Après les Gafa, l’autorité surveille de près les « ASNS ».
La révolution numérique à l’oeuvre dans l’industrie culturelle pourrait avoir des conséquences imprévues. L’utilisation massive d’algorithmes de recommandation et de personnalisation pose en effet la question des données personnelles. A tel point que la CNIL vient de s’emparer du sujet. La Commission informatique et libertés a publié ce mardi, via son département « innovation et prospective », un cahier faisant le point sur l’état du marché et imaginant l’avenir du secteur.
La CNIL souligne d’abord le rôle des contenus dématérialisés dans l’industrie culturelle : ils représentent aujourd’hui 40 % des revenus et pourraient monter à 63 % d’ici à 2018 (source Idate). Dans la musique, le numérique génère même plus de temps d’écoute désormais que les supports physiques.
Pour fidéliser les utilisateurs et générer des revenus récurrents, les grandes plates-formes se sont mises à collecter de gigantesques quantités de données sur les habitudes de consommation de leurs utilisateurs, en traquant tous les morceaux qu’ils écoutent, les vidéos qu’ils regardent et en s’appuyant parfois sur les informations fournies sur les réseaux sociaux (groupes de musique ou films « likés » sur Facebook, goûts de leurs amis, etc.). Les recommandations sont perçues par les utilisateurs comme un service. Selon une étude menée par Médiamétrie pour la CNIL, ils sont 60 % à écouter celles proposées par les services de musique comme Spotify ou Deezer, et 68 % à regarder celles indiquées par les services de vidéo. En revanche, un léger décalage existe dans la perception de ce système : ils ne sont que 49 % à s’être déjà demandés comment fonctionnent ces systèmes de recommandation et à partir de quelles données ils étaient mis au point.
Un champ de possibilités presque infini
« Les données sont au coeur des modèles économiques des nouveaux acteurs », a souligné mardi Isabelle Falque-Pierrotin, présidente de la CNIL, lors de la présentation de l’étude. Et de citer les quatre sociétés qui mènent le jeu chacune dans leur domaine, les « ASNS » : Amazon (dans le monde du livre), Spotify (pour la musique), Netflix (vidéo) et Steam, la plate-forme qui permet d’acheter et de jouer à des jeux vidéo. Les acteurs traditionnels commencent à suivre la tendance et à s’adapter, comme Canal+, qui a mis au point Suggest, son propre outil de recommandation. Mais cela nécessite de lourds investissements.
Enfin, la CNIL a imaginé quel pourrait être l’avenir du secteur. Selon elle, de nouveaux services pourraient voir le jour, exploitant les données physiologiques et celles liées aux émotions, recueillies grâce aux capteurs (sur les montres connectées ou les bracelets sportifs, par exemple). Les données pourraient aussi être utilisées plus globalement, par exemple par des cinémas de quartier pour définir leur programmation selon les goûts des habitants sur Netflix… Un champ de possibilités presque infini que la CNIL devra surveiller attentivement.
Les Echos 18/11/2015