Bataille des données autour de la ville intelligente

Stationnement, services publics aux habitants, gestion des immeubles : les champs de la ville intelligente sont immenses. « Les Echos » organisent une rencontre baptisée « Les réseaux de demain au cœur de la ville ».

Un peu plus de deux semaines après l’attaque informatique mondiale qui a paralysé notamment les hôpitaux britanniques ou provoqué l’arrêt de l’usine de Renault à Douai, une petite musique se fait entendre. Et si les citoyens commençaient à avoir moins confiance dans l’Internet des objets (IoT) ? Et s’ils se mettaient à douter de l’utilité de rendre la ville plus intelligente ? Et si les maires décidaient de prendre le temps de la réflexion ? Le tout alors que les premières réalisations ­concrètes des projets de « smart city » commencent à devenir une réalité tangible.

Selon un rapport remis à Matignon en avril par le député Luc Belot, le marché mondial des « smart cities » atteindrait entre 400 et 1.600 milliards de dollars. En France, des dizaines de villes – petites et grandes -, de grands groupes et de start-up travaillent d’arrache-pied, déploient capteurs et applis, avec quelques domaines de prédilection, comme l’environnement ou la mobilité, et d’autres en pleine émergence : sécurité, propreté…

A l’heure ou près de la moitié des Français vendent ou achètent en ligne, difficile pour les élus et les entreprises d’imaginer faire machine arrière tant les appli locales capable de moduler la lumière, de signaler un problème dans une rue, ou de gérer l’entrée du parking mutualisé entre plusieurs immeubles sont alléchantes. Pour les habitants et les services municipaux, elles facilitent la vie quotidienne et sont sources potentielles d’économies. Pour les promoteurs des tours, elles permettent de rentabiliser les parkings vides la nuit dont la construction a coûté plus de 20.000 euros pièce tout en évitant que les visiteurs montent dans les étages.

Les technologies sont prêtes

Kevin Cardona, directeur de l’innovation chez BNP Paribas immobilier, évoque l’intérêt de sortir du simple immeuble classique fermé sur lui-même pour passer à des macroprojets comme Réinventer Paris. Des projets dont la conception est partagée entre plusieurs acteurs et dont les idées deviennent réalité. « Les technologies sont prêtes », explique le promoteur dont l’entreprise construit en ce moment un premier démonstrateur, un immeuble d’une soixantaine d’habitants en Ile-de-France. Il sera compatible avec l’application Apple HomeKit. Et lorsque les objets connectés arriveront sur les marchés, ils seront utilisables plus facilement.

Cloud homologué

Mais l’intelligence dans la ville c’est aussi, comme le propose la start-up Habx, permettre aux habitants désireux d’acheter un immeuble de s’identifier entre eux dans une ville et de plancher sur un projet. Faut-il pour autant donner tort aux Cassandre qui prédisent une montée des risques ?

Il reviendra à la collectivité de collecter, stocker, sécuriser, traiter, exploiter et mettre à disposition les données

Le rapport parlementaire remis en avril à Matignon préconise d’améliorer la formation sur la cyber sécurité, et d’inclure systématiquement ce thème dans les marchés passés par les collectivités sur toute question de digitalisation avec recours à un cloud homologué par l’ANSSI. Un statut des données d’intérêt territorial disponibles est également évoqué. « Il reviendra à la collectivité de collecter, stocker, sécuriser, traiter, exploiter et mettre à disposition les données », indique le rapport.

La question de la gestion et de la propriété des données, est de fait cruciale et pourrait donner lieu à des batailles juridiques. Certaines villes n’ont aujourd’hui plus vraiment la main sur leurs données, qu’elles ont confiées aux entreprises délégataires en signant leurs contrats de DSP. Il est vrai que c’était avant que ces données ne deviennent stratégiques.

Le Big Data est essentiel, à condition de savoir l’utiliser. Exemple avec le covoiturage : c’est un service qui n’existe que par la pertinence de l’algorithme et l’ergonomie des applications. Les GAFA l’ont bien compris. Uber a lancé aux Etats Unis « Uber movement » un portail où les villes peuvent s’inscrire et reçoivent des statistiques sur le trafic routier. Connected Citizens, le programme de Waze avec les villes est quant à lui basé sur l’échange de données.

Les élus peuvent utiliser les signalements par les utilisateurs sur les accidents, dégâts sur les routes dus aux intempéries (gravas, nids-de-poule, etc.). De son côté, la ville indique en amont les futures zones de travaux, les événements. Versailles, les départements du Loiret et de l’Aisne ainsi qu’une centaine d’entités y participent.

Les Echos 30/05/2017