Synthèse de la presse quotidienne
Ce document est à usage strictement interne et a été réalisé par l’Ambassade de France en Allemagne
18 janvier 2016
- La mise en oeuvre de l’accord nucléaire iranien fait les gros titres de la presse allemande ce matin : « les négociateurs de l’accord nucléaire iranien célèbrent le ‘premier jour d’un monde plus sûr’ » (Frankfurter Allgemeine Zeitung) ; « l’Iran de retour dans l’économie mondiale » (Süddeutsche Zeitung) ; « les milieux économiques nourrissent de grands espoirs en Iran » (Die Welt). Le Tagesspiegel note que « le SPD met sous pression Mme Merkel » sur la crise des réfugiés.
- Allemagne
Afflux migratoire : « une majorité est d’avis que nous n’y arriverons pas » (Tagesspiegel)
Dans leurs éditions de samedi, les journaux ont fait état du dernier Politbarometer selon lequel un renversement de tendance s’est opéré depuis décembre dans la population : « pour la première fois, une majorité de 60% d’Allemands sont d’avis que l’Allemagne ne parviendra pas à faire face à l’afflux de réfugiés ». En décembre, ils étaient 46% à partager cette idée. Un tiers des personnes interrogées font valoir que les agressions survenues à Cologne la nuit du nouvel an, mais aussi dans d’autres villes allemandes, leur ont fait changer d’avis sur les réfugiés. Cette enquête fait également apparaître une baisse de confiance dans la politique migratoire de la chancelière, seulement 39% des personnes interrogées estimant qu’elle fait bien son travail, contre 56% d’un avis contraire. Ceci étant, 63% des Allemands se déclarent globalement satisfaits de la chancelière (72% en décembre).
« Merkel dans le piège des réfugiés », écrivait hier l’hebdomadaire Bild am Sonntag. « Jamais le vent contraire n’a été aussi fort », indiquait le journal en relevant l’insistance du SPD sur une baisse significative de la pression migratoire au motif que l’Allemagne n’est pas en mesure d’accueillir à nouveau cette année un million de réfugiés. Le journal notait aussi que le président de Bavière et chef de la CSU, Horst Seehofer, a adressé un nouvel ultimatum en donnant deux semaines au gouvernement fédéral pour rétablir l’ordre aux frontières allemandes, faute de quoi la seule solution sera de déposer plainte auprès de la Cour constitutionnelle fédérale. Pressée de tous côtés, la chancelière ne peut compter sur le soutien des partenaires européens qui refusent d’accueillir davantage de réfugiés et « même si personne parmi les conservateurs n’appelle au putsch contre Merkel, l’idée que s’en tenir à la politique migratoire de Merkel est plus nuisible à la CDU que de perdre la chancelière commence à s’exprimer ouvertement », faisait valoir Bild am Sonntag. Sous le titre « la dernière chance de Merkel », l’hebdomadaire Welt am Sonntag jugeait lui aussi urgent que face au mécontentement dans les rangs conservateurs, le nombre de réfugiés arrivant en Allemagne diminue, et ajoutait que le temps est désormais compté pour la chancelière, laquelle continue de miser sur une solution européenne.
« L’Europe est-elle pour la chancelière plus importante que l’Allemagne ? », s’interroge dans son éditorial de ce jour le tabloïd Bild pour qui, par sa politique, la chancelière cherche à préserver l’Europe dont l’Allemagne a besoin, à savoir un espace et un marché ouvert où tout un chacun peut circuler librement. « Cette voie est risquée, autant pour la chancelière que pour l’Allemagne », fait valoir Bild, qui soutient néanmoins l’orientation de la chancelière. Dans un entretien à la Süddeutsche Zeitung, l’ancien ministre-président bavarois Edmund Stoiber exige à son tour un changement de cap en matière migratoire et évoque notamment une fermeture de la frontière avec l’Autriche, pour renforcer la pression sur les Européens afin qu’ils contribuent à une solution commune. Il lance lui aussi un ultimatum à la chancelière en lui donnant jusqu’à fin mars pour parvenir à une baisse effective de la pression migratoire. De manière plus marginale, certains quotidiens relèvent que Wolfgang Schäuble a essuyé un camouflet dans les rangs de la CDU en suggérant dans un entretien à la Süddeutsche Zeitung (édition de samedi) la mise en place d’une taxe européenne sur l’essence pour faire face financièrement à la crise des réfugiés.
Par ailleurs, rendant compte du séminaire du SPD qui a débuté hier à Nauen (Brandebourg), les quotidiens notent que les sociaux-démocrates se montrent favorables au rapatriement des demandeurs d’asile déboutés venant d’Algérie et du Maroc, notamment en les plaçant dans des centres spécifiques de rapatriement, ainsi qu’à la qualification comme pays d’origine sûrs de l’Algérie, de la Tunisie et du Maroc.
- Europe
Réfugiés / Autriche
Après les déclarations dans la presse autrichienne du chancelier Werner Faymann annonçant vouloir introduire des contrôles d’identité stricts des migrants aux frontières du pays et renvoyer tous les migrants économiques dans leur pays d’origine, le Handelsblatt considère que « Merkel perd un important partenaire » dans la crise migratoire européenne.
