Réintégrer les quartiers sensibles grâce au sport

Le ministère des Sports publiera, dans quelques mois, un guide à destination des élus qui souhaitent investir dans les équipements sportifs. Un enjeu clef pour l’intégration dans les quartiers sensibles, largement sous-équipés.

« Penser et gérer des équipements sportifs dans les quartiers prioritaires de la politique de la ville ». Derrière cet intitulé administratif se cache une volonté simple : réintégrer les habitants des quartiers sensibles grâce à la pratique du sport. Le pôle ressources national Sport, éducation, mixité, citoyenneté (PRN-SEMC) du ministère des Sports prévoit, d’ici à 2016, de publier un guide pour informer et aiguiller les collectivités locales sur ce sujet. « C’est un travail inédit en France », affirme Yves Rouleau, ancien administrateur de l’Andes, l’Association nationale des élus en charge du sport. La remise, en 2014, d’un rapport du Centre de recherche pour l’étude et l’observation des conditions de vie (Crédoc), a été l’élément déclencheur. Ce rapport dressait un constat simple : « Le taux d’équipement sportif des ZUS (Zones urbaines sensibles) est relativement faible au regard de leur poids démographique. » En effet, sur les 324.378 équipements sportifs répartis sur le territoire, seuls 8.992 sont implantés dans les quartiers prioritaires de la politique de la ville, soit 2,8 %. Pourtant, 6,8 % de la population de France métropolitaine y réside et outre-mer, le chiffre atteint même 11,5 %. « Ce guide n’est qu’une finalité, explique Loïc Lecanu, chargé de mission au PNR-SEM. Dans les faits, nous dressons un état des lieux de la pratique sportive dans les quartiers prioritaires. »

L’importance de la mixité

Depuis plus d’un an, des enquêteurs du ministère sillonnent la France et analysent les différents équipements sportifs. Un questionnaire détaillé est remis aux gérants : Quelle est l’histoire de cet équipement ? De quand date-il ? Combien d’activités sportives propose-il ? Possède-t-il des lieux de convivialité ? Où est-il situé par rapport aux habitations ? Est-il accessible à pied ? « La fraude, dans les transports en communs, par exemple, ne favorise pas la pratique sportive. Comment respecter les équipements sportifs si, dès le départ, nous sommes à rebours des conventions ? », s’interroge Loïc Lecanu. La question de la mixité est au centre de ces questionnaires, qu’elle soit sociale ou de genre. « Nous voulons réintégrer les femmes, les filles au sport », explique le chargé de mission.

Un projet global

Issu d’un appel des maires, ce guide exprime avant tout la volonté gouvernementale de favoriser l’intégration des quartiers sensibles par le biais de la pratique sportive. « A Montpellier, un projet intitulé « De la CAF à la Fac » a très bien fonctionné », se félicite Loïc Lecanu. Ce projet simple consistait à aller à la rencontre des jeunes dans les quartiers en proposant des cours de judo pour ensuite les intégrer, par le biais du gymnase, à une communauté d’étudiants. Mais tous les projets sportifs ne sont pas des réussites. Mauvaise implantation, équipements inadaptés peuvent facilement réduire à néant l’investissement des communes. La construction de ces lieux dédiés au sport remonte aux années 1960-1970, et va de pair avec l’édification des grands ensembles. Peu rénovés depuis, certains d’entre eux ne permettent plus la pratique d’un quelconque sport. « Nous notons une forme d’obsolescence des équipements », déplore Yves Rouleau. En effet, outre une modification des normes de sécurité, les besoins des populations ont changé. « Les filles ne veulent plus de vestiaires collectifs. Pour mieux les intégrer, il faut aussi sécuriser le chemin qui les y mène », explique-il.

Des coûts sous contraintes

Si, sur le plan procédural, la construction d’un centre sportif n’est pas compliquée, il est essentiel d’en maîtriser les enjeux sociaux. « Les communes passent des appels d’offres, souvent allotis, afin de construire les vestiaires, le centre en lui-même, etc. », détaille Yves Rouleau. Mais il convient également d’intégrer les services sociaux dans le projet global. « Il faut proposer des équipements peu coûteux, facile d’accès, explique cet élu du Poitou-Charentes. Un terrain synthétique peut coûter 500.000 euros ou plusieurs millions si l’on décide d’en faire un luxueux. » Si le sport peut être un atout pour la mixité sociale et le vivre ensemble, il ne faut pourtant pas que la construction des lieux qui lui sont dédiés soit trop onéreuse. Un constat partagé par les élus locaux et les auteurs du guide à paraître l’année prochaine.

Agathe Mercante, Les Echos, 01/07/2015