L’Ecole d’économie de Toulouse (Toulouse School of Economics, TSE) bénéficiait déjà d’un fort rayonnement international mais elle compte bien profiter de l’attribution du prix Nobel d’économie, en 2014, à son président, Jean Tirole, pour attirer encore plus d’étudiants étrangers. L’établissement, qui fait partie de l’université Toulouse-I Capitole, a le projet de créer un parcours international à la rentrée 2016, en anglais et payant. Ce cursus sera proposé aux étudiants étrangers des pays non francophones – ils représentent la moitié des effectifs de l’école, issus de 90 pays, notamment de Chine, d’Amérique du Nord et du Sud. La troisième année de licence (L3) coûterait 3 000 euros, et chaque année de master (M1 et M2) 6 000 euros. Aujourd’hui, les étudiants acquittent environ 250 euros de frais de scolarité.
Ce projet a immédiatement provoqué la colère des étudiants, qui ont tenu une assemblée générale le 12 novembre et lancé une pétition. Mardi 1er décembre, celle-ci avait recueilli 340 signatures. « Nous soutenons ce mouvement, car nous défendons l’accès à l’enseignement supérieur sans barrière ou ségrégation financière », a expliqué Adrien Liénard, responsable du syndicat UNEF en Midi-Pyrénées, lors de l’assemblée générale. La commission formation et vie universitaire de l’université devait étudier des aménagements à ce projet polémique, mardi.
Nouveau « contrat quinquennal »
Pour Bruno Sire, président de l’université, tout ceci n’est que « malentendu ». Explications : les masters d’économie de TSE sont aujourd’hui enseignés à 100 % en anglais mais ne sont plus conformes à la loi Fioraso sur l’enseignement supérieur votée en juillet 2013. L’université négocie un nouveau « contrat quinquennal » qui s’appliquera au 1er janvier 2016 : « Le ministère négocie au cas par cas. Nous devrons assurer 20 % à 50 % des cours en français, et le reste demeurera en anglais pour nos parcours classiques, dont le prix ne variera pas, explique M. Sire. En même temps, la loi autorise des cursus en langue anglaise réservés aux étudiants étrangers, et à fixer nos tarifs : 6 000 euros, c’est environ le coût moyen de l’enseignement à l’université. Or, ces étudiants ne paient pas d’impôt en France : je trouve légitime de les faire payer. »
Quant aux Français et aux francophones, l’accès ne leur est pas fermé par principe mais ils ne sont pas la cible du parcours international. Pour calmer la fronde, l’université a aussi prévu une mise en œuvre graduelle : les étudiants aujourd’hui en L3, M1 et M2 ne seront pas concernés par les nouveaux tarifs.
« En Chine, en Corée ou en Thaïlande, les meilleurs étudiants reçoivent 10 000 à 15 000 euros de bourses pour aller étudier à l’étranger, pour payer leurs frais de scolarité et personnels. Si les études sont gratuites, ils n’y ont pas droit… et ils préfèrent aller à la Londres !, lance Bruno Sire. Et quand on dit à des étudiants chinois : vous devez payer 300 euros et vous aurez Jean Tirole comme professeur, ils ne nous croient tout simplement pas ! » ajoute-t-il.
Ce n’est pas la première fois que l’université Toulouse-I Capitole crée des cursus avec des tarifs élevés. L’Ecole européenne de droit, qui a signé des accords avec douze universités dans neuf pays, permet aux étudiants de passer deux de leurs quatre premières années dans les universités partenaires, avant de choisir de suivre leur master dans l’établissement de leur choix. Mais tout cela à un coût.
« Comme ce cursus n’entre pas dans le programme Erasmus, il ne peut pas être gratuit : nos étudiants doivent payer leurs années à l’extérieur entre 3 000 et 10 000 euros », explique Bruno Sire. Et les élèves européens qui viennent étudier à Toulouse paient leur année en anglais 3 000 euros. « Il n’y a pas de raison, et nous n’en avons pas les moyens, d’offrir ces parcours alors que leurs équivalents sont payants pour nos étudiants. » En France, le débat sur la gratuité des études continue, mais la réalité le dépasse déjà.
Le Monde 02/12/2015