Synthèse de la presse quotidienne
4 février 2016
Ce document est à usage strictement interne et a été réalisé par l’Ambassade de France en Allemagne
- Le souhait du gouvernement fédéral d’interdire les transactions en espèces pour des montants supérieurs à 5000 euros afin de lutter contre le blanchiment et le financement du terrorisme fait les gros titres de la Süddeutsche Zeitung (« les paiements en liquide, jusqu’à 5000 euros seulement ») et du Handelsblatt (« attaque contre l’argent liquide »). La Frankfurter Allgemeine Zeitung retient d’une interview du directeur général de l’OIAC que « la milice terroriste ‘Etat islamique’ a peut-être recours à des gaz toxiques ». Le Tagesspiegel écrit, à propos de la crise migratoire, que « les politiques freinent – les réfugiés arrivent malgré tout ». Die Welt et la Berliner Zeitung consacrent leur Une aux sondages montrant que « les Allemands perdent confiance en Mme Merkel ».
- Allemagne
« Les politiques freinent – les réfugiés arrivent malgré tout » (Tagesspiegel)
Les journaux notent que le gouvernement allemand a adopté hier en conseil des ministres un second paquet législatif visant à durcir le droit d’asile et à limiter le regroupement familial, mais qu’avec environ 3 000 réfugiés arrivant quotidiennement en Allemagne et un total de 92 000 réfugiés enregistrés en janvier, l’Allemagne pourrait devoir accueillir à nouveau 1 million de réfugiés en 2016 si cette tendance se poursuit. Sous le titre « l’Afrique du Nord prête à reprendre des réfugiés contre de l’argent », le tabloïd Bild signale que le ministre fédéral de l’intérieur se rendra à la fin du mois en Algérie, au Maroc et en Tunisie pour signer avec chacun de ces pays un accord de rapatriement de ressortissants déboutés du droit d’asile en échange d’une aide financière de plusieurs millions d’euros pour des projets concernant le marché de l’emploi et la formation.
En amont de la conférence des donateurs aujourd’hui à Londres, le Tagesspiegel signale en outre que le ministre fédéral en charge du développement a réitéré son idée d’un plan d’aide de 10 milliards pour la Syrie et les pays voisins. Le quotidien précise que la banque allemande de développement KfW finance déjà 70 projets dans 20 pays pour les réfugiés et que sur un volume global d’1,4 milliard d’euros, 900 millions se répartissent entre la Syrie, la Jordanie, le Liban et l’Irak.
« Les Allemands perdent confiance en Merkel » (Frankfurter Allgemeine Zeitung)
« Seulement 46% des Allemands se déclarent satisfaits de la chancelière », met en exergue Die Welt qui se fait l’écho du dernier sondage Deutschlandtrend selon lequel la chancelière enregistre son plus mauvais score depuis 5 ans et chute de 12 points par rapport à janvier. Elle se situe désormais à quasi égalité avec Sigmar Gabriel et Horst Seehofer qui bénéficient chacun de 45% d’opinions favorables. Avec 64%, la popularité de Wolfgang Schäuble enregistre un recul de 8 points et Frank-Walter Steinmeier (70%) est la personnalité politique la plus populaire auprès des Allemands. Le journal relève que la part des Allemands jugeant « plutôt préoccupante » la situation du pays a sensiblement augmenté (70%, contre 62% le mois dernier). A 88% les Allemands soutiennent les propositions de la ministre du travail visant à sanctionner les réfugiés qui refuseraient des efforts pour s’intégrer. En ce qui concerne la popularité des partis, la CDU/CSU perd 4 points (35%), le SPD se maintient avec 24% et l’AfD, créditée de 12%, devient la 3ème force politique devant les Verts (10%) et Die Linke (9%).
