Un rapport interne indique que le projet, qui entrera en vigueur en septembre, crée « des difficultés dans 10 à 25 % des établissements ».
La réforme du collège, qui entrera en vigueur en septembre prochain, a du mal à s’imposer dans 10 à 25 % des établissements. Sans remettre en cause l’application d’une réforme «qui avance», un rapport de l’inspection générale de l’Administration de l’Éducation nationale et de la recherche (IGAENR), révélé par la revue Acteurs publics, constate que les acteurs de terrain ne se sont pas approprié le projet. Ce rapport, qui date du mois de janvier, était resté confidentiel.
La «préoccupation pédagogique est trop souvent au second plan» et les «dispositifs ne sont pas toujours bien appréhendés», indique le rapport en évoquant l’accompagnement personnalisé et les enseignements pratiques interdisciplinaires (EPI), grandes nouveautés de la réforme. Au sujet de la dotation horaire des collèges, «l’inquiétude» s’est fait jour «dans les petits établissements qui vont devoir gérer des problèmes de service partagé», relève l’inspection.
Inégalités territoriales sur les classes bilangues
Par ailleurs, si les classes bilangues ont été supprimées sur une partie du territoire, certaines académies ont fait le choix de les conserver, comme à Paris, accentuant ainsi des «inégalités territoriales». L’inspection appelle à la vigilance à l’égard de l’enseignement privé, pour lequel la suppression des bilangues a pu constituer un appel du pied pour faire évoluer son offre éducative et récupérer des élèves en classes d’allemand. Enfin, «l’inquiétude» gagne les lycées, dont les moyens se verraient «ajustés» afin de permettre l’application de la réforme du collège: les moyens dévolus au remplacement des enseignants seraient les premiers à «trinquer», au risque de «voir apparaître des cours non assurés»…
Le ministère rappelle que ce rapport date de janvier. Chaque établissement a, depuis, reçu sa dotation horaire globale pour la rentrée et la carte des langues a été précisée. «Ces éléments ont rassuré et les rapports des inspections montrent que les tensions s’apaisent», rétorque-t-on Rue de Grenelle. Pour Jean-Rémi Girard, du Snalc, l’un des syndicats de professeurs opposé à la réforme, le constat de l’Igaenr est au contraire «toujours d’actualité». «J’ai assisté à une session de formation d’enseignants la semaine dernière, je puis vous affirmer que tous les collègues, inquiets, ne voyaient pas quel était l’intérêt des EPI, par exemple. Ils sont dans une colère sourde mais dans l’incapacité de trouver un mode d’action. Si cette réforme s’applique ce sera a minima et détournée.» Le syndicat envisage un boycott des surveillances du bac et de la correction du brevet. «C’est notre dernière chance», estime Jean-Rémi Girard. Son mouvement s’est éloigné, il y a trois semaines, de l’intersyndicale opposée à la réforme, jugée «trop molle». Le principal syndicat d’enseignants du secondaire, le Snes, a quant à lui décidé la semaine dernière qu’il organiserait une journée nationale d’action en mai. Il n’écarte pas, lui, non plus, une grève des conseils de classe, des examens en juin ou encore à la rentrée. Autre action envisagée: «entrer dans des formes de résistance pédagogique, tels que le refus d’organiser les accompagnements personnalisés (AP) ou les enseignements pratiques interdisciplinaires (EPI)» prévus dans le cadre de la réforme.
Le Figaro 12/04/2016