Aujourd’hui en Allemagne

Synthèse de la presse quotidienne

 16 novembre 2015

  1. Les unes de la presse allemande sont dominées par les suites des attaques de vendredi soir à Paris : « l’attaque » (Süddeutsche Zeitung), « Merkel: nous sommes plus forts que le terrorisme » (Frankfurter Allgemeine Zeitung), « nous devons gagner cette guerre » (Die Welt), « Gauck: ces attaques sont une nouvelle forme de guerre » (Tagesspiegel), « troisième guerre mondiale » (Handelsblatt), « la terreur va-t-elle venir jusque chez nous ? » (Bild).
  2. France/International

La France va-t-elle invoquer l’article 5 du traité de l’OTAN ?

Alors que le mot « guerre » est omniprésent à la Une et dans les commentaires des éditions dominicales et des quotidiens, la question qui taraude la presse est celle d’une possible invocation de l’article 5 du traité de l’OTAN et de l’obligation qui s’en suivrait pour l’Allemagne de porter assistance militaire aux frappes françaises en Syrie. « La France n’a pas encore appeler à l’aide dans son combat contre Daesh », se rassure la Süddeutsche Zeitung en rappelant que cet article n’a été invoqué qu’une fois, par les Etats-Unis au lendemain des attentats du 11 septembre. Cette fois, « le secrétaire général de l’OTAN, Jens Stoltenberg, évite de parler d’attaque contre la France, ce qui montre que l’Alliance est dans un tout autre état d’esprit », observe la Süddeutsche Zeitung. « On réfléchit à l’article 5 du traité de l’OTAN », titre aussi Die Welt en soulignant que le gouvernement fédéral « accueille avec réserve les appels à une intervention de la Bundeswehr ». Selon le Handelsblatt, une éventuelle contribution allemande à la lutte anti-terroriste « est actuellement sondée à Berlin dans de premiers pourparlers avec le gouvernement français ». Toutefois, ajoute le quotidien, la position allemande n’a guère évolué, Berlin préférant poursuivre son action de formation dans le nord de l’Irak et miser sur une solution diplomatique du conflit syrien.

Bild am Sonntag (BamS), s’interrogeait hier : « devons-nous maintenant partir en guerre ? » et jugeait qu’« une intervention militaire de la Bundeswehr en réaction au terrorisme à Paris n’est pas exclue » ; citant un ancien général allemand de l’OTAN, Egon Ramms, rappelant qu’« une situation analogue a conduit en 2001 à l’intervention de l’OTAN ». Un spécialiste des questions de défense de la CSU, Florian Hahn, juge que « les attentats de Paris sont comparables à ceux du 11 septembre » et que Daech « nous a au plus tard maintenant déclaré ouvertement la guerre ». De source interne au gouvernement fédéral, BamS rapportait que « le gouvernement français est divisé sur l’opportunité de demander l’intervention de l’Alliance atlantique et que le camp des opposants devrait l’emporter ». Dans un autre article, BamS faisait état en exclusivité d’une étude de la Bundeswehr faisant apparaître un retournement de l’opinion publique, désormais favorable aux deux tiers (66%) à une participation allemande aux interventions militaires internationales, seuls 27% y étant opposés (43% pour, 45% contre en 2013).

« Les mots d’‘acte de guerre’ employé par Hollande peuvent avoir de lourdes conséquences pour son principal partenaire, l’Allemagne. Quels seront les effets des attentats terroristes de Paris sur les pays qui tendent à croire qui s’ils ne bombardent pas eux-mêmes, ils seront à l’abri des bombes ? » s’interrogeait aussi Berthold Kohler dans l’édition dominicale de la FAZ. « Jusqu’ici, la France a été isolée en Europe dans sa lutte contre le terrorisme. La question se pose de savoir si après ces attentats, les déclarations de solidarité des partenaires de l’UE vont aller au-delà des bonnes paroles. Cela dépasse les capacités de l’armée française de lutter efficacement contre Daech. Après 2001, l’Allemagne avait décidé de défendre sa sécurité au Hindou Kouch. Elle doit désormais se poser la question de savoir si la sécurité de l’Europe doit être défendue sur le sol syrien – aux côtés de la France », commentait à son tour la correspondante à Paris de la FAZ, Michaela Wiegel. Le tabloïd Bild appelle clairement l’Allemagne à ne plus se contenter de bons sentiments mais à « faire des sacrifices » et à s’engager activement dans le combat militaire. A la Une du Handelsblatt, l’éditeur du journal Gabor Steingart, lui, juge au contraire qu’une lutte militaire internationale ne peut mener qu’à l’impasse et à davantage de violence et de radicalisation : « il y a des alternatives à l’escalade militaire, l’Allemagne n’a pas besoin de montrer un visage dur mais de garder son sang-froid », conclut le Handelsblatt.

