Le mot : des quotas cotés

Pas de sondage sans sa « méthode des quotas » (par opposition au mode aléatoire) : l’institut de sondage choisit un échantillon de gens représentatifs de la population en matière d’âge, de sexe, de profession, en cherchant « à construire un modèle réduit de la population », explique le mathématicien Cédric Villani (Le Monde du 14 avril 2012). L’institut Opinionway n’a pas manqué d’utiliser cette méthode pour montrer, dans une enquête publiée le 1er juillet 2015, que 49% des jeunes voient dans «le manque de confiance » des entreprises à leur égard l’un des principaux freins à leur embauche, 48% évoquant aussi le « manque d’expérience » et 37% le « manque de débouchés dans de nombreuses filières ». En outre, pour intégrer le monde du travail, les jeunes sondés font d’abord confiance à leur réseau personnel (57%), puis aux sites spécialisés (34%), loin devant Pôle emploi (21%).

Autre application du mot, un rapport de l’Union interparlementaire (UIP) publié en mars 2015 indique que la proportion de femmes députés dans le monde a doublé au cours des vingt dernières années. Il souligne les résultats « remarquables » de l’Espagne, la France, du Portugal et de l’Italie, qu’il attribue à l’instauration de quotas dans la législation. Des quotas qui ont la cote donc.

Pour sa part, l’Association des femmes diplômées d’expertise comptable administrateurs (Afeca), qui a étudié en juin 2015 la place des femmes dans les conseils d’administration et de surveillance des grandes entreprises, constate que « la place des administratrices en position de leadership (présidente, PDG, DG, DG déléguée) reste toujours très limitée : 4,13 % dans le compartiment A, 7,87 % dans le B, 7,62 % dans le C [Les entreprises sont réparties en trois compartiments (A, B et C), en fonction de leur niveau de capitalisation boursière] et 4,04 % sur Alternext ».

Mais pour l’Afeca, « entrer au conseil pour une femme n’est pas une fin en soi mais la possibilité de transformer une contrainte quantitative (les quotas) en une opportunité qualitative de diversifier les compétences mais aussi les « soft skills »  [le relationnel, le comportemental, les compétences « douces »]», alors que la loi Copé-Zimmermann de janvier 2011 impose que les entreprises – PME (au-dessus de 250 salariés et de 50 millions d’euros de chiffre d’affaires), moyennes et grandes entreprises, sociétés cotées, ainsi qu’une partie du secteur public – aient un quota de 40 % de femmes dans leurs conseils d’administration en 2017.

EMPRUNTE A L’ANGLAIS

Le Canard enchaîné du 1er juillet 2015 cite Valéry Giscard d’Estaing : « Eviter de parler de quotas d’enfants », en parlant d’une « annotation portée par le président de la République en marge d’un compte rendu d’un conseil restreint tenu à l’Elysée en 1979 à propos de son projet d’expulsion de 35000 Algériens par an » pour lutter contre le chômage…

Les exemples ne manquent donc pas pour illustrer les définitions du Trésor de la langue française informatisé (TLFI), pour lequel le  mot désigne un « contingent, pourcentage déterminé, imposé ou autorisé », avant d’évoquer, dans un registre économique, les quotas d’immigration, d’importation ou de vente…

Il est emprunté à l’anglais quota par abréviation de quota pars (la part qui revient à chacun) introduit en français à propos de la loi de 1921 sur le contingentement de l’immigration aux États-Unis.

Le TLFI ajoute, dans une ultime précision, que « des quotas » est le pluriel traditionnel du mot mais que parfois on écrit « des quota comme s’il s’agissait du pluriel latin du neutre quotum ».

Pierre Jullien Le Monde 2/07/2015