Selon notre nouvelle mesure et contre toute attente, les Français sont heureux (mais ont peur pour l’avenir)!

A l’aube d’une élection présidentielle pleine de questions pour la démocratie, l’institut Viavoice en partenariat avec Le HuffPost, lance un « indice sociétal » agrégeant un ensemble d’indicateurs non-économiques mais liés aux sentiments des Français sur la société.

Ne plus se contenter d’indicateurs macro-économiques pour chercher à comprendre la société

Si les analyses sur l’état de la société se multiplient, elles sont le plus souvent focalisées sur des données économiques. PIB, taux de chômage, salaire médian, indice des prix à la consommation, investissements, épargne, prix des matières premières, des actions, des obligations, des emprunts d’Etat… Certes ces grands indicateurs économiques nous semblent tout à fait légitimes voire indispensables à la compréhension des conjonctures économiques et sociales. Mais ils nous semblent toutefois insuffisants pour en mesurer la portée réelle, sensible, voire symbolique.

Est-ce que la crise économique est finie? Oui, puisque la France n’est plus en récession. Est-ce que le moral des dirigeants d’entreprise repart à la hausse? Oui, puisqu’ils envisagent à la hausse leurs investissements. Mais la crise sociale est-elle pour autant terminée? Est-ce que les Français ont le sentiment d’être véritablement sortis de la crise?

Nous voyons bien que ces indicateurs économiques ne suffisent plus à expliquer les malaises existant au sein des sociétés occidentales. L’analyse strictement économique, aussi précise soit-elle, ne permet pas à elle seule d’expliquer le vécu des populations. Et le risque est de se couper des réalités sociales comme ont pu l’être en cette année 2016 la plupart des décideurs politiques, économiques, médiatiques face aux deux chocs du Brexit et de l’élection de Donald Trump.

Au point qu’on en arrive à se demander comment le monde a pu passer à ce point à côté de la « révolte » des classes populaires du nord de l’Angleterre et des cols bleus de la « Rust Belt » (les régions désindustrialisées du Nord-est américain).

Peut-être pour partie par conformisme intellectuel, par refus de voir, par mépris de classe. Mais aussi tout simplement par une analyse trop partielle des indicateurs : prises de manière générale les économies américaine et britannique vont globalement bien, le chômage y est bas (autour de 5 % dans les deux pays selon les statistiques officielles), et en ce qui concerne les Etats-Unis la popularité de Barack Obama ne laissait aucunement présager ni le rejet des politiques démocrates ni celui d’un certain « establishment ».

Pourtant cette réalité – sans être palpable à travers les grands indicateurs – n’en était pas moins l’expression d’un malaise économique et social bien réel.

Les Français : peuple heureux, peuple anxieux

C’est dans ce contexte particulier et à l’aube d’une élection présidentielle pleine de questions pour la démocratie française que l’institut Viavoice, en partenariat avec Le HuffPost, a souhaité réaliser un « indice sociétal » agrégeant un ensemble d’indicateurs non-économiques mais liés aux sentiments des Français sur la société (démocratie, cohésion nationale, relations entre les gens, sécurité, santé, environnement) et sur leur propre situation personnelle : confiance en l’avenir, bien-être, sentiment d’intégration et sentiment de pouvoir contribuer à changer la société, satisfaction de vivre en France ou dans son quartier… L’ensemble de ces indicateurs collectifs et personnels devant permettre de donner une cartographie de l’état de la société complémentaire des analyses économiques et des statistiques sociales.

Cette première édition positionne l’indice global à un niveau moyen : 44,7

Au-delà de cet indicateur global, pourtant, il est intéressant de s’arrêter sur les indicateurs détaillés. Ces derniers marquent en effet un point de clivage projectif : alors que les Français ne font pas un si mauvais bilan de leur situation actuelle, ils s’inquiètent très largement sur leur avenir.

Ainsi, sur l’état des lieux, les Français jugent majoritairement (56%) leur bien-être satisfaisant. 78% s’estiment chanceux de vivre en France et 75% se sentent bien intégrés dans la société. Sans dire qu’il s’agit de bons résultats pour un pays tel que la France, le fait que la majorité aille vers des éléments positifs est un indicateur notable.

Pour autant, les perceptions se détériorent très sérieusement dès lors qu’il s’agit de se projeter : 68% des Français sont inquiets pour leur situation personnelle dans les années à venir et de fortes majorités estiment que l’accès et à des soins de qualité se détériore (75%), ainsi que la sécurité des biens et des personnes (81%).

Encore plus inquiétant, le sentiment d’impuissance domine. Seuls 32% des Français estiment pouvoir contribuer à changer ce qui ne va pas, ce qui relativise la vitalité démocratique (ou plus précisément la perception de cette vitalité) et l’importance accordée à l’élection présidentielle.

Cet indice éclaire ainsi sur l’impérieuse nécessité de proposer de véritables projets de société et pas simplement une série de mesures défensives uniquement destinées à colmater les brèches. Si aucun projet ne suscite l’espoir, comment transcender les difficultés actuelles et y voir autre chose qu’un déclin?

Huffington Post 14/12/2016