L’ubérisation en marche des services à la personne

Ce marché florissant, estimé à 20 milliards d’euros, attire de nouveaux acteurs.

SERVICES Ils s’appellent starofservice.com, stootie.com, helpling.com ou sefaireaider.com. Ces start-up ont levé plusieurs millions d’euros ces derniers mois pour débarquer sur le marché très florissant des services à la personne : il pèse environ 20 milliards d’euros en France et reste dominé par des acteurs historiques comme Shiva ou O2 qui disposent de réseaux d’agences. En forte croissance (+ 31% en 2015), Shiva, spécialisé dans le ménage, devait ouvrir cette année 30 antennes régionales et en compter 150 au total en France. De son côté, le leader O2, qui est passé en dix ans de 5 à 150 millions d’euros de chiffre d’affaires, vient d’avaler le n° 5, Apef Services. Une concentration nécessaire dans un secteur où les volumes permettent de compenser de faibles marges. D’autres acteurs, comme les banques et les compagnies d’assurances, se sont aussi dotés de leur propre réseau pour se rapprocher de leurs clients et s’assurer des relais de croissance. Dernier venu, La Poste, qui a racheté en mai le réseau d’aide à domicile Axeo (180 agences).

Amazon à l’affût

Tous sont confrontés aujourd’hui à l’ubérisation du secteur, les consommateurs recherchant plus de flexibilité dans le choix et le règlement des services. « La situation est comparable à celle de l’hébergement il y a cinq ans, avant l’arrivée d’Airbnb », commente Karim Abichat, PDG d’Ogust, qui a créé un logiciel pour les prestataires de services. Cette tendance concerne aussi bien le ménage que la plomberie ou le baby-sitting. Les nouveaux entrants sont des spécialistes comme Helpling (ménage) – qui appartient au groupe allemand Rocket Internet – ou des généralistes comme Starofservice. La plupart n’emploient pas de prestataires mais les mettent en relation avec des clients via des plateformes d’intermédiation moyennant une commission. Ces places de marché permettent de réserver, voire d’acheter des prestations directement sur leur site.

« Aujourd’hui, il y a de la place pour tout le monde et tous les modèles, estime Mehdi Louali, directeur général de Helpling. Notre premier concurrent est le travail au noir. » Certes, le phénomène est plus progressif que dans le tourisme ou les VTC, le facteur humain restant déterminant dans le choix des prestataires. La réglementation – notamment dans le secteur de la dépendance – limite par ailleurs la désintermédiation. Enfin, toute la population n’est pas encore mûre. « Nous touchons une population déjà éduquée à l’e-commerce et qui faisait appel jusque-là au système  D  », ajoute David Talbot, cofondateur de myplombier.

Si la plupart des acteurs traditionnels campent sur un modèle d’agences « en dur » et de chargés de clientèle, beaucoup ont digitalisé leurs services. Vitalliance, l’un des leaders de l’aide aux personnes âgées, a ainsi créé la plateforme Nagora, ouverte depuis à l’ensemble de la profession, permettant aux auxiliaires de vie de gérer leur carrière.

Tous se préparent à ce que les cartes soient rebattues avec le numérique. Ils savent que même les géants du Web sont à l’affût. Aux États-Unis, Amazon teste depuis dix-huit mois Amazon Home Services. Google a racheté l’an passé la technologie de Homejoy, plateforme de ménage. Une nouvelle ère à l’horizon pour les services à la personne

Le Figaro 15/11/2016