Taxis et VTC s’inquiètent de la montée en puissance de Heetch

L’application qui fait appel à des chauffeurs non professionnels poursuit sa croissance. Ses rivaux dénoncent une concurrence déloyale.

Les taxis et les véhicules de transport avec chauffeur (VTC), leurs nouveaux concurrents, sont à couteaux tirés en ce moment, mais les deux corporations se rejoignent au moins sur un point : elles s’alarment toutes deux de la montée en puissance de Heetch, une application pour smartphone lancée en 2013, qu’elles accusent en choeur de concurrence déloyale.

Heetch fonctionne sur le même modèle qu’UberPOP, en mettant en relation des clients avec des chauffeurs non professionnels, au volant de leurs propre véhicule. Lors de la mobilisation des taxis contre le service lancé par Uber, en juin 2015, l’application était elle aussi concernée par l’arrêté d’interdiction pris par la préfecture de police. Mais, alors que UberPOP a été par la suite suspendu par Uber et a vu son illégalité confirmée par le Conseil constitutionnel, Heetch, refusant d’être mis dans le même panier, a poursuivi son activité, malgré quelques cas de garde à vue de ses chauffeurs amateurs. Et s’est constitué une clientèle de plus en plus large, ce qui inquiète les taxis comme les VTC.

Les premiers, réunis en intersyndicale, ont exigé dans un communiqué le 7 janvier « l’arrêt immédiat de toute activité de Heetch qui organise du transport clandestin sous couvert de covoiturage, malgré la décision du Conseil constitutionnel ». Les seconds pointent du doigt le succès grandissant de l’appli : celle-ci arrive deuxième au palmarès des téléchargements sur l’Appstore dans la rubrique transport, derrière Uber, mais nettement devant Chauffeur-privé, le premier des autres VTC.

Expansion à l’étranger

De quoi leur faire redouter une perte de chiffre d’affaires, en soirée et la nuit (Heetch ne fonctionne que de 20 heures à 6 heures du matin). Autre impact potentiel : « De très nombreux chauffeurs de VTC et de taxi nous disent se connecter à Heetch le soir en parallèle des platesformes de réservation professionnelles », affirme un porte-parole d’Uber France. Ce qui diminuerait l’offre pour prendre en charge leurs propres clients.

Interrogé par « Les Echos », Heetch fait profil bas. « Il n’y a pas d’explosion de notre activité, contrairement à ce que certains voudraient faire croire », avance son directeur général, Teddy Pellerin. Il annonce 50.000 trajets hebdomadaires aujourd’hui, contre 40.000 en juin 2015. L’appli a toutefois commencé son expansion hors des frontières, avec un lancement à Varsovie mi-décembre et « au moins un lancement au premier trimestre dans une capitale européenne ».

Le dirigeant assure également que l’activité est légale, car il ne s’agit pas, selon lui, de transport à titre onéreux : « Les passagers ont la liberté de donner le montant de leur choix à la fin de la course. Et les chauffeurs sont limités à 6.000 euros par an, ce qui correspond au partage des frais annuels pour leur voiture. » En 2015, leur revenu moyen aurait été de 1.850 euros.

La démonstration ne convainc pas Yves Weisselberger, fondateur de SnapCar : « Heetch fait le même métier que nous, mais avec des coûts inférieurs de moitié car ils ne paient pas de charges. Je ne souhaite pas la fin de cette appli, mais il faut à un moment que le gouvernement dise clairement ce qu’il est autorisé ou non de faire. »

Les Echos 19/01/2016