Synthèse de la presse quotidienne
14 mars 2016
Ce document est à usage strictement interne et a été réalisé par l’Ambassade de France en Allemagne
- Le résultat des élections dans les Länder de Bade-Wurtemberg, Rhénanie-Palatinat et Saxe-Anhalt font les gros titres de la presse allemande ce matin, qui met en avant les scores élevés du parti populiste AfD et le succès des Verts en Bade-Wurtemberg : « les Verts sont pour la première fois la première force politique d’un Land » (Frankfurter Allgemeine Zeitung) ; « M. Kretschmann victorieux, l’AfD en liesse » (Süddeutsche Zeitung) ; « M. Kretschmann et Mme Dreyer [SPD en Rhénanie-Palatinat] vainqueurs – l’AfD entre dans les trois parlements régionaux » (Der Tagesspiegel) ; « le signal d’alarme » (Handelsblatt) ; « la victoire de l’AfD ébranle la République fédérale » (Berliner Zeitung).
- Allemagne
Elections régionales dans trois Länder : « M. Kretschmann victorieux – l’AfD en liesse » (Süddeutsche Zeitung)
Tous les journaux relèvent les scores élevés, à deux chiffres, réalisés par le parti populiste AfD, le « succès historique » des Verts en Bade-Wurtemberg, les lourdes pertes enregistrées par le SPD, notamment en Saxe-Anhalt (- 11 points) que la Süddeutsche Zeitung qualifie de « débâcle », même si en Rhénanie-Palatinat les sociaux-démocrates l’emportent sur la CDU, et enfin les scores décevants de la CDU, sur fond de participation en nette hausse,
Dans leurs premières analyses, tous les quotidiens font le constat paradoxal que les trois ministres-présidents sortants sont reconduits sans que ce ne soit le cas de leurs coalitions compte tenu du bouleversement des équilibres politiques marqués notamment par la percée de l’AfD. Ainsi, la faiblesse du SPD dans le Bade-Wurtemberg ne permet pas la reconduction de l’actuelle coalition Verts-SPD. De même, l’effondrement des Verts en Rhénanie-Palatinat (- 10 points) remet en cause la coalition sortante SPD-Verts. En Saxe-Anhalt, la grande coalition sortante ne réunit pas de majorité suffisante. A la marge, la presse relève le retour du FDP qui réalise de bons scores après avoir fait une campagne critiquant la politique migratoire de Mme Merkel et qui fait son entrée dans les parlements du Bade-Wurtemberg et de Rhénanie-Palatinat.
A bien des égards, les scrutins d’hier constituent un « séisme », terme qui revient sous la plume de nombreux commentateurs. Les journaux s’accordent à constater que la crise des réfugiés aura constitué la toile de fond de ce scrutin, en relevant une série de paradoxes : la CDU semble avoir payé ses divisions liées à la politique de la Chancelière sur les réfugiés, mais les candidats ayant soutenu la politique de la chancelière Winfried Kretschmann (Verts) et Malu Dreyer (SPD), mais aussi Reiner Haseloff (CDU) sortent vainqueurs du scrutin. « A la tête de la CDU/CSU, les fautifs sont tout trouvés : les candidats qui ont pris leurs distances avec la chancelière (Guido Wolf dans le Bade-Wurtemberg et Julia Klöckner en Rhénanie-Palatinat) portent la responsabilité des mauvais scores et non la chancelière », note Bild. Le tabloïd ajoute que du côté du SPD, la conclusion est la suivante : « les résultats obtenus dans le Bade-Wurtemberg et en Saxe-Anhalt sont imputables à la faiblesse des candidats sociaux-démocrates ».
De l’avis de la FAZ, la ministre-présidente de Rhénanie-Palatinat Malu Dreyer a en effet « sauvé la mise » pour Sigmar Gabriel, mais le champ ne cesse de se rétrécir pour le SPD en raison de l’émergence de l’AfD et du positionnement de centre-gauche de la chancelière. La Süddeutsche Zeitung partage ce jugement estimant qu’il faut s’inquiéter pour l’avenir du SPD. Voyant les sociaux-démocrates en grand danger, le quotidien estime que dans la perspective des élections au Bundestag de 2017, le parti a deux options : soit faire bloc, de façon démonstrative, derrière son président Sigmar Gabriel autour des lignes politiques précisées, soit s’en trouver rapidement un autre.
