De l’efficacité des économistes

«Pourquoi personne ne l’a vu venir ? » En novembre 2008, au pire de la crise financière mondiale, la Reine d’Angleterre avait posé cette question naïve aux grands esprits réunis à la prestigieuse London school of economics (LSE).

Une question humiliante pour des économistes persuadés que leurs modèles mathématiques étaient tellement fiables qu’ils pouvaient analyser le présent et prévoir l’avenir. Comment retrouver le sens de l’utilité ? La remise du prix du meilleur jeune économiste 2015, décerné ce lundi 18 mai par le Le Monde et le Cercle des économistes, offre de belles pistes de réponse.

A 38 ans, Pascaline Dupas est un pur produit de l’excellence française, comme elle sait s’exporter : Normale Sup, Harvard, professeure à la prestigieuse université californienne de Stanford. Et pourtant cette universitaire de haut vol, n’a qu’une obsession : le terrain, l’Afrique. Aller voir ce qui se passe et comprendre. « Pourquoi l’enfant de mes amis est mort de la malaria ? », se demande-t-elle. Alors elle utilise la réalité comme laboratoire. Tester scientifiquement des solutions différentes et voir celles qui sont les plus efficaces.

Expérimentation

Cette approche, théorisée par une autre lauréate du prix, Esther Duflo, aujourd’hui professeure au Massachusetts Institute of Technology (MIT), est en train de révolutionner l’aide au développement en se défiant des généralisations et des évidences. Et donc en écoutant des gens dont la rationalité nous échappe.

Et ce n’est pas le seul apanage de l’aide au développement. Deux des trois nominés du prix cette année pratiquent l’expérimentation pour évaluer l’impact des politiques publiques cherchant des réponses scientifiques à des questions simples, touchant à l’emploi, la santé, l’éducation…

Reste à faire passer ce message aux décideurs qui préfèrent la rhétorique à la pratique. La science économique se réforme dans un bouillonnement salvateur dont pourrait finalement s’inspirer la science politique. Faute de quoi, la prochaine question existentielle de la Reine pourrait bien s’adresser à ses ministres.

P. Escande Le Monde 18/05/2015