Stamatis n’a pas le temps de s’ennuyer. Cela fait cinq mois que ce quadra a obtenu une licence pour ouvrir une boutique de paris sportifs, dans le centre d’Athènes, et il ne regrette pas de s’être battu avec la bureaucratie nationale pour arriver à ses fins. Il constate que tous les jours, l’affluence grandit : « Dès le lundi, les paris commencent fort. Le lendemain, c’est jour de la loterie nationale, très prisée. C’est d’ailleurs la meilleure audience à la télévision en ce moment. » Ces parieurs espèrent sans doute, emporter le jackpot qui enchantera leurs lendemains.
« Ce que les Grecs vivent, entre le chômage, l’incertitude, la peur du lendemain, fait que le jeu traduit une forme d’exutoire », explique Antonis Parios, en charge du programme de désintoxication au centre de lutte contre les dépendances (KETHA). « Les demandes d’aide pour se guérir du jeu, dépassent celles des dépendants à l’alcool », constate-t-il.
Si certains Grecs se laissent aller au jeu, d’autres préfèrent assurer leurs arrières en cas de rupture du pays avec les créanciers. « J’ai acheté des matelas pour toute ma famille, un salon pour ma mère et là, je suis en train de refaire ma cuisine », lance Nancy, une employée municipale. Ses parents ayant souffert de famine pendant la guerre civile, elle en garde un souvenir traumatisant. Comme le faisait son père, elle commence à collecter des boîtes de conserves et des paquets de pâtes. « De toute façon, c’est soit le pays qui fait faillite, s’il n’y a pas de solution, soit le peuple, alors autant dépenser toutes mes économies pour un confort qui me servira » estime-t-elle. L’attente des dernières tractations lui fait craindre le pire, même si elle apprécie qu’Alexis Tsipras tienne tête aux créanciers. « Après tout, philosophe-t-elle, quoi qu’il arrive, rien ne sera pire que ce que nous vivons actuellement. »
Hausse de TVA redoutée
La frénésie d’achats, Chryssoula Amarandidou, employée dans un minisupermarché de la banlieue balnéaire d’Alimos, l’observe chaque jour. « Crèmes de beauté, laits pour le corps, shampooings et surtout du lait en poudre pour bébé ou lingettes, toutes les marques étrangères se vendent comme des petits pains. Certains de nos clients ont peur qu’une sortie de la zone euro empêche de trouver facilement les marques étrangères. Ils craignent aussi une forte augmentation de la TVA, donc ils font des stocks », explique-t-elle.
Cette commerçante ne veut pas imaginer sa vie sans la monnaie unique. Elle compare cette éventualité à une spirale infernale. « Nous n’aurons plus rien à vendre. La Grèce n’a pas d’industrie pour produire des quantités suffisantes et satisfaire la demande. Je perdrai forcément mon emploi et le rêve que représentaient l’Europe et l’euro s’effondrera comme un château de cartes pour laisser place à l’enfer de la survie », redoute-t-elle.
Le Figaro 16/06/2015