Des fonctionnaires mués en « intrapreneurs »

L’État donne carte blanche à quelques agents afin de trouver des solutions aux blocages de l’administration.

EMPLOI Au sein des services de l’État, qui mieux que les agents sont capables de repérer les « irritants », points bloquants ou décourageants des parcours administratifs ? Or certains fourmillent de bonnes idées pour y remédier. L’État a donc décidé d’encourager les initiatives de ces agents inventifs et donne carte blanche à des fonctionnaires qui se transforment en « intrapreneurs » l’espace de quelques mois afin de mettre sur pied un service pour simplifier la vie des usagers.

Cheville ouvrière de la modernisation de l’État, le Secrétariat pour la modernisation de l’action publique (SGMAP) compte ainsi une quinzaine de start-up d’État. L’une d’elles a ainsi développé le simulateur mes-aides.gouv.fr. « Nous nous sommes rendu compte qu’il y a 40 % de non-recours aux prestations sociales. En clair, des citoyens ne réclament pas des prestations auxquelles ils auraient le droit tout simplement parce qu’ils ne les connaissent pas », explique Pierre Pezziardi, qui supervise les start-up d’État au sein du SGMAP. Allocations familiales, allocations logement, revenu de solidarité active… l’usager connaît désormais en quelques clics les prestations sociales auxquelles il a droit et leur montant.

Les innovations portées par des « corsaires »

La méthode est à chaque fois la même. Les projets sont élaborés dans un temps limité (six mois), avec une petite équipe de quatre personnes : un fonctionnaire « indigné » de la lourdeur administrative, bombardé chef de projet, accompagné d’un coach numérique et de deux dévelop­peurs. « La technostructure reproduit, consciemment ou inconsciemment, le corpus de règles qui la fonde : demandez à l’Urssaf ou au ministère de l’Économie un choc de simplification, il se terminera toujours en formulaire Cerfa et en hygiaphone. La plupart des innovations importantes sont le fait d’initiatives isolées, portées par des corsaires », explique Pierre Pezziardi.

Chaque start-up d’État est financée à hauteur de 100 000 eu­ros pour les six premiers mois. Si l’innovation fonctionne et remplit sa mission de modernisation, l’État poursuit le financement. Dans le cas contraire, il interrompt définitivement son activité. « Six mois, c’est assez court pour que, si on se plante, ce ne soit pas trop coûteux pour la collectivité », poursuit Pierre Pezziardi.

S’inspirant du fonctionnement des start-up, ces intrapreneurs de l’administration adoptent les principes du développement « Agile », une méthode de gestion de projets Web où les tâches s’effectuent petit à petit, de façon empirique, en intégrant des fonctionnalités en se basant sur une écoute client et des tests tout au long de la mission.

Plusieurs applications, créées par les start-up d’État, ont ainsi récemment vu le jour : un service en ligne de demande de bourse de collège (déclinaison de Mes-aides pour les bourses scolaires), « Le.Taxi » (une appli de géolocalisation des taxis utilisant les techniques d’open data) ou encore le service Marché public simplifié (qui permet aux entreprises de répondre à des marchés publics, avec son seul numéro Siret et sans fournir de pièces justificatives).

Visant à simplifier les candidatures aux 300 000 marchés publics publiés chaque année, le dispositif Marché public simplifié (MPS) a déjà permis de réaliser 60 millions d’euros d’économies par an côté entreprise et 30 millions côté administration, grâce au temps gagné sur le dépouillement des offres

Le Figaro 25/04/2016