La famille ne partage plus toujours les mêmes valeurs

Selon un sondage réalisé pour l’organisme de prévoyance Ocirp et publié en exclusivité par la Croix, la famille ne se fonde plus nécessairement sur une communauté de valeurs mais sur des activités, relations et solidarités au quotidien.

 

Les Français aiment la famille. Cependant, la nature de cet attachement serait en pleine évolution. Ce constat est dressé par le sondage de l’institut Viavoice pour l’organisme de prévoyance Ocirp publié jeudi 15 juin.

Selon cette étude, si 91 % des Français plébiscitent la famille (1), celle-ci se définirait désormais moins par des valeurs partagées que par des activités, relations et solidarités au quotidien.

L’idée que les générations successives partageraient des valeurs reçues des aînés n’a pas résisté à l’évolution des modes de vie et de la démographie, explique le sociologue Arnaud Zegierman, directeur associé de l’institut Viavoice.

« Les Français sont de plus en plus attachés à la famille mais ils se montrent pragmatiques et tolérants afin de la préserver. Ils reconnaissent que l’on peut avoir des valeurs différentes et préfèrent laisser de côté des sujets qui peuvent fâcher. Aujourd’hui, on n’est plus ensemble parce qu’on se ressemble : on est différent et on se rassemble autour d’activités du quotidien, ou de centres d’intérêt culturels. »

La politique, sujet qui éloigne

De quoi d’ailleurs parle-t-on en famille ? De tout ce qui touche aux activités de la vie quotidienne, mais aussi d’art et de culture. Ces deux thèmes arrivent en tête des sujets de discussion qui sont considérés comme « rapprochant » les membres de la famille (respectivement 76 % et 67 %).

À l’inverse, les sujets qui « éloignent » sont la politique (49 %), devant les décisions familiales – héritages, prise en charge des aînés – citées par 42 % des personnes interrogées, et la religion (32 %). Sur ce dernier point néanmoins, « ce n’est pas la foi ou la pratique personnelle qui sont perçues comme épineuses à aborder, décrypte Arnaud Zegierman, mais le fait religieux, et notamment les questions liées à la radicalisation. »

De la même façon, on préfère désormais laisser la politique hors du premier cercle des proches car on sait que ce sujet peut déborder sur des discours violents. On assisterait en effet à un mouvement de fond avec la cohabitation d’une multitude « d’idéologies de niche », d’opinions très individualisées, estime le sociologue.

La famille, refuge « positif »

Les débats qui ont traversé les familles lors de l’élection présidentielle l’ont d’ailleurs montré. « C’est nouveau et cela montre une société à crans », poursuit le sociologue. Face à cette société perçue comme clivante, et qui fait peur, le cocon familial serait un refuge « positif » car semblant par contraste très apaisé.

Chacun aurait le sentiment de pouvoir y être accepté. Ceci représenterait une nouveauté. Il y a quelques décennies, la société paraissait source d’émancipation alors que la famille passait pour oppressante. Depuis, les choses se sont inversées.

L’évolution des modes de vie serait, de fait, passée par là. Toutes les familles ont été confrontées au divorce, au chômage, à des problèmes de gardes d’enfants et ont dû y faire face tant bien que mal, quitte à composer avec les convictions de chacun.

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Plus de dialogue entre les générations

D’autre part, « l’allongement de la vie conduit à ce que les petits-enfants connaissent bien mieux leurs grands-parents encore jeunes et cohabitent avec eux longtemps, reprend le sociologue. Ce dialogue entre les générations, inédit, a pour conséquence des points de vue forcément divers car les références culturelles sont différentes. Ce qui s’accompagne de fait d’une plus grande tolérance ».

Au final, les Français, très pessimistes en général, sont plutôt optimistes sur l’avenir des liens familiaux. Ainsi, 52 % estiment qu’ils vont se maintenir dans les vingt prochaines années et 17 % pensent qu’ils vont même se renforcer.

Signe là encore que la famille a une place particulière : alors que les Français sont très sceptiques en général sur le numérique, volontiers accusé de tous les maux, ils estiment à une courte majorité (52 %) qu’il ne constitue pas une menace pour les liens familiaux.

(1) Étude réalisée par l’institut Viavoice pour l’Ocirp auprès de 1 003 personnes représentatives interrogées en ligne du 13 au 21 avril 2017.

La Croix 15/06/2016