En France, l’âge moyen des acheteurs s’élève désormais à 55,3 ans, selon une enquête confidentielle du secteur.
Plus du quart des particuliers qui acquièrent une voiture neuve ont plus de 66 ans.
Le marché automobile français est-il désormais dédié aux seniors ? La question se pose franchement, comme l’atteste l’enquête de référence du secteur communiquée aux « Echos » par une source industrielle. Selon cette enquête, baptisée NCBS (New Car Buyer Survey) et réalisée par un organisme indépendant sur le marché des particuliers (hors flottes et loueurs), l’âge moyen des acheteurs de voitures neuves a battu un nouveau record en France en 2014 pour atteindre 55,3 ans (contre 54,6 ans en 2014, 49,7 ans en 2005, et 43,7 ans en 1991)… Le changement est impressionnant : pas moins de 26 % des acheteurs ont plus de 66 ans. Les moins de 25 ans ? Ils sont quasiment absents (3 %).
Les marques françaises sont particulièrement concernées par le phénomène. Si Citroën a les acheteurs les plus âgés en moyenne (lire ci-contre), Peugeot (58 ans) n’est pas loin, tout comme Renault (56 ans) et Dacia (55 ans). « Il est logique de retrouver les marques françaises en haut du panier vu leur poids historique sur le marché (elles détiennent 50 % du marché). Mais ces données rappellent aussi que les plus jeunes générations hésitent moins à aller sur des marques étrangères que leurs aînées », souligne un industriel. On le voit notamment dans le haut de gamme, où Audi (51 ans) et BMW (52 ans), parviennent à attirer des catégories plus jeunes et aisées, tandis que Mercedes, bien qu’en plein rajeunissement de ses gammes, reste décroché (57 ans). A l’inverse, Seat est la seule marque, avec Mini (49 ans), à afficher une moyenne d’âge inférieure à 50 ans. Elle profite de son image décontractée et de son positionnement prix, d’autant plus que l’essentiel de ses ventes se fait sur de petits modèles (Ibiza et Leon).
Un prix de vente moyen payé à 22.100 euros
Certes, ces données peuvent cacher d’importantes disparités en fonction des modèles, de l’actualité du plan produit (une marque en phase de renouvellement fait baisser son âge moyen), et des segments de marché. On note ainsi de fortes différences entre le segment des citadines de type Clio ou 208 (54 ans) et celui des grandes routières « à la papa » (59 ans.) Les berlines des marques généralistes affichent même un âge canonique, qu’il s’agisse de la C5 (66 ans), de la 508 (63 ans) et de la Laguna (63 ans), remplacée par la Talisman.
Au global, la photographie ne fait pas rire les constructeurs. « Quand on voit ces chiffres dans la durée, c’est franchement inquiétant » juge l’un d’eux. « Tout ceci est le résultat du décalage grandissant de l’offre automobile avec la demande réelle des particuliers », souligne Bernard Jullien, du Gerpisa, un centre de recherche sur l’automobile. Entre inflation des normes – sécurité, émissions de CO2 -, progrès technologiques et volonté de montée en gamme, les prix moyens gonflent.
Alors que le prix catalogue d’une Clio 2 du début des années 2000 était entre 11.300 et 16.000 euros, la Clio 4 actuelle démarre à 13.500 euros et va jusqu’à 25.400 euros. Dans la pratique, les acheteurs bénéficient quasi systématiquement de rabais. Mais même les prix réels sont en hausse, malgré la tendance des acheteurs à aller vers des modèles plus petits ou plus accessibles (Dacia). En 2014, le prix de vente moyen payé du neuf s’est établi à 22.100 euros. Le niveau le plus élevé depuis dix ans. Une petite fortune pour nombre de foyers, notamment pour les jeunes. « La priorité pour eux, c’est l’immobilier. La voiture neuve ne vient qu’après », juge Flavien Neuvy, de l’Observatoire Cetelem.
Le marché de l’occasion est plus accessible
Pas étonnant que ces catégories désertent le marché du neuf. Avec 1,79 million de voitures en 2014, celui-ci reste inférieur de 11 % à son niveau de 2005. Surtout, les particuliers n’y pèsent plus que 52 %, le solde étant issu des flottes et des loueurs. Le gros des ménages se rabat sur le marché de l’occasion – 5,4 millions de voitures en 2014 -, plus accessible. « Pour les constructeurs, le risque c’est de ne plus parler qu’à une clientèle de niche et de perdre pour de bon le contact avec leurs clients », juge Bernard Jullien. Surtout à l’heure où de nouveaux acteurs (Apple, Google) frappent à la porte…
Les Echos 12/11/2015