Les entreprises à l’heure de l’Internet industriel des objets

Dans le sillage de l’industrie 4.0, l’Internet des objets connectés passe du secteur grand public à celui de l’industrie. Un formidable accélérateur pour les fameuses « usines du futur » et déjà un marché colossal.

Montres, brosses à dents, cuillers, bracelets… Le grand public a adopté de façon fulgurante les objets connectés à une application logicielle dans le cloud, disponible sur smartphone. A présent, c’est l’industrie qui prend la relève.

Le principe est le même : grâce à une carte électronique ou à une puce, on rend communicant une machine, un véhicule ou tout autre objet industriel pour qu’il converse avec une application professionnelle dans le cloud. Bienvenue dans le monde de l’« Internet industriel » (Industrial Internet of Things [IIoT]) ou de l’« objet connecté industriel ». Des vocables par lesquels les ténors américains du numérique tentent de reprendre l’initiative marketing face au puissant concept allemand d’« Industrie 4.0 » lancé en 2014 avec Angela Merkel. Aucune industrie ne sera épargnée.

En témoignent les projections des cabinets d’analyse. Selon Research Nester, le marché mondial de l’IoT (industriel et grand public) devrait passer de près de 600 milliards de dollars en 2015 à 724 milliards en 2023. Refrain à l’unisson pour le cabinet Markets & Markets, qui prévoit une progression allant de 130 milliards de dollars en 2015 à 883 milliards en 2022, avec une croissance annuelle moyenne de 32,4 % entre 2016 et 2022. Dans ce contexte, qu’il s’agisse de puces ou cartes électroniques, de plates-formes logicielles dans le cloud, de solutions métier ou de service, Markets & Markets évalue la part de l’Internet industriel à 113 milliards de dollars en 2015 et estime qu’elle devrait atteindre 195 milliards en 2022 – avec une augmentation annuelle de 7,89 % sur la période.

Un relais de croissance au niveau mondial

Certains sont encore bien plus optimistes. « L’IIoT est un relais de croissance au niveau mondial qui pourrait augmenter notre PIB de 4 à 5 points d’ici à dix ans. Ce marché sera aussi important que celui d’Internet », analyse Ludovic Le Moan, fondateur de l’IoT Valley à Labège, près de Toulouse, et directeur général de Sigfox, opérateur télécoms du réseau mondial bas débit éponyme consacré à l’Internet industriel. En cinq levées de fonds successives depuis la création de sa start-up en 2010, il a mobilisé pas moins de 275 millions d’euros – notamment auprès d’Idinvest Partners, bpifrance, Elaia Partners, Intel Capital, IXO Private Equity, Partech Ventures, Engie, Air Liquide, Telefónica, SK Telecom, Salesforce, Total, Henri Seydoux, Alto Invest, Swen CP… « Tous les secteurs économiques, tous les métiers vont être impactés par l’IIoT, reprend Ludovic Le Moan. Ce sont surtout les applications industrielles qui vont faire le gros des recettes dans les objets connectés. »

Optimiser les coûts

Mais pour faire quoi ? Créer de la valeur en faisant parler des objets qui, jusqu’ici, étaient muets. En ligne de mire, il s’agit surtout d’optimiser les coûts, de tracer les objets pour en gérer la maintenance ou pour en prévenir le vol, ou encore de collecter des données afin de mieux concevoir la prochaine génération de produits. « Couplés à l’intelligence artificielle, les objets industriels connectés aident à améliorer les marges. Ainsi les moteurs de locomotive parviennent-ils à réduire de 1 % à 2 % leur consommation de carburant, précise Vincent Champain, directeur général France de GE Digital. Ils sont également suivis en termes de maintenance. Résultat, on les répare bien avant qu’ils ne tombent en panne. »

Pour passer de la preuve de concept à l’industrialisation d’un projet, encore faut-il avoir les yeux rivés sur le retour sur investissement. Telle est l’opinion de la start-up Connit, qui conçoit et produit à Labège des capteurs communicants pour l’eau, le gaz, l’électricité ou pour les bâtiments intelligents, ainsi qu’une plate-forme cloud pour les gérer. « Nous projetons d’équiper des bonbonnes de gaz en capteurs communicants afin de mieux programmer où livrer des bouteilles pleines et collecter celles qui sont vides. A la clef, le client sera plus satisfait et le propanier économisera des kilomètres parcourus pour rien », détaille Fabien Sevoz, chef de projet chez Connit, qui réalise un chiffre d’affaires de 1,6 million d’euros en 2016 avec une trentaine de salariés auprès de clients comme Engie, Primagaz, Total Gaz ou Eiffage.

Avec la start-up belge Thingsplay, Stuv, fabricant belge de poêles à pellets haut de gamme, a rendu ses produits communicants pour les piloter à distance. Il en a surtout profité pour concevoir une nouvelle génération de poêles servant un modèle économique particulier : le fabricant va vendre non pas ses poêles mais l’usage de la fonction « chauffage » sur la base de contrats annuels.

Erick Haehnsen, Les Echos

Les Echos 28/06/2017