Les robots vont-ils vraiment voler des emplois dans l’industrie ?

Si l’automatisation va effectivement faire disparaître certains emplois peu qualifiés dans les usines, elle va aussi en créer bien d’autres… A condition que la France suive en matière d’offre de formations pour ne pas se faire distancer dans cette nouvelle compétition mondiale ! Décryptage avec Louisa Toubal de La Fabrique de l’industrie.

Quand on parle de robots et d’emploi, certains chiffres qui circulent ont tendance à faire peur… Une publication de deux chercheurs britanniques, Frey et Osborne, très relayée dans les médias ainsi que par certains candidats à la présidentielle, affirme qu’un emploi sur deux présente un fort risque d’automatisation. La méthodologie sur laquelle repose cette étude suscite pourtant de nombreuses controverses.

Des organismes comme l’OCDE ou le Conseil d’Orientation pour l’Emploi estiment plutôt à 10 % la part d’emplois menacés. Par ailleurs, si l’automatisation et la robotisation – comme tout progrès technique – détruisent des emplois, elles créent également de nouvelles activités, qui ne sont pas comptabilisées dans ces études !

Il ne faut notamment pas négliger les effets de gains de productivité sur la création d’emplois dans le reste de l’économie. En réalité, les pays les plus équipés en robots (comme l’Allemagne) sont ceux qui ont su préserver leur base industrielle en renforçant leur compétitivité.

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1 – Les emplois qui vont disparaître

Les pertes d’emplois aujourd’hui constatées dans l’industrie concernent majoritairement les postes à faible valeur ajoutée. Les tâches répétitives et pénibles continueront à être remplacées par des robots. Les postes les plus exposés sont donc ceux liés à la manutention, l’assemblage, etc. Un exemple extrême est celui de Foxconn : cette entreprise taïwanaise, qui assemble notamment les produits d’Apple ou de Samsung, a remplacé 60.000 emplois ouvriers par des robots en 2016 !

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Pour autant, il ne faut pas croire que nos usines seront à terme vidées de leurs travailleurs. On ne le répétera jamais assez : le robot est conçu pour accomplir des tâches et non pour occuper des emplois. Dans ce contexte, l’homme continuera à prendre en charge ce que le robot reste incapable de faire. Il est encore le seul à avoir une compréhension fine du produit, à pouvoir envisager l’amélioration de la qualité, à savoir gérer certains incidents des systèmes complexes (machines connectées…), à être créatif, à avoir des interactions sociales.

2 – Les emplois qui seront créés

Naturellement, des créations d’emplois sont à prévoir dans la robotique (pas nécessairement en France). De nouveaux métiers naîtront pour concevoir ces automates, les outils de décision et de régulation, créer de nouveaux logiciels, etc. La fédération internationale de la robotique table sur la création de 500.000 à 800.000 emplois directs à l’échelle mondiale d’ici 2020.

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Parallèlement, on voit émerger des nouveaux métiers dans le domaine du big data pour récolter, traiter, analyser tous types de données numérisées (data scientist, data analyst, etc.) mais aussi protéger ces données sensibles au sein de l’organisation (data protection officer). De même, il y aura une forte demande pour des profils d’ingénieurs en fabrication additive et en réalité virtuelle.

3 – Les enjeux pour la formation

Selon Eurostat, 42 % des entreprises françaises éprouvent aujourd’hui des difficultés à recruter des spécialistes du numérique. L’offre de formation dans le domaine du big data est récente et en pleine structuration. Les employeurs recherchent souvent une double compétence IT et métier (statistiques,  marketing, communication…), rendant les recrutements encore plus difficiles.

Il existe encore très peu de formations pour les licences et Bac+2 ; les formations les plus avancées sont plutôt mises en place dans les grandes écoles. Soulignons toutefois des initiatives porteuses comme l’École 42 ou la Grande école du numérique.

Au-delà de ces nouveaux profils d’experts, ce sont tous les salariés qui devront être formés pour utiliser des interfaces numériques (ordinateurs, tablettes, machines à commandes numériques, etc.), collaborer via des plateformes ou des réseaux sociaux, etc. Une récente enquête d’Eurostat révèle que 43 % des Français n’ont pas ou peu de compétences numériques, contre un tiers seulement de la population en Allemagne et au Royaume-Uni.

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Le numérique appelle également au développement de soft skills (adaptabilité, travail en équipe, capacité à résoudre des problèmes complexes, esprit critique, esprit d’initiative, etc.) qui doivent être intégrés à notre appareil de formation. Il est donc nécessaire d’adapter le système de formation initiale et continue, tant dans le contenu des enseignements que dans la façon dont ils sont dispensés.

L’investissement dans les compétences des salariés actuels et futurs est indispensable pour tirer parti des nouvelles technologies et restaurer notre compétitivité.

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Vous pouvez lire l’ouvrage “Travail industriel à l’ère du numérique – se former aux compétences de demain” par Thibaut Bidet-Mayer et Louisa Toubal, Presse des mines, novembre 2016

Par Louisa Toubal, chef de projet à La Fabrique de l’industrie

Les Echos 13/02/2017