- Europe
« Les contrôles aux frontières coûtent des milliards » (Handelsblatt, FAZ)
La Frankfurter Allgemeine Zeitung consacre un article très détaillé, et le Handelsblatt un compte rendu plus concis, à la note d’analyse présentée par France Stratégie sur les conséquences économiques qu’aurait un abandon des accords de Schengen. « C’est la première étude qui, dans le débat actuel, se penche sur les coûts de contrôles frontaliers plus stricts », souligne la FAZ. « Ce sont les citoyens et les entreprises qui paient les pots cassés si l’on restreint la libre circulation en Europe », constate le Handelsblatt. Les interviews de chefs d’entreprise, notamment des secteurs automobile et logistique, mettant en garde contre les lourdes conséquences économiques de contrôles frontaliers au sein du marché intérieur se multiplient ces derniers temps dans les pages économiques des quotidiens.
Interview du patron de l’agence Frontex dans la Frankfurter Allgemeine Zeitung
Poursuivant son offensive de communication dans la presse allemande (après des interviews dans le Handelsblatt, Die Welt et Der Spiegel), Fabrice Leggeri explique l’action de l’agence européenne de protection des frontières en réitérant son appel à une meilleure dotation de Frontex en personnel, et surtout à une extension de ses compétences : « ce serait plus facile si nous avions directement accès à toutes les banques de données du système de sécurité de Schengen.
Dans la situation critique actuelle, il est nécessaire de faire tous les contrôles de sécurité à la frontière extérieure, pour identifier les passeports volés par exemple ». S’agissant des contrôles défaillants à la frontière greco-turque, F. Leggeri manifeste une certaine compréhension pour le fait que la Grèce ne puisse assumer seule la charge de contrôler une frontière géographiquement morcelée, dans un contexte de crise, et face à une hausse exponentielle de réfugiés, tout en soulignant qu’il attend toujours la réponse de la Grèce à sa proposition d’aide aux contrôles de sécurité. Vis-à-vis de la Turquie, il note le fait que ce pays porte déjà une lourde charge avec quelque 2,6 millions de réfugiés sur son territoire, et loue l’engagement des gardes côtes turcs qui ont sauvé de la noyade quelque 100 000 migrants l’année passée, pour mieux souligner que la coopération avec Frontex en matière de lutte contre les passeurs laisse toujours à désirer.
« L’Europe doit devenir une Union de défense » pour le Handelsblatt
Devant le désarroi des dirigeants européens face à la crise migratoire et l’absence de protection efficace des frontières extérieures de l’UE, la correspondante à Bruxelles du Handelsblatt tire la sonnette d’alarme, estimant que l’UE a besoin rapidement de davantage d’intégration en matière de politique extérieure et de sécurité. Elle cite en exemple les solutions pragmatiques trouvées face à la crise de l’euro pour contourner les écueils en matière de souveraineté budgétaire et financière malgré l’impossibilité de facto de modifier les traités européens : « ce qui ne marchait pas dans le cadre des traités a été fait en se passant des Vingt-Huit, en concluant des accords intergouvernementaux, ce qui a débouché sur le pacte de stabilité, le MES et pour une partie de l’union bancaire ; ce qui n’est pas une solution idéale sur le plan démocratique mais est une option incontournable quand il faut aller vite », affirme le Handelsblatt.