Réfugiés / Grèce
Dans une interview à la Süddeutsche Zeitung, le président grec Prokopis Pavlopoulos exprime son admiration pour la politique migratoire de la chancelière Merkel : « elle mène une politique courageuse pour lequel elle doit payer le prix fort au niveau politique. Je crois qu’elle a donné beaucoup à l’Allemagne et à l’Europe avec ses décisions et qu’elle doit continuer ainsi. Merkel est une grande femme politique, et l’histoire le prouvera ». Il se montre en revanche particulièrement critique envers la Turquie, accusée de ne respecter ses engagements à endiguer le flux de réfugiés vers l’Europe, suspectant les autorités portuaires turques de corruption et de collusion avec les passeurs : « je n’ai pas peur de le dire, il s’agit d’une sorte de commerce d’esclaves », déclare-t-il.
Réfugiés / Pologne
Dans un entretien accordé à la Frankfurter Allgemeine Sonntagszeitung – sur un ton plutôt tendu et non sans quelques passes d’armes avec le journaliste – le président polonais Andrzej Duda assure que la Pologne reste disposée à accueillir comme promis plusieurs milliers de réfugiés dans le cadre d’une répartition européenne, mais uniquement si ceux-ci souhaitent rester durablement en Pologne. « Les réfugiés vont en Allemagne car ils peuvent y vivre mieux que dans leurs pays d’origine, et les gens ne viennent pas chez nous car nous ne pouvons pas leur offrir les prestations allemandes », déclare-t-il en estimant que « les migrations vers l’Europe ont aussi des raisons économiques, et l’UE n’est pas capable de faire la distinction ». Il pointe également le fait que les réfugiés sont pour la plupart des hommes jeunes : « où sont leurs femmes, mères, enfants ? Abandonnées dans un pays en guerre ? Difficile de faire preuve de compréhension dans ce cas ».
- International
Mise en œuvre de l’accord nucléaire iranien
La presse allemande salue la levée des sanctions économiques contre l’Iran à la suite du feu vert donné samedi par l’Agence internationale de l’énergie atomique à l’entrée en vigueur de l’accord nucléaire iranien. Les journaux rendent abondamment compte des réactions positives des dirigeants internationaux, mais rapportent également les critiques du gouvernement israélien. Dans leurs commentaires, les quotidiens jugent que la levée des sanctions économiques contre l’Iran est un « espoir » et un « grand pas » pour la communauté internationale, mais s’inquiètent toutefois de ses répercussions sur la stabilité du Moyen-Orient. Sous le titre « retour sur scène », la Süddeutsche Zeitung se réjouit des efforts accomplis par Téhéran et de la reprise du dialogue entre les Etats-Unis et l’Iran, ce qui pourra désormais faciliter la résolution de crises internationales. Le quotidien de Munich craint toutefois que « l’Iran ne soit toujours pas un partenaire facile à l’avenir » et appelle l’Occident à accroître les échanges économiques et culturels avec le pays. Pour la FAZ, la levée des sanctions marque également « un tournant historique » pour l’Iran qui pourrait devenir « le nouvel Eldorado du Golfe », mais le quotidien invite cependant à faire preuve de prudence, estimant que « ce qu’il se passera dans 15 ans lorsque les obligations liées au programme nucléaire prendront fin, sera une autre histoire ». Le Handelsblatt considère pour sa part que le retour de l’Iran sur la scène internationale pourrait déstabiliser à nouveau le Moyen-Orient, pointant du doigt la possible réaction de l’Arabie Saoudite qui pourrait percevoir la reprise des relations économiques entre l’Iran et l’Occident comme une invitation « à revoir le positionnement de sa politique étrangère et à imposer la concrétisation de ses intérêts, par exemple au Yémen ». A l’instar du Tagesspiegel, les quotidiens se félicitent de l’impact positif de la levée des sanctions sur l’économie allemande, la fédération des industries allemandes ayant déjà annoncé compter sur une augmentation de dix milliards d’euros des exportations allemandes vers l’Iran en dix ans.
« De nombreux morts dans l’attaque terroriste au Burkina Faso » (Frankfurter Allgemeine Zeitung)
Les journaux déplorent l’attaque terroriste qui a eu lieu vendredi à Ouagadougou et qui a fait au moins 29 morts. Pour le quotidien alternatif de gauche, tageszeitung, l’attaque au Burkina Faso « doit être un signal d’alarme », car elle révèle d’une part que plus aucune capitale d’Afrique de l’Ouest n’est à l’abri des menaces terroristes, et que le terrorisme islamiste en Afrique ne mène « pas seulement une guerre du désert ». La taz appelle au renforcement de la politique de lutte antiterroriste au Sahel. Sous le titre « le Burkina Faso n’est pas loin », le Tagesspiegel estime que le danger en Afrique est désormais accru en raison de la multiplication des attaques à la fois par Daech et par Al-Qaïda. Pour la Frankfurter Allgemeine Zeitung, cette nouvelle attaque « laisse craindre le pire, car les Etats d’Afrique de l’ouest sont dans l’ensemble faibles et ne peuvent pas véritablement financer leur sécurité » et parce que la menace venant d’Afrique est tout aussi grande pour l’Europe que celle qui vient du Proche- et Moyen-Orient. Le quotidien de Francfort ajoute que si la Syrie attire l’attention internationale, « seuls les Français se sont véritablement engagées au Sahel » et juge qu’il est aujourd’hui temps que d’autres s’intéressent à la région. Pour la FAZ, le message est clair : « si la zone d’influence des islamistes continue de s’accroître en Afrique, le nombre de réfugiés en Europe augmentera encore »./.