Le gaz de mine réclame une place dans la transition énergétique

La Française de l’énergie, spécialiste de la valorisation du gaz de charbon, fait valoir ses arguments pour ne pas tomber sous le coup de l’interdiction de nouveaux permis d’exploration d’hydrocarbures décrétée par Nicolas Hulot.

À l’origine de nombreux accidents dus à des explosions, les fameux coups de grisou, le gaz de mine, essentiellement composé de méthane, a piètre réputation. Mais dans le nord de la France, la Française de l’Énergie y capte le gaz qui continue de s’échapper de puits désaffectés, qu’elle transforme en électricité et en chaleur. Une activité pour laquelle elle a obtenu le label « énergie de récupération ». Les quatre sites opérés par la Française de l’Énergie produisent 9 MW, soit les besoins en électricité d’une ville de 40.000 habitants, qu’il vend à un tarif de rachat garanti pour un revenu de 4 millions d’euros sur 15 ans.

Avec Dalkia pour le réseau de chaleur de Béthune

Par ailleurs, la ville de Béthune a annoncé début juillet avoir choisi Dalkia pour la rénovation de son réseau de chaleur. Cette dernière lui fournira à la fois du gaz naturel, du gaz de décharge et pour 2 MW de gaz de mine fourni par la Française de l’Énergie, éligible au fonds chaleur de l’Ademe et au taux réduit de TVA à 5,5%.

Le gaz ainsi capté évitera 35% des émissions de CO2 de la ville, qui peut afficher un taux de couverture en énergies renouvelables et de récupération de 84% pour son nouveau réseau de chaleur. Signé pour 22 ans, ce contrat mixant gaz, électricité et chaleur serait selon Julien Moulin, PDG de la Française de l’Énergie, une première en Europe de l’Ouest. Au-delà des aspects environnementaux et de réduction des coûts pour la collectivité, « cela s’inscrit dans la continuité de l’histoire de ces territoires », souligne-t-il.

Le gaz du charbon lorrain inexploité

C’est en rachetant Gazonor en 2008 que la Française de l’Énergie, née d’une société australienne rapatriée en France par cet ancien expatrié à Shanghaï et d’abord baptisée EGL (European gaz limited), aujourd’hui labellisée « Jeune entreprise innovante » par BPI France, s’est implantée dans les Hauts-de-France. Mais l’entreprise est également présente en Lorraine, où elle souhaite récupérer le gaz de charbon de mines n’ayant jamais été exploitées. Pour aller chercher le gaz au cœur même du charbon, il faut procéder par différentiel de pression, ce qui a d’abord pour résultat de pomper l’eau interstitielle. Le gaz s’échappe ensuite du charbon ainsi asséché.

« Cela ne nécessite aucune injection ni fracturation hydraulique », insiste Julien Moulin. Il suffit de creuser des puits de 60 centimètres de diamètre (15 en surface) jusqu’à 700 à 1.200 mètres de profondeur. L’eau récupérée, très pure après avoir été filtrée par le charbon, peut être exploitée par des industriels, notamment pour la dilution de leurs effluents. « De la pisciculture est même être envisagée », signale Julien Moulin.

Au moins deux permis en suspens

C’est que le chef d’entreprise est plus désireux que jamais de montrer « patte verte ». Autant son activité labellisée « énergie de récupération » dans les Hauts-de-France bénéficie de toutes les faveurs et soutiens publics, autant ses permis d’exploration en Lorraine, pour lesquels 70 millions d’euros ont d’ores et déjà été dépensés, risquent de tomber sous le coup de l’interdiction de tout nouveau permis décrétée par le ministre de la transition énergétique et solidaire. Nicolas Hulot est resté relativement flou sur le sujet des permis déjà attribués.

« Il y a en métropole et dans certains territoires des droits qui ont été donnés. On va quand même essayer de négocier. »

La Française de l’Énergie compte deux « permis exclusifs de recherches de mines d’hydrocarbures liquides ou gazeux » déjà validés par la préfecture de la Moselle, donc par l’État.

Mais deux autres demandes de permis exclusifs de recherches sont en attente de validation depuis plusieurs années : « Bleu Lorraine Nord », qui couvre 360 kilomètres carrés, et « La grande garde », 1.977 kilomètres carrés en Meurthe-et-Moselle.

Empreinte carbone 10 fois meilleurs que le gaz importé

C’est ce qui pousse Julien Moulin à dérouler ses nombreux arguments : une meilleure qualité que le gaz importé – notamment le GNL issu du gaz de schiste américain qui commence à inonder l’Europe – pour un coût de 15 à 20% moins élevé, notamment grâce aux économies réalisées sur le transport et les obligations de stockage ; une empreinte carbone 10 fois plus faible que le gaz entrant aujourd’hui dans le mix énergétique français, là encore grâce aux circuits courts, ou encore les opportunités en matière de reconversion des sites.

Recourant déjà à une centaine de  sous-traitants locaux (logistique, transport d’eau, tubage, forage, gardiennage, fabricant de pompes, etc.), la Française de l’énergie vise également à terme une centaine d’employés. Julien Moulin précise qu’un des sites lorrains concernés est situé à proximité de Carlin et de la grande centrale Émile Huchet de l’Allemand Uniper. Cet argument de la reconversion pourrait selon lui permettre à la France d’accompagner la transition énergétique des pays d’Europe de l’Est.

5% du marché français en 2020

En attendant, en France, où les réserves certifiées correspondent à six ans de consommation, Julien Moulin vise une part de marché de 5% pendant 20 ans, et un chiffre d’affaires de 35 millions d’euros en 2020. À condition que les pouvoirs publics, auprès desquels il multiplie les rendez-vous, soient réceptifs à ses arguments.

« À quoi bon interdire l’exploitation d’hydrocarbures sur le territoire français si c’est pour en importer, qui plus est pour un coût annuel de 10 milliards d’euros ? » demande-t-il .

La question mérite d’être posée.

La Tribune 26/07/2017