Un logiciel pour automatiser la détection des « fake news »

Surnommé « détecteur de baratin », il est financé par les milliardaires George Soros et Pierre Omidyar et sera testé à partir d’octobre.

« Détecteur de baratin ». Tel est l’irrévérencieux surnom du logiciel développé par une équipe de chercheurs de l’ONG londonienne spécialiste du « fact-checking », Full Fact. L’objectif ? Mettre à la disposition des journalistes un programme de détection automatisée et en temps réel de fausses informations.

Le logiciel « scanne les sous-titres d’émissions d’actualité diffusées en direct, des retransmissions de sessions parlementaires, mais aussi les articles de journaux », rapporte le journal britannique « The Guardian », jusqu’à identifier les « affirmations correspondant aux faits vérifiés qui sont dans sa base de données ». Il s’avère en outre capable de faire apparaître à l’écran « les informations confirmées ou infirmées au fil du discours d’un politicien ».

Version test disponible en octobre

Financé à hauteur de 500.000 dollars par le mécène hongrois George Soros, et Pierre Omidyar, entrepreuneur américain d’origine franco-iranienne et fondateur d’eBay, le projet devrait être disponible en version test au mois d’octobre au Royaume-Uni. Il sera plus tard déployé en Amérique latine et en Afrique, Full Fact s’étant associée à deux associations internationales de « fact-checking » : Chequeado, située en Argentine, et Africa Check, qui couvre notamment l’actualité nigériane et sud-africaine.

L’initiative s’inscrit dans la lignée du renforcement de la lutte contre la propagation de fausses informations sur les réseaux sociaux qui a suivi la campagne présidentielle américaine. Ainsi, Crosscheck, qui allie 37 médias français appuyés par Google et le réseau international de médias First Draft, a été lancée en février. Depuis juillet, InVid, projet sponsorisé par l’Union européenne et rassemblant plusieurs acteurs des médias dont l’AFP, propose un logiciel qui s’insère dans le moteur de recherche et repère les vidéos relayant de fausses informations. Facebook a adopté quant à lui une approche légèrement différente. La plate-forme suggère désormais des « articles liés » à l’actualité relayée par ses utilisateurs, pour la remettre en perspective.

Un véritable défi lors de débats en direct

Le « fact-checking » lors de débats télévisés en direct est un véritable défi. « Lorsque nous vérifions une information le plus rapidement, cela prend 20 minutes, confiait en 2016 Angie Drobnic Holan, rédactrice chez PolitiFact, site Web spécialiste du « fact-checking » lauréat du Prix Pultizer en 2009, à la Columbia Journalism Review. Pour nous, une ou deux heures, c’est rapide ».

De surcroît, l’identité du vérificateur et la manière de procéder à la vérification peuvent faire débat. Moteur de recherche évaluant la fiabilité des sites d’information dévoilé en février, le Decodex du journal « Le Monde » a été critiqué pour sa position de juge et partie.

Un mot-valise parfois trompeur

L’expression « fake news » elle-même a tellement été utilisée qu’elle est considérée par certains comme un mot-valise parfois trompeur. Mevan Babakar, chargée de projet chez Full Fact, défend ainsi son projet avec prudence : « j’ai du mal avec le mot [faux] […] Quelqu’un peut affirmer que le taux de criminalité augmente car c’est le cas dans son quartier, mais il peut être en voie de réduction à l’échelle nationale. » Plus que de prétendre rétablir la vérité, l’experte souhaite donc que le programme informatique en fournisse au moins « la meilleure preuve possible ».

Les Echos 24/08/2017