La fin des énergies fossiles n’est pas pour demain

Dans son rapport annuel sur l’énergie mondiale à horizon 2040, l’Agence Internationale de l’Energie prévoit que le pétrole, le gaz et le charbon représenteront encore 74 % de la consommation primaire d’énergie dans 25 ans.

Malgré l’essor remarquable des énergies renouvelables , la planète aura encore besoin des énergies fossiles pendant plusieurs décennies : telle est l’analyse de l’Agence internationale de l’Energie (AIE) dans son grand rapport annuel sur l’énergie pour 2016, qui évalue les trajectoires des différentes énergies à l’horizon 2040. Il s’agit là du scénario central de l’Agence, basé sur les politiques actuelles des gouvernements, et intégrant les promesses liées à l’accord de Paris sur le climat . Mais attention, prévient l’AIE, les industries des fossiles ne peuvent pas ignorer les risques en cas de transition énergétique plus drastique. «Il n’y a pas une seule histoire de l’avenir de l’énergie mondiale : en pratique, ce sont les politiques gouvernementales qui détermineront les trajectoires», souligne son directeur exécutif Fatih Birol.

Dans son scénario central, l’agence voit « clairement de grands gagnants pour les 25 prochaines années -le gaz naturel, et surtout le solaire et l’éolien- qui remplaceront le champion des 25 dernières années, le charbon », explique Fatih Birol. Quelques semaines après un rapport remarqué sur les renouvelables, (« Les Echos » du 26 octobre), l’AIE consacre cette année son focus spécial à ces énergies alternatives, qui selon elle représenteront 60 % des nouvelles capacités de génération d’électricité installées dans le monde d’ici à 2040.

Le pétrole, le gaz et le charbon continueront de progresser en volume

Pour autant, les énergies fossiles resteront nécessaires pour satisfaire la demande mondiale. Selon le scénario central, leur part dans la consommation d’énergie primaire reculera, de 81 % aujourd’hui à 74 % en 2040, mais le pétrole, le gaz et le charbon continueront de progresser en volume. Le gaz naturel gagnera des parts de marché (de 21 % à 24 %) au détriment du pétrole (de 31 % à 27 %) et surtout du charbon (de 29 % à 23 %).

La demande de pétrole, en particulier, augmentera (à 103,5 millions de barils par jour en 2040 contre 92,5 Mb/j en 2015) en raison de l’absence d’alternatives simples pour le transport routier, l’aviation et la pétrochimie, estime l’agence. En revanche la consommation de carburants pour l’automobile déclinera, avec l’essor de moteurs plus économes, des biocarburants, et de véhicules électriques, dont le nombre passerait de 1,5 million en 2015, à plus de 30 millions en 2025 et 150 millions en 2040 : à eux seuls les véhicules électriques permettront d’économiser 1,3 Mb/j de pétrole.

Alerte sur les investissements pétroliers

A court terme, le bras armé de l’OCDE pour l’énergie, qui défend les pays consommateurs, tire à nouveau la sonnette d’alarme sur les investissements pétroliers. Alors que, frappées par la chute des prix du brut, les compagnies mondiales ont massivement réduit leurs dépenses en 2015 et 2016, l’agence estime que, «si le nombre de nouveaux projets reste faible en 2017 pour la troisième année consécutive, il est de moins en moins probable que l’offre et la demande puissent s’équilibrer au début des années 2020 sans un nouveau cycle en dents de scie pour l’industrie». Les prix du brut deviendront alors plus volatiles.

A plus long terme, malgré le développement du pétrole de schiste américain (qui représentera 6 Mb/j à la fin des années 2020), l’agence prévoit que la part de l’Opep augmentera sensiblement en 25 ans, de 42 % de la production mondiale (pétrole et liquides de gaz naturels) en 2015 à 48 % en 2040. L’Iran produira alors 6 Mb/j, et l’Irak 7 Mb/j.

Un marché du gaz plus flexible

Les marchés gaziers seront de leur côté marqués par la forte croissance du Gaz Naturel Liquéfié (GNL), avec les nouvelles capacités à venir en Australie et aux Etats-Unis. La surcapacité qui en résultera dans un premier temps sera progressivement absorbée avec la croissance de la demande. La fluidification des flux qui en résultera conduira à un marché du gaz plus mondial, et plus flexible.

Enfin, alors que la consommation mondiale de charbon a baissé en 2015, pour la première fois depuis la fin des années 1990, l’agence anticipe une croissance limitée de cette énergie à 0,2% par an dans son scénario central, la chute de la demande aux Etats-Unis, en Europe, et même en Chine (-15% sur la période) étant compensée par la hausse dans des pays comme l’Inde ou l’Asie du Sud Est.

Les Echos 17/11/2016