G20 à Antalya : « est-ce l’avènement d’une nouvelle guerre contre le terrorisme ? » (Bild)

La FAZ relève que lors du sommet du G20 la chancelière a réaffirmé la solidarité de l’Allemagne avec la France tout en insistant sur l’importance de la sécurité des frontières extérieures de l’UE. « Le sommet d’Antalya lui fournit une chance supplémentaire de déterminer avec le président turc comment les frontières du sud-est de l’UE pourraient être mieux protégées contre des franchissements illégaux », écrit la FAZ pour qui les attentats de Paris sont devenus le sujet n°1 des entretiens d’Antalya.

Au-delà de la problématique européenne, plusieurs journaux saisissent l’occasion pour dresser un bilan plus que mitigé du combat occidental contre les terroristes de Daech. « Depuis deux ans, nous laissons Daech prospérer quasiment sans entraves et se hisser au rang de première organisation terroriste internationale », juge ainsi le tabloïd Bild pour qui il n’y a « aucune stratégie contre Daech », les Allemands s’étant contentés de « délocaliser le sale boulot » en armant les Kurdes irakiens. « Il manque aux Occidentaux l’unité et la détermination », souligne également la Süddeutsche Zeitung qui déplore un combat trop « timoré » contre les islamistes avant d’ajouter que l’entrée de la Russie dans le jeu n’a pas vraiment contribué à l’émergence d’une stratégie. « Pourtant, l’Occident a bien des leviers en main, à commencer par le prix du pétrole », observe le journal. De même, la Berliner Zeitung estime que la stratégie de combat internationale décrétée contre Daech aura été « sans effet notoire ». « Faut-il mener le combat contre Daech en Syrie et en Irak jusqu’à l’envoi de troupes au sol ? », interroge le Tagesspiegel qui répond par une mise en garde au regard du « bilan peu convaincant » des missions menées en Afghanistan et en Irak : « il est plus intelligent de miser sur les adversaires intérieurs de Daech sur le sol syrien et irakien et de les soutenir par des attaques aériennes ».

  1. Allemagne

Attentats terroristes de Paris/contexte migratoire : « les attentats attisent le débat sur les réfugiés » (Süddeutsche Zeitung)

« A peine un jour s’était-il écoulé depuis les attentats de Paris que déjà la controverse en matière de politique intérieure allait bon train en Allemagne, la CSU et une partie de la CDU désirant amener le gouvernement fédéral à changer de cap sur la politique migratoire, une autre partie de la CDU et le SPD s’y montrant opposés », résume la FAZ. Comme l’ensemble de la presse, le journal fait référence aux propos du ministre bavarois des finances, Markus Söder, qui a déclaré à l’hebdomadaire Die Welt am Sonntag : « tous les réfugiés ne sont pas des terroristes de Daech, mais croire qu’il n’y a aucun combattant parmi les réfugiés est naïf », avant d’ajouter : « l’époque du flux migratoire incontrôlé et de l’immigration illégale ne peut plus continuer. Paris change totalement la donne ». La presse relève que le ministre fédéral de l’intérieur, Thomas de Maizière (CDU), a de son côté appelé à la retenue en déclarant : « en tant que ministre de l’intérieur, j’appelle urgemment à éviter tout rapprochement précipité avec le débat sur les réfugiés ».

Dans leurs éditoriaux, les journaux condamnent les propos de Markus Söder. « Infâme », estime le quotidien alternatif de gauche tageszeitung. « Tout système juridique peut être contourné, mais cela ne doit pas conduire à l’abolition du droit et encore moins au refus de protection pour les victimes de Daech », fait valoir la Süddeutsche Zeitung en référence au fait qu’un passeport syrien a été retrouvé près du corps d’un kamikaze du stade de France. « Ceci étant, le terrorisme est une raison supplémentaire pour se montrer d’autant plus vigilant en matière de contrôle et d’enregistrement des demandes d’asile », juge le journal. De l’avis du Tagesspiegel, « Paris change effectivement la donne, non pas comme l’entend Markus Söder, mais dans la mesure où les attentats de Paris modifient la vision du camp conservateur sur la crise migratoire et la chancelière. Attendue prochainement au congrès de la CSU, celle-ci va pouvoir alors tester jusqu’où la base du parti est d’accord de la suivre sachant que la confiance des citoyens dans la capacité de l’Etat à faire face s’estompe ».

  1. France

La France après les attaques

Au-delà des comptes rendus abondants sur la capitale et la France au lendemain des attaques terroristes, les correspondants de la presse allemande se penchent, comme au lendemain des attentats de janvier, sur la radicalisation d’une frange de la jeunesse française issue de l’immigration : « des milliers qui haïssent la France », juge la FAZ pour qui « la liste est longue des Français fichés par les renseignements et qui seraient malgré tout en mesure de perpétrer des attentats ». La Süddeutsche Zeitung ne minimise pas les difficultés, mais estime toutefois que la France est forte et que ces attentats ne parviendront pas à l’atteindre dans son âme.

Toute la presse s’interroge par ailleurs sur l’opportunité de maintenir l’organisation de l’Euro 2016 en France. « La fédération allemande de football a clairement dit ‘oui’ en estimant qu’annuler l’Euro serait capituler devant le terrorisme », rapporte Bild./.