Depuis quelques jours, il n’y en a plus que pour elle. La canicule. Les chaînes de télévision en font leurs gros titres, certains journaux leur une (pas sûr que Libé n’y cède pas à son tour) et les collègues de travail, comme les commerçants, rabâchent le mot jusqu’à plus soif. Et si, loin d’être un calvaire, la chaleur avait du bon ?
Disons-le d’emblée : il n’y a pas de clim à Libé. Les locaux sont constitués de grands plateaux entourés de baies vitrées et la température intérieure, ces jours-ci, dépasse les 40° C. On s’en sort (difficilement, admettons-le) en essayant de créer des courants d’air, en allumant les ventilos à pleine puissance, en abusant des brumisateurs. Mais le gain en termes de convivialité est incontestable. Les comités de rédaction sont plus détendus, on peut y dire n’importe quelle bêtise et mettre ça sur le compte de la chaleur, on n’a plus la force de s’engueuler et l’on ne craint plus de venir travailler à moitié nu(e) puisque les autres le sont aussi.
Plus besoin de dépenser une fortune en planifiant des vacances à l’autre bout du monde, il suffit de s’allonger dans l’herbe à l’ombre d’un jardin public et d’écouter ruisseler un point d’eau. Inutile de devoir choisir entre taxi classique et Uber, c’est dans le métro qu’il fait le plus frais. Les employeurs, pour une fois, pensent au bien-être de leurs salariés, s’assurent qu’ils ont bien une bouteille d’eau à portée de main, réfléchissent – pour certains – à aménager les horaires de travail et se précipitent au moindre malaise par crainte d’être cloué au pilori par le CHSCT (Comité d’hygiène, de sécurité et des conditions de travail). En société, la chaleur constitue un sujet de conversation facile, pas besoin de se prendre le chou sur le dernier Onfray ou le futur Todd. Et elle nous rend aussi plus humains : depuis la canicule de 2003, on sait qu’il faut prendre soin des plus vieux et des gens isolés. Dans la rue, les hôpitaux, les maisons de retraite ou chez eux. Bref, arrêtons de nous lamenter, tôt ou tard, il refera froid et l’on regrettera cette bulle d’apesanteur. Réapprenons les gestes simples et lâchons enfin prise.