sa défense » (Die Welt)

En amont de la réunion des ministres européens des affaires étrangères et de la défense aujourd’hui à Bruxelles, le constat s’impose pour plusieurs dirigeants allemands et européens de la nécessité pour l’UE d’investir davantage dans la défense européenne et de mutualiser les capacités des Etats membres, face à l’incertitude de la politique atlantiste de la future administration Trump. La Süddeutsche Zeitung rapporte les propos du président de la commission européenne, Jean-Claude Juncker, mercredi soir lors d’un discours à Berlin, appelant à une « relance du projet d’union de la défense allant jusqu’à l’objectif de la création d’une armée européenne », une déclaration qui passe relativement inaperçue dans la presse écrite. Dans une tribune du Tagesspiegel dominical, la ministre allemande de la défense, Ursula von der Leyen, appelle l’Europe à prendre « davantage de responsabilités » pour sa sécurité mais souligne expressément « qu’il ne s’agit en aucun cas de débattre d’une armée européenne ou de faire concurrence à l’Otan ». « Sur le plan de la sécurité commune, nous avons grand besoin de rattraper le temps perdu, nous sommes loin d’avoir les capacités d’action et de décision qui nous pourrions avoir. C’est pourquoi nous avons déjà engagé une initiative en ce sens avant même les présidentielles américaines », écrit U. von der Leyen. Dans la Passauer Neue Presse, le président du groupe conservateur au Bundestag, Volker Kauder (CDU), estime pour sa part que « l’Europe doit, dans ce domaine aussi, se rapprocher, et il faut poser les jalons d’une armée européenne ». Son homologue au parlement européen, Manfred Weber (CSU), juge dans une interview à Die Welt que « Trump va renforcer la nécessité de créer une communauté européenne de défense et pousser les Etats de l’Union européenne à prendre enfin davantage de responsabilités », estimant urgent de créer des « structures d’intervention militaire communes ».

Au-delà de ce thème, les quotidiens déplorent le peu de cas fait par Donald Trump et son entourage de l’Europe et la « provocation calculée » (Die Welt) du futur président américain recevant comme premier homme politique européen l’artisan du Brexit, le Britannique Nigel Farrage : « cela montre toute l’étendue du mépris du nouveau président pour l’UE », estime Die Welt.

  1. France

Commémoration des attaques terroristes de Paris

La presse allemande ne cache pas son émotion à l’évocation des attaques terroristes du 13 novembre 2015 dans une abondance de pages spéciales, reportages et témoignages rendant hommage au courage des Parisiens et à la capacité de résilience des Français. « Le sang-froid et la mesure avec lesquelles les Français ont réagi aux attentats impressionnent. Malgré d’autres actes terroristes islamistes – l’assassinat de deux policiers, la mise à mort d’un prêtre, l’attaque de Nice – l’objectif de l’idéologie djihadiste, monter les musulmans et non-musulmans les uns contre les autres, n’a pas été atteint. Au contraire, le pays a réussi à surmonter le choc des événements et à aborder véritablement les douloureux débats qui en découlaient sur l’état des lieux des services de renseignement, la surpopulation carcérale et la radicalisation d’adolescents », constate la radio publique Deutschlandfunk à l’instar des autres médias. Le concert de réouverture du Bataclan, symbole de cette résilience pour les médias, suscite de nombreuses correspondances. « Paris est toujours vivant, un an après le Bataclan », résume le quotidien tageszeitung en présentant la vitalité culturelle de la capitale française (expositions, salon photo, festival de littérature) en ce dimanche 13 novembre.

« La France a choisi la sobriété pour commémorer le 13 novembre », souligne la FAZ en mettant en exergue le lancement du projet de recherche INSERM/CNRS sur les témoignages d’un millier de rescapés et témoins des attaques. Les quotidiens publient des photos de la « commémoration silencieuse à Paris » (Süddeutsche Zeitung) par le président de la République et la maire de Paris sur les lieux des attaques. La tribune du Premier ministre paraissant dans plusieurs grands quotidiens européens est publiée dans Die Welt sous le titre : « oui, le terrorisme nous frappera à nouveau ». Plusieurs quotidiens reviennent dans ce contexte sur la prorogation de l’état d’urgence (« le jour où l’état d’urgence est devenu la norme », Tagesspiegel) et les nouvelles mesures annoncées dans la lutte anti-terroriste, notamment la création du fichier TES, un projet qui inquiète. « Le monstre de données suscite la peur en France », titre la Süddeutsche Zeitung. « Un tel fichage massif est contraire à toutes les traditions françaises et le gouvernement n’a pas expliqué en quoi il est indispensable à la sécurité des citoyens », commente le quotidien alternatif tageszeitung./.