En revanche, les multiples interprétations possibles font que les résultats pour la CDU ne déboucheront probablement pas sur une levée de boucliers contre la chancelière, souligne la Berliner Zeitung. Si la politique migratoire de la chancelière a fait lit de l’AfD, « elle draine aussi de nombreux électeurs de gauche », fait observer la FAZ qui en veut pour exemple éclatant le soutien inconditionnel de Winfried Kretschmann. Die Welt estime en revanche que la CDU « paie le prix fort pour sa politique migratoire » et que des temps difficiles s’annoncent pour Mme Merkel. Pour Bild, qui considère que les jours sont comptés pour la grande coalition à Berlin, en tant que chef de parti, la chancelière a essuyé hier une « lourde défaite, même si ce n’est pas sa politique migratoire qui a été sanctionnée ». La conséquence est donc qu’elle ne déviera pas de sa ligne, mais devra composer avec des conservateurs profondément divisés. « Voilà où le danger guette », juge le quotidien : « en Allemagne, un chancelier n’a jamais pu gouverner longtemps contre son camp ».
Pour le Handelsblatt, les résultats d’hier doivent en tout état de cause être perçus comme un « avertissement » par le gouvernement fédéral, les électeurs ayant montré qu’ils n’ont plus confiance, ni dans la CDU, ni dans le SPD. Face à un parti AfD désormais représenté dans huit parlements régionaux, les réactions oscillent entre vive inquiétude devant la « victoire de la peur, de l’exclusion et de l’autoritarisme » (tageszeitung) et le refus de céder à la panique (Berliner Zeitung), l’histoire montrant que des partis d’extrême droite ayant réussi à percer ne se sont toutefois pas installés durablement dans le paysage politique allemand. S’appuyant sur l’avis de différents experts, le tabloïd Bild signale que l’AfD ne devrait toutefois pas disparaître à court terme car 60% de ses électeurs se déclarent prêts à renouveler leur choix en 2017 et les abstentionnistes constituent le « réservoir » auquel le parti a encore de quoi puiser.
- Europe
Crise migratoire : « Hollande remet en question l’accord UE-Turquie », (FAZ), « l’Autriche augmente la pression sur l’Allemagne » (Handelsblatt)
A l’instar de l’hebdomadaire Der Spiegel, la presse du week-end est revenue longuement sur le sommet UE-Turquie pour juger, au total, que la chancelière est « isolée en Europe ». « Pour les partenaires européens, le plan de la chancelière avec la Turquie relève de l’illusion », estime ainsi le Spiegel, tandis que la Welt am Sonntag, revenant sur la genèse de ce plan, croit pouvoir confirmer au terme de recherches dans les milieux gouvernementaux que « c’est Mme Merkel qui a tenu la plume avec laquelle M. Erdogan a rédigé sa proposition ». Affirmant que le « cavalier seul » de la chancelière allemande lors de la préparation de ce sommet a choqué la plupart de ses partenaires européens, le Spiegel écrit qu’à Bruxelles, « le président Hollande ne s’est pas opposé aux propositions turques uniquement pour éviter un conflit ouvert avec la chancelière, mais qu’il est exclu pour la France de suspendre l’obligation de visa pour la Turquie dès l’été ». Les déclarations du président de la République à l’occasion de la réunion des dirigeants sociaux-démocrates européens sont mises en valeur par la Frankfurter Allgemeine Zeitung. Dans Die Welt am Sonntag, la ministre de l’Intérieur autrichienne Johanna Mikl-Leitner se montre très critique à l’égard du projet d’accord UE-Turquie : « en tant qu’Européen, prenons-nous vraiment au sérieux les valeurs communes si nous négocions une libéralisation accélérée des visas avec un pays qui vient de mettre au pas des médias critiquant le gouvernement ? ». « L’UE a des critères très clairs pour l’adhésion de nouveaux membres, surtout en matière de droit de l’homme et de liberté de la presse. Il ne peut y avoir de rabais pour personne », renchérit dans Bild am Sonntag le ministre autrichien des Affaires étrangères, Sebastian Kurz.
