Les banques hésitent encore sur l’exploitation des « datas » clients

 

L’Autorité bancaire européenne ouvre une consultation sur les « données clients » des banques. Les informations liées aux paiements et à la consommation forment le nerf de la guerre.

Epineux problème pour les banques : elles en savent beaucoup sur leurs clients, au travers de leurs revenus ou de leurs habitudes de consommation. Mais, pour des raisons éthiques et de réputation, elles cherchent encore comment exploiter ce gisement d’information. Une consultation lancée par l’Autorité bancaire européenne (EBA) devrait les aider à border ce débat. L’institution cherche en effet à savoir quels sont les risques et les opportunités liés à l’utilisation des données personnelles par les institutions financières. Il s’agit aussi de déterminer si une nouvelle régulation sera nécessaire en plus des cadres existant déjà. Les différentes « parties prenantes » (banques, consommateurs…) ont jusqu’au mois d’août pour réagir.

Les banques ne sont pas tout à fait novices en la matière. « Elles utilisent déjà les données des clients dans une démarche marketing classique. Mais leur approche reste encore peu développée dans l’exploitation des données issues des paiements ou des connexions des utilisateurs à leur espace client en ligne », souligne Nathalie Beaudemoulin, directrice adjointe à l’ACPR (Autorité de contrôle prudentiel et de résolution, le gendarme bancaire français) et présidente du groupe sur l’innovation financière à l’EBA. Ces premiers pas commencent à se traduire dans la gouvernance. « Certaines banques ont commencé à créer des fonctions de « chief data officer »(responsable stratégique des données), et cette tendance va s’amplifier. Les banques y sont poussées par l’évolution même de leurs activités et les enjeux de conformité liés à l’utilisation des données », explique Nathalie Beaudemoulin.

De fait, le dossier « gestion des données » est désormais posé sur le haut de la pile pour les banquiers. Ces derniers observent avec inquiétude les géants de l’Internet – Facebook, Apple, Google ou Amazon – qui connaissent eux aussi très bien les consommateurs, et qui commencent à opérer dans les services financiers.

Un modèle économique très ouvert

Dans le même temps, les fintech (start-up agissant dans les services financiers) montent en puissance dans les services de paiement ou encore dans l’agrégation de données bancaires. Dans tous ces exemples, le nerf de la guerre est le paiement et tout ce qu’il révèle du client. Mais le modèle économique – la façon précise d’exploiter ces informations – reste très ouvert.

Dans le document soumis à consultation, l’EBA souligne à quel point les possibilités sont nombreuses. Les données peuvent servir en interne à améliorer la connaissance de risque (et donc attribuer ou pas un crédit en meilleure connaissance de cause), construire un programme de fidélisation ou encore « pousser » vers le client les produits qui lui correspondent le plus.

Risque de réputation

En externe, la banque peut par exemple imaginer des système de « cash back » ou de coupons de réduction comme a commencé de le faire LCL avec son programme Avantage+. La vente pure et simple d’information (voir ci-dessous) comme aux Etats-Unis paraît plus difficile, à moins que les données soient agrégées et anonymes. « Les banques sont très conscientes de l’enjeu éthique lié à l’utilisation des données : l’attente sociale est forte sur le sujet et le risque de réputation important en cas de maladresse. Dans le même temps, les consommateurs peuvent évoluer, puisque les jeunes générations mettent en ligne beaucoup de données personnelles », remarque Nathalie Beaudemoulin. Cet enjeu social se double d’un défi technologique : un vol massif de données serait particulièrement mal vécu alors que les banques revendiquent régulièrement le statut de « tiers de confiance ».

Les Echos 19/05/2016