L’accès aux médicaments innovants devient un défi pour le système de soins

Le coût des anticancéreux a crû de 8 % l’an dernier et la tendance est à l’intensification des innovations.

Y aura-t-il demain des médicaments qu’on ne pourra pas se payer en France ? La Caisse nationale d’assurance-maladie (CNAM) souligne ce risque dans son rapport annuel : « L’arrivée des nouveaux traitements de l’hépatite C a provoqué une onde de choc dans tous les systèmes de santé. Pour la première fois, la question de l’accès à l’innovation médicamenteuse s’est posée non pas pour des pays en développement ou émergents, mais pour les pays les plus riches », rappelle-t-elle. La France, qui s’est montrée plus généreuse que ses voisins dans la distribution du Sovaldi contre l’hépatite C, ne fait pas exception. « La poursuite d’un large accès à l’innovation constituera un défi pour le système de santé dans les années à venir », insiste la CNAM.

Le séisme attendu se voit déjà dans les chiffres de l’Assurance-maladie en 2014. Les remboursements de médicaments délivrés à des patients ambulatoires (qui ne sont pas ou plus traités à l’hôpital) ont crû de 3,8 %, après des années de baisse. C’est l’effet hépatite C. Car si l’on exclut les médicaments « rétrocédés », en réalité achetés à la pharmacie hospitalière, comme le Sovaldi, la baisse des dépenses s’est au contraire accentuée : – 1,2 % l’an passé après – 0,7 % en 2013. Et la situation risque de se tendre dans les prochaines années, explique la Caisse. Jusqu’à présent l’innovation avait pu être financée grâce à l’arrivée des génériques, provoquant une baisse des prix des médicaments de l’ordre de 60 %. Mais ce mouvement touche à sa fin. A l’inverse, les nouvelles thérapies ciblées se multiplient. Elles sont plus coûteuses car elles ne peuvent être amorties sur une vaste population.

Le coût des traitements du cancer a ainsi crû de 150 millions d’euros l’an dernier (+ 8,4 %). En dix ans, la part des thérapies ciblées dans le marché des anticancéreux est passée de 11 % à 46 %. « Les innovations vont s’intensifier dans les années qui viennent : début 2014, sur les 6.200 molécules en cours de développement par les firmes, 30 % concernent l’onco-hématologie », indique la CNAM. De plus en plus, on va soigner le cancer en isolant un gène plutôt qu’un organe (poumon, gorge, prostate…), ce qui permettra sans doute un jour d’élargir le marché de ces traitements. Mais, en attendant, les économies d’échelle ne sont pas encore là, et il faut investir dans le coûteux séquençage du génome des patients.

Médecins rappelés à l’ordre

Face à cet enjeu, l’Assurance-maladie est un peu démunie. Elle fait tout de même quelques propositions. Il faudrait créer, selon elle, un dispositif de veille mutualisé sur les nouveaux traitements, afin d’évaluer leur impact financier. Les médecins qui prennent trop de libertés avec les recommandations officielles de prescription devraient aussi être rappelés à l’ordre, insiste-t-elle. Par exemple, dans le cas des maladies chroniques de l’intestin (Crohn…), ils devraient éviter de prescrire des anti-TNF (10.000 euros pour dix mois) si les immunosuppresseurs suffisent (300 euros) – même s’ils sont un peu moins efficaces. Par ailleurs, les médicaments qui obtiennent une recommandation temporaire d’utilisation pour une indication non prévue nécessiteraient un accord préalable avant d’être prescrits – par exemple le baclofène contre l’alcoolisme. En cas d’autorisation temporaire avant l’autorisation de mise sur le marché, le fabricant du médicament innovant devrait rembourser la différence entre le prix final et le prix temporaire, mais en tenant compte également des rabais secrets négociés avec l’administration. Enfin, pour la CNAM, il faudrait faire le ménage dans la liste « en sus » des hôpitaux, où figurent les médicaments chers et innovants, qui sont parfois prescrits de manière trop large.

  1. G., Les Echos