L’institution française et son homologue allemand ont publié une étude sur les données et la concurrence.
INTERNET À l’ère du Web et des smartphones, les données sont-elles disponibles partout et à tout le monde ? L’Autorité de la concurrence et son homologue allemand, le Bundeskartellamt, ont rendu mardi une étude conjointe sur les données et leurs enjeux dans le cadre du droit à la concurrence. L’institution française a annoncé en parallèle le lancement d’une enquête sectorielle sur le big data (l’exploitation d’un très grand nombre de données) et son exploitation commerciale dans l’économie numérique. Elle portera plus particulièrement sur le ciblage des comportements des internautes, notamment dans la publicité en ligne. Les travaux débuteront fin mai. Le Bundeskartellamt, lui, mène une enquête sur les pratiques de Facebook. Elle doit déterminer si l’entreprise américaine a abusé de son éventuelle position dominante afin de récolter des données sensibles – et donc de valeur – sans l’expliquer suffisamment à ses utilisateurs.
Pouvoir économique
« Les grandes entreprises du Web considèrent que les données sont des éléments banals, que n’importe quelle petite société peut en disposer », explique Bruno Lasserre, président de l’Autorité de la concurrence. « Nous ne sommes pas forcément d’accord avec cette analyse. Il n’est pas toujours facile de répliquer ces modèles et il peut y avoir un véritable effet boule de neige qui avantage les grandes entreprises. »
Pour les deux autorités, l’exploitation des données à des fins commerciales n’est pas neutre : elle est témoin d’une domination économique, au même titre que le niveau du chiffre d’affaires. « On dit que les données sont partout, donc qu’elles ne peuvent pas avantager une entreprise par rapport à une autre », peut-on lire dans leur étude. « De fait, les secteurs économiques où l’exploitation de données est considérée comme primordiales, comme les moteurs de recherche ou les réseaux sociaux, sont souvent très concentrés. » C’est par exemple le cas de Google, cité à de nombreuses reprises dans l’étude. Le moteur de recherche américain a déjà fait l’objet de deux enquêtes pour abus de position dominante par la Commission européenne. « Il est fréquent de regarder les enjeux des données sous l’angle de la protection de vie privée », continue Bruno Lasserre. « Nous souhaitons aujourd’hui les examiner comme éléments de pouvoir économique. »
En France, l’Autorité de la concurrence s’est déjà intéressée à plusieurs reprises aux pratiques des géants du Web.
Elle a déjà forcé Google à changer ses pratiques dans la publicité en ligne, en 2010. Néanmoins, elle n’a pas souhaité cibler une entreprise en particulier pour son enquête sectorielle, comme son homologue allemand. « Notre objectif n’est pas de stigmatiser ou de sanctionner », assure Bruno Lasserre. « Nous voulons proposer une grille d’analyse qui pourrait donner lieu à la création d’une doctrine européenne. »
Le Figaro 11/05/2016