- International
Déplacement de Horst Seehofer à Moscou : « un mauvais voyage » (Die Zeit)
Les médias accordent une importante couverture image à la rencontre du ministre-président de Bavière et président de la CSU avec le président Poutine hier à Moscou et soulignent qu’H. Seehofer a critiqué les sanctions, regrettant leurs « effets massifs » sur les économies bavaroise et russe, et déclarant « ne pas croire que la chancelière souhaite les maintenir dans la durée ». Les éditorialistes reprochent unanimement au ministre-président bavarois d’avoir « d’outrepassé ses compétences » en la matière (FAZ). Pour le quotidien de Francfort, il ne suffit pas que des entreprises bavaroises soient affectées par des sanctions pour en faire une compétence d’un Land. Ces sanctions ont été prises en réponse à une agression armée russe sur l’Ukraine, insiste le journal, une éventuelle levée des sanctions relève donc « de la seule compétence du gouvernement fédéral, en accord avec ses partenaires européens et transatlantiques ». Le Tagesspiegel rappelle également « qu’en dépit du fédéralisme, la politique étrangère allemande est toujours décidée à Berlin et non pas à Munich » et ironise sur le traitement de « chancelier allemand » que Moscou a bien voulu réserver à Horst Seehofer. A l’instar de Die Zeit, les journaux estiment qu’H. Seehofer donne à Vladimir Poutine l’occasion de diviser à nouveau les Européens et lui reprochent, ainsi qu’à son prédécesseur E. Stoiber, qui avait organisé l’entretien, d’utiliser « la politique étrangère pour régler leurs comptes avec Mme Merkel ».
Entretien du directeur général de l’Organisation pour l’interdiction des armes chimiques dans la FAZ
La Frankfurter Allgemeine Zeitung s’inquiète en Une de la possible utilisation de gaz moutarde par Daech au Moyen-Orient, évoquée dans une interview au quotidien par le directeur général de l’OIAC, Ahmet Üzümcü. Le journal de Francfort se demande dans un éditorial si l’organisation terroriste pourrait employer son éventuel savoir-faire en la matière dans d’autres pays. Dans son interview, Ahmet Üzümcü relève que des anciens soldats irakiens ayant participé au programme d’armement chimique sous le régime de S. Hussein, travailleraient aujourd’hui pour Daech. Interrogé sur la possibilité que le gouvernement syrien ait conservé une partie de son arsenal chimique, le directeur de l’OIAC indique qu’une équipe d’experts est en train de chercher « à clarifier » la situation et qu’un rapport sera présenté en mars prochain. A. Üzümcü indique par ailleurs qu’il y a « deux catégories d’armes chimiques qui suscitent l’inquiétude » en Libye et que l’OIAC réfléchit actuellement à des solutions pour aider les autorités libyennes à les détruire.
- France
Mesure de déchéance de nationalité : la « solitude » du président (FAZ)
Sous la plume de sa correspondante Michaela Wiegel, la FAZ consacre un article au débat sur la déchéance de nationalité dans lequel elle évoque un président « de plus en plus isolé », délaissé par les siens alors qu’au lendemain des attaques terroristes du 13 novembre, son « discours martial » avait été largement applaudi. « Le projet envisageant la déchéance de la nationalité française pour des terroristes condamnés divise à droite comme à gauche », relève la FAZ pour qui « le projet de modification de la constitution vire au fiasco ». « Le débat parlementaire qui débute demain risque de se solder par une marche arrière du gouvernement », écrit Michaela Wiegel qui juge que « c’est le prix à payer pour des idées puisées dans le stock du Front national ».
« Un état d’urgence quotidien » (Süddeutsche Zeitung)
Les quotidiens se font l’écho des critiques suscitées en France par la prolongation de l’état d’urgence et s’inquiètent, dans des commentaires, d’une dérive sécuritaire. « Certes, la France ne va pas devenir un Etat policier. Mais il est permis d’être un peu inquiet », écrit le correspondant à Paris de la Süddeutsche Zeitung, Christian Wernicke, pour qui même si les Français sont plutôt sur la même ligne sécuritaire que le Premier ministre, il est regrettable que ce dernier, « ancien ministre de la police, mise uniquement sur les policiers, les gendarmes et les soldats dans la lutte anti-terroriste, et pire, qu’il interdise tout autre angle de solution, notamment sociale, sur ce phénomène ». « L’usage permanent d’une législation d’exception n’est pas une stratégie anti-terroriste, et la protection des droits individuels est aussi importante que la protection des citoyens eux-mêmes », estime également le Tagesspiegel./.