Synthèse de la presse quotidienne
Ce document est à usage strictement interne et a été réalisé par l’Ambassade de France en Allemagne
15 novembre 2016
- L’accord des partis de la grande coalition pour soutenir la candidature du ministre des Affaires étrangères Frank-Walter Steinmeier à la succession du président fédéral Joachim Gauck fait les gros titres de la presse ce matin : « les dirigeants de la CDU/CSU acceptent Steinmeier comme président fédéral » (Frankfurter Allgemeine Zeitung) ; « le chef de la diplomatie appelé à devenir président fédéral » (Süddeutsche Zeitung) ; « le meilleur homme de Merkel » (Die Welt) ; « au sommet » (Der Tagesspiegel) ; « président pour temps difficiles » (Handelsblatt).
- Allemagne
« Le chef de la diplomatie appelé à devenir président fédéral » (Süddeutsche Zeitung)
« Parce que la CDU/CSU n’a pas pu trouver mieux, Gabriel est parvenu à imposer Steinmeier comme candidat à la plus haute fonction de l’Etat. Pour Merkel, il s’agit d’une ‘décision dictée par la raison’, pour Schäuble d’une ‘défaite’ », résume en sous-titre le quotidien de Munich qui cite la chancelière et le ministre des finances. « Pour Angela Merkel, la candidature de F-W. Steinmeier s’apparente à un douloureux échec », juge également le quotidien conservateur Die Welt, un avis partagé par l’ensemble des commentateurs qui qualifient cette issue d’« aveu de faiblesse » (FAZ), de « revers » (Tagesspiegel), d’« échec cuisant » (Handelsblatt), voire de « fiasco » (Süddeutsche Zeitung), pour Mme Merkel et le camp conservateur.
Aucun journal ne met en doute les qualités personnelles ni d’homme d’Etat du chef de la diplomatie allemande qui, de l’avis de Die Welt, devrait être assuré d’obtenir la majorité des voix de l’Assemblée fédérale lors du premier tour de scrutin, ainsi qu’une vaste adhésion populaire, souligne la FAZ. De nombreux quotidiens s’interrogent néanmoins sur la pertinence de ce choix. En se ralliant à un candidat de consensus issu non pas de la société civile mais du vivier des personnalités politiques chevronnées du SPD, les conservateurs renoncent à un face-à-face politique et semblent du même coup donner un signal favorable à la poursuite de la grande coalition. « Cette absence d’alternative ne rend pas service au système politique allemand, actuellement mis au défi par les populistes de tout poil », considère ainsi la FAZ. « On est en droit de se demander si, dans la lutte contre le populisme de droite, F-W. Steinmeier est l’homme qu’il faut. Cela ne tient pas à sa personne, mais au fait que le jeu de poker qui a abouti à sa désignation risque de conforter tous ceux qui doutent des élites politiques du pays. Une véritable compétition n’aurait-elle pas été bénéfique ? », écrit le Handelsblatt qui ne doute pas que l’extrême-droite exploitera ce thème contre les partis de gouvernement. De l’avis du tabloïd Bild, A. Merkel a commis une « erreur » et le choix de la « stabilité (terme employé par la chancelière) comme manière allemande de contrer un phénomène Trump » risque d’être de courte durée, car le sentiment que « tous les responsables politiques sont de mèche » devrait être la conclusion de l’histoire. « C’est précisément parce qu’il incarne la continuité que Steinmeier n’est pas la bonne personne pour cette fonction », affirme le quotidien alternatif de gauche tageszeitung selon lequel la victoire de F-W. Steinmeier est « avant tout la preuve que la classe politique berlinoise n’a pas le courage de nommer une personnalité qui représente davantage qu’un système politique hermétique ».
Pour la Berliner Zeitung qui déplore ouvertement un manque de sensibilité politique et démocratique de la part de la CDU, « cette situation montre à quel point le parti, au terme de presque 12 années de pouvoir, est exsangue ». La Süddeutsche Zeitung souligne le paradoxe suivant : « plus que n’importe lequel de ses prédécesseurs, la chancelière est perçue comme forte et irremplaçable à l’étranger, mais chez elle, en Allemagne, les choses lui réussissent de moins en moins et dans ses rangs, où la désignation de F-W. Steinmeier ne manquera pas de nourrir l’inquiétude, elle a perdu son aura d’infaillibilité ».
