Les entreprises technologiques embauchent de plus en plus pour compléter le travail des robots.
INTERNET Lorsque l’on parle à Siri, l’assistant personnel niché au sein des iPhone, on a conscience de parler à un robot. Cet automate sait raconter des blagues préenregistrées, mais il a plus de difficultés à tenir une conversation ou à exécuter des tâches complexes.
Siri, pourtant, progresse de jour en jour. Depuis l’après-guerre et les travaux d’Alan Turing, l’intelligence artificielle connaît des avancées spectaculaires. De nombreux géants du Web ont fait ces dernières années des investissements colossaux dans ce domaine. Facebook dispose d’un réseau de laboratoires de recherche, Fair. Google a multiplié les rachats de start-up spécialisées. Apple cherche à recruter des dizaines d’experts… Mais, dernièrement, on assiste au sein de ces mêmes entreprises à un mouvement original : le retour de l’humain.
M, le nouvel assistant personnel de Facebook installé dans l’application de discussion Messenger, en est l’exemple parfait. Contrairement à Siri, M est capable de presque tout faire. Vous voulez une blague, un résultat sportif ou la météo du jour ? L’intelligence artificielle s’en occupe. Vous souhaitez qu’un éleveur de perroquets vienne faire une surprise à un de vos amis en se rendant au bureau avec un animal ? Là, l’intelligence artificielle déclare forfait, mais sans vous le dire… et un humain prend le relais.
L’idée de M, imaginée par le Français Alexandre Lebrun, est de faire avancer le logiciel et l’humain main dans la main. M apprend en regardant : chaque action complexe effectuée par une personne est enregistrée par Facebook, ce qui permettra à M de répondre seul par la suite. Aujourd’hui, Messenger compte 700 millions d’utilisateurs. Il faudra donc de longues années d’entraînement avec beaucoup d’humains avant que le robot puisse répondre à toutes les demandes, dans chacune des langues. « Une fois que nous avons appris quelque chose, il y a autre chose de plus complexe après. C’est un apprentissage sans fin », expliquait Alexandre Lebrun au New Scientist. Pour ce qui est impossible à apprendre, M fait appel à des contractuels qui peuvent, par exemple, faire un dessin.
Capacité de jugement
Les géants de la Silicon Valley se rendent compte que l’ajout de compétences humaines à la machine et au logiciel peut générer de l’engagement et la fidélité chez les utilisateurs. Des services de premier plan lancés récemment reposent ainsi sur ce que l’humain sait faire de mieux : exercer son jugement. Lorsque Apple a lancé son application de suivi de l’actualité qui propose une sélection personnalisée pour chaque utilisateur, Apple News, elle a recruté des éditeurs spécialisés « capables d’identifier des récits originaux et captivants, qui auraient peu de chances d’être repérés par des algorithmes ».
Plusieurs réseaux sociaux ont lancé cette année un service fondé sur la sélection de contenus, souvent assistée par la technologie. Snapchat en est le pionnier. L’application emploie des « analystes de contenu » pour trier des dizaines de milliers de photos et de vidéos. Ils produisent ainsi des vidéos, les « Live Stories », qui documentent un événement particulier ou la vie locale d’une ville. Les analystes utilisent la géolocalisation pour faire un premier écrémage, puis choisissent « à la main » les meilleures vidéos et photos. Instagram, filiale de Facebook, a inauguré un dispositif similaire pour Halloween. Une équipe parcourait les publications des utilisateurs pour créer un récit vidéo de la soirée. « Nous avons utilisé des algorithmes pour réduire des millions de vidéos à quelques milliers. Des éditeurs humains ont alors pu faire leur choix », explique un porte-parole d’Instagram. Un moteur de recherche interne, qui mettait en avant les contenus récemment « aimés » dans l’application, les aidait dans leur tâche.
Avec ses Moments, Twitter tente aussi de croiser sélection humaine et algorithmique. Cette fonctionnalité, censée attirer de nouveaux utilisateurs, se fonde sur les tweets des utilisateurs pour donner un aperçu de l’actualité du jour. Mais les sujets traités sont, pour la plupart, identifiés par des robots qui regardent le nombre de partages et d’interactions provoqués par un événement. À la tête de cette équipe d’éditeurs, une ancienne plume de Newsweek et du New York Times, Marcus Mabry. Une intelligence bien humaine
Le Figaro 12/11/2015