Les « Health Techs » : « Un potentiel de croissance et d’emplois pour la France »

L’entrepreneur Bernard Gilly interpelle les pouvoirs publics et les candidats à la présidentielle sur la nécessité de mettre en œuvre des moyens pour soutenir les biotechs qui naissent en France mais n’arrivent pas à se développer faute de financement.

Après la « French Tech », les « Health Techs » – les technologies de la santé – représentent un potentiel de croissance, d’emplois et de rayonnement indéniable pour la France. Il est urgent de mettre en œuvre les moyens nécessaires pour assurer leur croissance et leur développement sur notre territoire.

Le succès de la French Tech, plaçant le pavillon français sur le podium des participants au Consumer Electronic Show (CES) de Las Vegas, le prouve s’il le fallait encore : la France est une terre d’innovation, d’entrepreneuriat, d’initiative. L’environnement légal, avec le statut de jeune entreprise innovante (JEI), les incitations fiscales comme le crédit d’impôt recherche (CIR), le soutien institutionnel comme celui du commissariat général à l’investissement (CGI) et de Bpifrance et le tissu industriel n’y sont pas étrangers.

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A cette liste impressionnante d’atouts très compétitifs sur la scène internationale, on oublie trop souvent d’ajouter la qualité de notre recherche fondamentale. En effet, la France dispose d’une recherche scientifique de très haut niveau dans le domaine des sciences de la vie et peut compter sur des équipes particulièrement bien formées dans un environnement clinique de qualité.

Nous avons donc tout pour voir émerger les Health Techs en France, secteur ultra-innovant et créateur de valeur ajoutée et d’emplois. On estime, en effet, que ce secteur pourrait compter environ 500 000 emplois directs et indirects, difficilement délocalisables, s’il était en tant soit peu « encouragé ».

La santé, un poste de coûts

Malheureusement, les biotechs n’ont jamais été une priorité des pouvoirs publics. Ils voient souvent dans la santé un poste de coûts plutôt que les promesses d’un secteur florissant.

Amgen, Genentech, Genzyme, Biogen… Les Etats-Unis ont su, depuis les années 1980-1990, donner naissance aux groupes dont nous connaissons aujourd’hui les noms parce qu’ils sont des géants de la pharmacie. Ils le sont devenus parce qu’ils ont bénéficié d’un environnement adapté, encouragés par des pouvoirs publics soucieux de leur croissance.

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La France compte aujourd’hui de nombreuses start-up prometteuses mais les start-up ne sont pas vouées à le rester ! Et si la France ne veut pas voir gâcher ce potentiel, il lui faut assurer les conditions de leur développement. C’est une obligation stratégique mais aussi la recette du succès.

Ce secteur pourrait compter environ 500 000 emplois directs et indirects, difficilement délocalisables, s’il était en tant soit peu « encouragé »

Il faut souvent entre 7 ans et 10 ans pour développer une molécule et entre 100 et 150 millions d’euros d’investissement pour que ces dernières puissent être mises sur le marché. C’est là qu’en France le bât blesse. Le financement de cette phase de développement est si faible qu’il oblige les start-up à accepter des financements ou des transactions à des valorisations largement décotées par rapport à leurs homologues américaines.

L’urgence et notre responsabilité sont donc de favoriser les relais de croissance financière, de voir ces jeunes pousses grandir demain en France, et devenir à leur tour les géants du secteur.

« Health techs » cherchent investissements de croissance

Le déficit d’incitation au capital-investissement est patent… Les solutions sont multiples et à deux niveaux :

D’abord, flécher les capitaux vers les acteurs spécialisés, en orientant de manière volontariste une partie de l’épargne, dont l’assurance-vie, vers l’investissement dans les Health Techs ou les fonds spécialisés dans leur financement – à l’instar des investissements des fonds de pension américains.

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Il faut aussi inciter les mutuelles à investir de façon directe dans des entreprises ou des fonds spécialisés « santé » – une évidence, les mutuelles et les Health Techs étant, à long terme, intimement liées. Il faut enfin créer un fonds souverain national dédié au « capital-risque/capital-investissement » du secteur.

Il s’agit ensuite d’optimiser des mesures existantes et d’anticiper l’évolution, en sanctuarisant le crédit impôt recherche, tout en rééquilibrant ses orientations en faveur des plus petites entreprises.

Adapter l’environnement légal

Il faut allonger la durée de l’exonération des charges permise par le statut JEI et élargir son assiette aux hauts salaires et plaider en faveur d’une uniformisation des procédures réglementaires européennes pour offrir à nos entreprises un marché véritablement unique de 500 millions d’Européens.

Enfin, ne perdons pas de vue que l’investissement dans les biotechs est risqué, puisque certains projets ne vont pas jusqu’à la mise sur le marché et que toute innovation est évaluée avant sa vente, c’est-à-dire avant tout retour sur investissement éventuel…

Les risques nécessitent d’adapter l’environnement légal en conséquence. Une flexibilisation des règles administratives, fiscales et sociales devra ainsi accompagner les mesures d’incitation financière proposées, sous peine de décevoir ceux pour qui le jeu n’en vaudrait pas la chandelle.

Bernard Gilly, diplômé de l’Insead, entrepreneur dans les biotechs, a créé en 2012 iBionext qui regroupe neuf start-up, puis iBionext Funds en 2016.

Le Monde 23/02/2017