De l’avis unanime, le grand vainqueur est le président du SPD Sigmar Gabriel, qui, « faisant fi de tout accord tacite, a risqué gros » (Süddeutsche Zeitung). Cette victoire va lui être utile dans la course à la chancellerie fédérale, juge la Berliner Zeitung car elle va mettre du baume au cœur du SPD. « Gabriel apparaît non seulement comme le faiseur de président, mais aussi comme celui qui vient de démontrer que Merkel n’est pas invincible », renchérit le tabloïd Bild pour qui aussi cette issue devrait le conforter dans son choix d’être le candidat tête de liste du SPD pour les élections de 2017.
Numérique/tribune de Sigmar Gabriel dans Die Welt
Dans une tribune intitulée « nous avons besoin d’une émancipation numérique » que publie Die Welt, le vice-chancelier et ministre de l’économie insiste sur la nécessité pour l’Etat de garantir la protection des données de tout citoyen et appelle à ce que de nouvelles règles, au niveau européen, soient mises en œuvre pour assurer cette protection qui concerne, au-delà des strictes données, également le droit de la concurrence et les droits d’auteur.
- Europe
« Les Européens renforcent leur défense » (Handelsblatt)
Les quotidiens rapportent qu’à Bruxelles, les ministres européens des affaires étrangères et de la défense ont décidé de consacrer davantage de moyens aux capacités de défense de l’Union européenne. La Frankfurter Allgemeine Zeitung souligne que la ministre allemande de la défense, Ursula von der Leyen, et son homologue français Jean-Yves Le Drian ont « tenu à marquer en des termes analogues que les mesures envisagées n’étaient pas une réaction à l’élection de D. Trump ». La presse se montre sceptique sur la « sérénité démonstrative » (Handelsblatt) manifestée par les Européens « qui tranche avec la nervosité et l’embarras avec lesquels ils ont réagi » au résultat du scrutin américain. Les déclarations et annonces ne convainquent pas : « Trump accule les ministres de l’UE, les Européens veulent faire grande impression avec un engagement militaire accru mais le succès est modeste », titre ainsi la Süddeutsche Zeitung. « Ce ne sont pas les thèmes actuels discutés à Bruxelles qui vont faire avancer d’un grand pas l’Europe de la défense et fonder une nouvelle superpuissance », considère la Frankfurter Allgemeine Zeitung pour qui « une meilleure planification et un peu plus de coopération en matière d’armement sont loin de placer l’UE en position d’assumer les deux fonctions principales remplies par les Etats-Unis via l’Otan : conduire des opérations d’envergure et protéger le territoire de l’Alliance ». Pour cela, estime le quotidien de Francfort, l’UE aurait besoin de bien davantage de forces conventionnelles et d’une dissuasion nucléaire vis-à-vis de la Russie bien supérieure aux arsenaux britanniques et français, sachant qu’on ne peut plus vraiment compter sur une contribution britannique.
« Le dîner a montré à quel point l’UE est divisée », observe pour sa part Die Welt qui relève le retard de Frank-Walter Steinmeier, l’absence de ses homologues français, hongrois et britannique et les critiques exprimées par le chef de la diplomatie autrichienne envers les réactions négatives de ses collègues, qu’il juge prématurées. « Ce genre de discussions post-traumatiques, où les ministres européens des affaires étrangères se lamentent un peu sur le nouveau venu et se renforcent mutuellement dans la conviction d’avoir raison, traduit l’impuissance de l’UE », commente la Süddeutsche Zeitung en notant que « même le ministre français n’a visiblement pas vu l’intérêt de se joindre à ce colloque de jérémiades ».
La Frankfurter Allgemeine Zeitung note dans ce contexte que lors d’une conférence sur l’Otan organisée à Berlin, le conseiller diplomatique de la chancelière, Christoph Heusgen, a confirmé l’intention du gouvernement fédéral d’augmenter significativement les dépenses de défense allemandes au cours des prochaines années, une demande récurrente des Etats-Unis, rappelle la FAZ.
« La Bulgarie met le cap sur la ligne de Poutine » (Die Welt)
Les chances du président russe de « reconquérir l’Europe de l’Est » et de « faire renaître le bloc de l’Est » ont augmenté après l’élection du nouveau président bulgare Roumen Radev, écrit Die Welt qui considère que « le peuple bulgare a voté pour le passé russo-soviétique » et que la faute en revient surtout aux « technocrates européens » qui auraient déçu les attentes des Bulgares, confrontés plus que jamais à la corruption et la misère. « L’option russe est un vague espoir fondé sur des illusions, qui montre seulement que les électeurs, en Bulgarie comme autre part, ne croient plus à rien », déplore le quotidien de Berlin. « Les électeurs n’ont pas voté pour des considérations géopolitiques, c’était avant tout un vote protestataire contre une classe politique considérée comme corrompue », abonde la FAZ./.