L’Autriche durcit sa position vis-à-vis de l’Allemagne dans la crise des réfugiés, constate par ailleurs l’ensemble de la presse en rapportant les déclarations du chancelier autrichien Werner Faymann appelant Berlin à fixer un plafond annuel d’accueil de 400 000 réfugiés, sur le modèle autrichien. « Avant le Conseil européen, M. Faymann tente un rapprochement avec le président français », interprète le Handelsblatt en citant les propos du chancelier selon lesquels « les Français seraient disposés à accueillir comme prévu 30 000 demandeurs d’asile, mais ils n’en ont même pas reçu un millier car tous veulent aller en Allemagne ou en Autriche. Même situation pour le Portugal, prêt à accueillir 7000 des réfugiés bloqués à Idomeni, alors que seuls 200 réfugiés sont disposés à aller au Portugal ». Dans l’édition dominicale de la Bild, le ministre autrichien des affaires étrangères Sebastian Kurz affirme qu’il faut « qu’il soit clair que le temps où les réfugiés pouvaient passer d’un pays d’Europe centrale à un autre, est définitivement révolu » et invite à appliquer à la potentielle route de substitution de l’Italie les mêmes mesures de blocage que celles désormais en vigueur sur la route des Balkans.
Pologne
La presse allemande s’alarme du refus du gouvernement polonais de prendre en compte l’avis rendu par la commission de Venise, organe consultatif du Conseil de l’Europe, dans lequel cette dernière estime que la modification constitutionnelle polonaise fait peser un danger sur l’Etat de droit, la démocratie et les droits de l’Homme. « L’Europe a besoin de la Pologne au même titre que la Pologne a besoin de l’Europe », plaide la Süddeutsche Zeitung en estimant que l’UE doit marcher sur la corde raide, en se montrant sévère face à l’abus de pouvoir du gouvernement polonais sans pour autant critiquer le choix électoral du peuple polonais.
- International
Syrie : « La Russie joue le rôle clé » (Süddeutsche Zeitung)
La Süddeutsche Zeitung salue « l’unité de ton » sur la Syrie affichée par les ministres français, allemand, américain, britannique et italien des Affaires étrangères, ainsi que la haute représentante de l’UE, hier à Paris. Pour le quotidien de Munich, la résolution de la crise réside désormais dans l’attitude qu’adoptera la Russie lors des prochains pourparlers de paix à Genève et espère que Moscou jouera de son influence pour inciter Bachar el-Assad à quitter le pouvoir.
- France
« La France n’accepte pas de ‘TTIP light’ » (FAZ)
La Frankfurter Allgemeine Zeitung de samedi publie un compte rendu détaillé, mais essentiellement factuel, des propos tenus par le secrétaire d’Etat au commerce extérieur Matthias Fekl devant la presse allemande lors de son déplacement le 9 mars à Berlin. Le quotidien estime que M. Fekl a ainsi réitéré les critiques déjà émises à l’automne dernier sur le manque d’implication des négociateurs américains et souligné que la France n’accepterait notamment pas un accord allant en-deçà de la proposition de la Commission en matière de cour de règlement des différends relatifs aux investissements. Le journal alternatif de gauche tageszeitung (taz), sous la plume de son correspondant à Paris, évoque également la position française (« l’ultimatum de la France ») en estimant qu’il convient de prendre au sérieux la menace de stopper les négociations « compte tenu de précédents historiques » français (sortie de la France de l’OTAN, échec des négociations sur l’Accord multilatéral sur l’investissement / AMI).
Germanwings : « les leçons de la catastrophe » (Süddeutsche Zeitung)
Le premier anniversaire du crash aérien coïncidant avec la présentation du rapport final du BEA sur les responsabilités du copilote et de la compagnie aérienne, les comptes rendus et reportages sur les familles des victimes se sont multipliés dans la presse allemande. Les conclusions et recommandations de la commission d’enquête sont rapportées en détail mais peu commentées à ce stade : « plus de contrôles, moins de secret médical », résume la Frankfurter Allgemeine Zeitung, « des tests psychologiques réguliers pour les pilotes », titre la Berliner Zeitung, « dans le doute, contre le secret médical », retient également Die Welt./.