Les artisans plombiers bousculés par la percée des acteurs du numérique

Places de marché, start-up… Le dépannage en plomberie, décrié pour ses abus, est investi par de nouveaux entrants. Les petits artisans, menacés d’ubérisation, doivent faire leur révolution numérique pour survivre.

Après avoir craint le plombier polonais, faut-il trembler pour le plombier ubérisé ? La multiplication des plates-formes numériques – Mesdepanneurs.fr, AlloMarcel , En’jo , – qui proposent des services de dépannage ultrarapide si l’évier est bouché ou si le robinet fuit, vient bousculer le métier traditionnel.

Au tour des artisans plombiers de subir le choc de l’ubérisation. Le secteur a tout pour attirer cette fronde de la désintermédiation. Mauvaise image, arnaques en vrac, éclatement entre des milliers de petites entreprises, retard dans le numérique, Mesdepanneurs.fr, crée en 2013 – un des pionniers sur le marché – a profité d’un coup de fouet de notoriété avec l’entrée au capital de la Maif (à hauteur de 1,7 million) deux ans plus tard. La place de marché tourne aujourd’hui avec 800 professionnels (dont 40 % de plombiers, mais aussi des serruriers, électriciens, vitriers, réparateurs d’électroménager, et bientôt jardiniers.) et réalise 2.000 interventions par mois, en moyenne « au bout d’une heure ». Elle assure ne faire travailler que des professionnels « diplômés », « pendant leurs heures creuses » et perçoit 15 % de commission sur leurs factures, après avoir été notés par les clients.

Numérique

Le site est présent dans une vingtaine de villes françaises et se déploie en Europe, avec cinq pays prévus d’ici à fin 2018. En 2016, la société a réalisé 2 millions d’euros en volume d’affaires. Voilà le nouvel « Uber du dépannage » ? « Notre métier est plus complexe que le taxi, nous avons 400 types de pannes différentes, tout se fait dans l’urgence et nous rentrons chez les gens, cela prend donc du temps pour que les clients fassent confiance aux plates-formes », explique Alexander Gushchin, cofondateur du site. Signe du potentiel, d’autres s’y sont lancés comme AlloMarcel, qui a élargi ses interventions à la rénovation intérieure et a ouvert une boutique pour créer un lieu physique d’échanges.

La fronde ne vient pas que des plates-formes. Consciente du filon que représente le numérique pour offrir des services plus affûtés (devis, prise de rendez-vous et paiement en ligne rapides, échange de photos) et du retard pris par les artisans dans ce domaine, les start-up accourent.

Interface dédiée

Chez MyPlombier, créé en juillet 2015, le client fait lui-même son devis. Après avoir répondu à huit questions et aidé de schémas, un algorithme qui recense les 1.600 cas les plus fréquents lui permettra d’obtenir une proposition chiffrée, avant de prendre rendez-vous avec un plombier du site, puis de payer en ligne. De son côté, Plombier.com a réussi à séduire les gros du bricolage sur ce positionnement du dépannage d’urgence. Après Leroy Merlin, la jeune pousse parisienne s’est associée en février avec Bricorama qui propose ce service en Ile-de-France. Une interface dédiée a été est mise en place sur le site de Bricorama pour la prise de rendez-vous. Les clients bénéficient d’avantages tarifaires et de la garantie d’une intervention dans les 4 heures. D’autres misent sur la tendance écologique et surtout la rapidité d’intervention, comme Le Cyclo Plombier qui sillonne les rues de Paris à bicyclette.

En ligne de fond, tous ces acteurs surfent sur les carences du dépannage à domicile, qui représente un tiers des plaintes reçues par la Direction de la consommation et de la répression des fraudes (DGCCRF­) en 2016 (8.795 sur un total de 69.153). Pour y remédier, un arrêté du 24 janvier 2017 prévoit que, depuis le 1er avril, les prix des prestations de dépannage, de réparation et d’entretien à la maison ­doivent être indiqués sur les sites Internet des professionnels, qui doivent aussi fournir des devis très détaillés ainsi qu’une facture pour les réparations au-delà de 25 euros.

Amazon

Pour les petits artisans, l’offensive de ces nouveaux entrants est rude. « Ils veulent prendre le lien que nous avons avec le client, en privilégiant l’automatisme et sans garantie de qualité », dénonce Pierre Mas, patron d’une TPE de douze personnes près de Toulouse et conseiller professionnel à la Capeb, qui regroupe les artisans du bâtiment. « A nous de réagir en nous regroupant en plate-forme collaborative et en allant sur le numérique », lance-t-il. D’autant, que le géant Amazon Home Services attend son heure pour investir l’Hexagone.

Les Echos 26/05/2017