Chauffeurs Uber : des employés en devenir ?

Un tribunal californien a rendu sa décision: oui, les chauffeurs Uber peuvent être considérés comme des employés. Ce jugement n’est pas contraignant mais il pourrait remettre en cause tout le modèle économique de la startup.
Barbara Ann Berwick, chauffeur Uber, est à l’origine de cette décision. En mars 2015, elle obtient de la start-up 4.000 dollars pour des dépenses qu’elle a engagées. Péages, assurance, matériel… la Commission du Travail de l’Etat de Californie juge que ces coûts dépendent d’Uber. La conductrice est donc remboursée, mais l’entreprise fait appel.

L’avis de la justice

Les arguments d’Uber, qui considère ses conducteurs comme des « travailleurs indépendants », ont été démentis par la justice américaine. Selon le jugement rendu le 17 juin par le tribunal californien, la startup abuserait de ce statut pour plusieurs raisons:

  • Le modèle économique et le fonctionnement de l’entreprise repose intégralement sur l’activité de ses chauffeurs;
  • Uber contrôle totalement les outils à disposition des conducteurs via l’application pour Smartphone, elle peut aussi supprimer leur accès si leur notation n’est pas jugée suffisante;
  • La startup fixe le prix de la commission reversée aux chauffeurs pour chaque trajet sans négociation au préalable.

Ce n’est pas la première fois que la justice souligne les limites d’Uber: cette année, plusieurs actions ont été menées pour dénoncer cette notion de « travailleur indépendant« . S’agit-il de cas particuliers ? Ou, au contraire, peut-on imaginer des futures actions groupées (class action) à l’encontre d’Uber ? En tout cas, pour les investisseurs ces questions commencent à prendre corps.

Un modèle à double tranchant

Selon un sondage réalisé par l’application SherpaShare, 69% des chauffeurs qui travaillent exclusivement pour Uber se considèrent comme des indépendants. Le modèle flexible proposé par la startup est donc plébiscité, malgré ses défauts.

Sollicité par l’AFP, un porte-parole d’Uber a justifié le choix des chauffeurs:

« Uber leur permet de gagner leur vie tout en pouvant travailler pour plusieurs employeurs, y compris d’autres sociétés de transport ».

Seul hic, à l’heure actuelle Uber prélève 25% du prix de chaque course effectuée par les conducteurs, sans leur assurer ni assurance maladie, ni pension de retraite. Si l’entreprise était amenée à considérer ses chauffeurs comme employés, elle pourrait alors voir ses coûts de main d’œuvre augmenter de 30%.

En attendant un éventuel changement de statut, Uber continue donc de faire valoir ses avantages concurrentiels à la limite de la légalité. D’une valeur de 50 milliards de dollars, Uber est la startup la plus chère du monde. Très fortement critiquée par les taxis, elle apparaît comme le symbole d’une nouvelle économie numérique.

La Tribune 19/06/2015