En France, l’éolien a du retard et le solaire de l’avance

Au rythme actuel de développement de l’éolien terrestre, la France n’atteindra pas son objectif de 19 000 mégawatts (MW) installés en 2020. C’est l’une des conclusions du Panorama de l’électricité renouvelable publié, lundi 12 octobre, par Réseau de transport d’électricité (RTE), le distributeur de courant ERDF et le Syndicat des énergies renouvelables (SER). Mais, globalement, ajoute-t-il, le pays va dans la bonne direction.

Au 30 juin 2015, le parc éolien terrestre représentait une capacité de 9 800 MW et avait assuré 3,7 % de la consommation électrique au cours des douze derniers mois. « Le rythme actuel de raccordement ne paraît pas suffisant » pour respecter l’engagement pris en 2009 dans le cadre du Grenelle de l’environnement, indiquent les auteurs du rapport. A ce jour, un peu moins de 7 300 MW attendent d’être raccordés au réseau.

« Guérilla juridique » des associations contre l’éolien

« Pour tenir l’objectif de 19 000 MW, il ne faudrait pas 1 000 MW supplémentaires chaque année, mais 1 600 MW, calcule Jean-Louis Bal, président du SER. C’est pratiquement impossible en raison de la véritable guérilla juridique menée par les associations anti-éolien. Elles ont clairement annoncé qu’elles déposeraient des recours sur 100 % des projets, et il n’est pas toujours facile de démontrer juridiquement le caractère abusif de ces recours. » Face à des tribunaux administratifs débordés et aux procédures en appel, ajoute-t-il, les retards peuvent atteindre plusieurs années, fragilisant les développeurs de projets. Ce que recherchent précisément des fédérations d’associations comme Vent de colère.

En revanche, les incertitudes juridiques qui ont entouré le tarif de rachat de cette électricité « verte » par EDF ont été levées, note M. Bal avec satisfaction. La ministre de l’écologie et de l’énergie, Ségolène Royal, a annoncé que le prix de 85 euros par mégawattheure (MWh) produit s’appliquerait au moins jusqu’en 2018. L’éolien ne sera pas touché, comme le solaire ou la méthanisation, par l’introduction de la nouvelle formule de tarif (prix du marché + complément).

Quant aux 6 000 MW d’éolien en mer annoncés pour 2020, ils se résument actuellement à moins de 3 000 MW sur six parcs (Manche et Atlantique), qui seront exploités par EDF Energies nouvelles, Engie et l’espagnol Iberdrola. Ils n’entreront en service qu’entre 2018 et 2022. D’autres appels d’offres seront lancés, notamment en Méditerranée.

Solaire relativement compétitif

A l’inverse, l’énergie solaire (1,4 % de la consommation) a connu un développement plus rapide que prévu, l’installation de panneaux photovoltaïques rencontrant moins de résistance. Un succès qui a décidé le gouvernement à relever cet été son objectif initial de 5 400 MW pour le porter à 8 000 MW en 2020. Pour l’heure, indique le « Panorama », le parc totalise 5 700 MW, et 1 880 MW sont en attente de raccordement.

En août, François Hollande avait ainsi annoncé le doublement (à 800 MW) d’un appel d’offres dans l’énergie solaire. Lancé en septembre 2014 par le ministère de l’écologie et de l’énergie, il concerne à la fois des parcs photovoltaïques et des installations sur des toitures de grande taille. Un signe politique avant la Conférence mondiale sur le climat (COP21) qui se tient à Paris du 30 novembre au 11 décembre.

En raison de la très forte baisse des prix des équipements, surtout venus de Chine, le solaire devient relativement compétitif – même s’il est par nature intermittent et reste plus cher que le nucléaire existant des 58 réacteurs d’EDF (hors coûts incertains de démantèlement). A 80 euros, voire 70 euros le MWh, il est même moins coûteux que les nouvelles centrales nucléaires de type EPR (109 euros prévus pour les deux premiers EPR britanniques).

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Enfin, l’hydroélectricité (12,9 % de la consommation) a presque atteint le niveau prévu dans cinq ans (près de 30 000 MW). Les possibilités de développement dans l’Hexagone sont très réduites – il n’est plus question de noyer des vallées pour faire des lacs de retenue – et les exploitants des 2 250 barrages (EDF, Engie…) n’ont plus d’autres choix que d’en améliorer la performance.

19 % de l’électricité d’origine renouvelable

Malgré son retard dans l’éolien, la France aura globalement atteint 95,5 % de son objectif pour 2020, conclut le rapport. Hors outre-mer, elle disposait fin juin de 42 600 MW de capacités électriques renouvelables. Ses parcs éoliens et solaires, ses barrages, et dans une moindre mesure ses unités de biomasse ou de géothermie, ont assuré 19,3 % de la consommation de courant du pays entre le 1er juillet 2014 et le 30 juin 2015, encore loin du nucléaire qui en fournit les trois quarts.

Reste l’objectif 2030. La loi sur la transition énergétique votée en juillet a en effet fixé un objectif de 40 % de la consommation d’électricité d’origine renouvelable, qui sera précisé dans la Programmation pluriannuelle de l’énergie (PPE). Actuellement débattue dans le cadre d’ateliers thématiques entre le gouvernement et les acteurs du secteur (élus, syndicats, entreprises de l’énergie, ONG, collectivités…), la PPE doit être bouclée à la fin de l’année.

Le Monde 13/10/2015