Alors que la Chine consacre des centaines de milliards de dollars pour faire éclore les futurs géants du Web, la Silicon Valley continue de régner sur le high-tech mondial.
Concurrencée, mais jamais égalée. Malgré les milliards de yuans amassés par les fonds chinois pour développer leurs start-up, la Silicon Valley demeure l’épicentre du high-tech mondial. «Si d’autres régions se développent, la résilience de cette région est exceptionnelle», remarquait Georges Nahon, PDG d’Orange Lab à San Francisco, lors de l’université numérique du Medef la semaine dernière. Snapchat, Instagram, Airbnb, WhatsApp, Uber. Ces noms connus de tous proviennent de la même région de 5000 kilomètres carrés, qui règne sans partage depuis trente ans sur le high-tech mondial. Parmi les 146 sociétés privées valorisées plus d’un milliard de dollars par les investisseurs, surnommées les licornes, recensées par le Wall Street Journal, 88 sont implantées aux États-Unis, contre 40 en Asie et 16 en Europe.
Les fonds américains sont encore, de loin, ceux qui investissent le plus dans les sociétés de technologies. Les start-up ont levé 74 milliards de dollars de capitaux l’an dernier aux États-Unis, dont 42 milliards pour la seule Californie, selon le décompte de KPMG et de CB Insights. C’est près de trois fois les montants levés en Chine et cinq fois et demie plus que les investissements en Europe.
Les limites du Web chinois
Si la Chine est, après la Silicon Valley, le plus important vivier de licornes, l’opposition ne se résume pas à une bataille de chiffres. Les start-up américaines sont disposées dès le plus jeune âge pour gagner une influence mondiale. Leur marché intérieur, de 350 millions de personnes, leur permet de prendre l’ascendant sur leurs concurrents européens, qui souffrent d’un marché plus fragmenté. Elles ont aussi la culture d’un Internet ouvert, sans frontières. Google et Facebook, après avoir conquis l’Europe, rivalisent de projets pour apporter Internet dans les pays en voie de développement, grâce à des drones ou des ballons.
«Si d’autres régions se développent, la résilience de cette région est exceptionnelle»
L’expansion fulgurante des start-up Web chinoises connaît ici ses limites. Le géant Alibaba, qui s’est introduit à la Bourse de New York l’an dernier, arrive prudemment en Europe et aux États-Unis, via des acquisitions ou des percées dans les médias. Tencent, fort des 650 millions d’utilisateurs de sa messagerie WeChat, limite son expansion occidentale au jeu vidéo et à l’e-sport. Baidu, le Google chinois, opère des incursions remarquées en Afrique, tout en évitant jusqu’à présent l’Europe et les États-Unis. Les innovations, dans les messageries, ne se propagent pas à l’international.
Dans l’intelligence artificielle et la réalité virtuelle, l’automobile autonome, les prochains terrains de jeux des sociétés high-tech, l’ascendant des États-Unis demeure manifeste. Lorsque les grandes plateformes sont prises de court, elles trouvent les moyens pour racheter les start-up les plus en pointe. Google a mis la main sur le britannique DeepMind, qui a développé le programme AlphaGo, récent vainqueur du champion du monde de jeu de go. Facebook a débauché le chercheur français Yann LeCun pour prendre la tête de son laboratoire d’intelligence artificielle. Une course est lancée, et cette influence mondiale plus que jamais contestée. Dans quelques semaines, Baidu commencera à tester ses prototypes de voitures autonomes sur les routes américaines. Comme un avertissement.
Le Figaro 21/03/2016