Le chiffre du jour : Plus de 10 milliards de Terriens en 2100

Si aujourd’hui 7,3 milliards de personnes habitent la planète, ce chiffre pourrait atteindre 9,7 milliards en 2050 et 11,2 en 2100, selon les prévisions de l’ONU publiées mercredi.

Les maternités du monde entier vont devoir se préparer. 9,7 milliards d’individus peupleront la Terre en 2050, contre 7,3 milliards aujourd’hui, selon les prévisions de l’ONU, rendues publiques mercredi. Ce chiffre pourrait même passer le seuil des 10 milliards en 2100, à 11,2 milliards de personnes.

« Il y a une probabilité de 80% que la population mondiale se situera entre 8,4 et 8,6 milliards en 2030, entre 9,4 et 10 milliards en 2050, et entre 10 et 12,5 milliards en 2100 », spécifient les démographes dans le rapport. Dans les faits, l’Asie devrait poursuivre sur sa lancée jusqu’à atteindre 5,2 milliards de personnes en 2050.

 La population mondiale devrait passer 7,3 milliards d'individus aujourd'hui à 8,5 milliards en 2030, 9,7 en 2050 et 11,2 en 2100. Données de l'ONU

La population mondiale devrait passer 7,3 milliards d’individus aujourd’hui à 8,5 milliards en 2030, 9,7 en 2050 et 11,2 en 2100. Données de l’ONU

L’Inde, qui compte déjà 1,3 milliard de personnes, verrait sa population augmenter de plus de 300 millions de personnes. « Dans sept ans, la population indienne devrait surpasser celle de la Chine […] qui déclinera progressivement », soutient le rapport. « Le taux de fécondité en Chine est de 1,5 enfant par femme, ce qui est inférieur au seuil de renouvellement de la population moyen établi à 2 enfants par femme », explique Gilles Pison, directeur de recherche à l’Ined* (Institut national d’études démographiques). Pour Catherine de Wenden, directrice de recherche au CNRS et enseignante à Sciences Po, « ce déclin résulte des effets de la politique de l’enfant unique qui entraîne aujourd’hui un vieillissement de la population ».

L’Europe à contre-courant

Si 60% de la population mondiale vit aujourd’hui en Asie, les chercheurs onusiens soutiennent que la population en Afrique va doubler. 27 pays du continent représenteront ainsi la moitié de la population mondiale. Le Nigeria pourrait même dépasser les Etats-Unis et devenir le troisième pays le plus peuplé au monde. « En Afrique subsaharienne, le taux de fécondité dépasse les 6 enfants par femme, car ces pays n’ont pas encore entamé de transition démographique, précise Catherine de Wenden. Le secteur rural reste prégnant, et les bras comptent. » La chercheuse souligne également que certaines formes de polygamie et de polyandrie perdurent, ce qui favorise les familles nombreuses.

Seule l’Europe fait figure d’exception. Le vieux continent verra sa population décliner de 12% en 2100, à 646 millions d’Européens. « Deux facteurs expliquent la diminution de la population européenne: le premier est économique, les femmes ont quitté le statut de femme au foyer pour trouver un emploi, soutient la directrice de recherche au CNRS. Les régimes autoritaires du XXe siècle, érigeant la famille nombreuse comme un modèle, a également eu un impact, si bien que les Européens ont pu réagir en changeant leur modèle familial. »

L'Europe fait figure d'exception: l'ONU prédit qu'elle constitue le seul continent dont la population va diminuer d'ici 2100.

L’Europe fait figure d’exception: l’ONU prédit qu’elle constitue le seul continent dont la population va diminuer d’ici 2100.

Au Niger, le taux de fécondité est de 7,6 enfants par femme

Si la population mondiale s’accroît fortement à nos yeux, sa croissance semble pourtant au ralenti. Dix ans auparavant, la population augmentait de 1,24% par an. Or aujourd’hui, ce sont près de 83 millions d’êtres humains qui naissent chaque année, en moyenne, soit une hausse annuelle de 1,18%. De fait, le taux de fécondité mondial ne cesse de baisser. « Il est aujourd’hui de 2,5 enfants par femme, alors qu’il était de 5 enfants par femme en 1950 », indique Gilles Pison. Cette tendance à la baisse devrait même se poursuivre à 2 enfants par femme en 2100.

Au Niger, le taux de fécondité est estimé à 7,6 enfants par femme, alors qu'il est de 2,5 au niveau mondial. Données de l'ONU.

Au Niger, le taux de fécondité est estimé à 7,6 enfants par femme, alors qu’il est de 2,5 au niveau mondial. Données de l’ONU.

« L’augmentation croissante de la population jusqu’en 2050 est inévitable, même si le déclin de la fertilité s’accélère », certifie pourtant le rapport onusien. Dans ce cas, comment expliquer que la population mondiale ne décroisse pas? « Le ralentissement du taux d’accroissement de la population est contrebalancé par des pays où la démographie est très forte et perdure », répond Catherine de Wenden. Au Niger, une femme donne naissance à 7,6 enfants en moyenne, tandis qu’au Royaume-Uni, le taux de fécondité est de 1,9 enfant par femme, selon la Banque mondiale.

« Les migrations vont s’intensifier »

Pour l’ONU, l’augmentation de la population mondiale n’est pas de bon augure. « Il risque d’être plus difficile d’éradiquer la pauvreté et les inégalités, de combattre la faim et la malnutrition, de développer les systèmes de santé et d’éducation », redoutent les chercheurs du département des Affaires économiques et sociales. En 2013, la Banque mondiale estimait que 1,2 milliard de personnes étaient en situation d’extrême pauvreté dans le monde, dont plus du tiers dans les pays d’Afrique subsaharienne.

« Avec l’accroissement de la pauvreté, les migrations vont s’intensifier, à l’échelle régionale en Afrique, mais également à l’échelle mondiale, promet Catherine de Wenden. L’enseignante à Sciences Po considère que ce phénomène risque d’accroître le risque de tensions et de conflits dans le monde, « d’autant plus parce que les mentalités n’y sont pas préparées ». « La proportion d’individus qui vivent dans un pays différent de leur pays d’origine demeure faible: seuls 3% des humains sont des émigrés », nuance le démographe de l’Ined.

L’âge de départ à la retraite à nouveau sur la table?

Le ralentissement de la croissance de la population mondiale devrait également contribuer à son vieillissement. Le nombre de personnes âgées devrait augmenter à 1,4 milliard en 2030 pour s’établir à 3,2 milliards en 2100. En proportion, l’Europe en comptera le plus: 34% de la population européenne sera âgée de 60 ans et plus d’ici 2050, contre 24% aujourd’hui. « Le vieillissement de la population va à nouveau poser le débat du départ de l’âge à la retraite, puisque les individus vivent mieux et plus longtemps, cela suppose qu’ils acceptent de partir plus tard à la retraite », souligne Catherine de Wenden.

* Auteur de l’ouvrage, « La démographie mondiale », Éditions Rue des écoles, collection Le Monde Sup’, Paris, 2015, 96 p.

L’Express 31/07/2015