Bruxelles conteste l’application du smic aux transporteurs étrangers, qui doit entrer en vigueur le 1er juillet.
RANSPORT La rémunération des travailleurs détachés dans le transport routier est un dossier sensible depuis plusieurs années, qui marque un clivage fort en Europe entre l’Ouest et l’Est. Quelles règles salariales doivent s’appliquer aux chauffeurs routiers étrangers ? Les transporteurs français dénoncent régulièrement le dumping social des pays de l’Est. Pour éviter cette concurrence jugée déloyale, la France a pris un décret en avril dernier, dans la loi Macron de 2015, qui entre en vigueur le 1er juillet, en application des textes européens sur le détachement au secteur du transport routier.
Concrètement, les chauffeurs routiers étrangers devront être payés au smic sur le sol français, exception faite des transporteurs internationaux qui se contentent de transiter par la France. Une disposition vivement contestée par dix pays d’Europe de l’Est.
L’Union européenne (UE), pourtant favorable à l’application des conditions salariales en vigueur dans le pays de destination pour les travailleurs détachés, a lancé jeudi une procédure d’infraction à l’encontre de la France. Une même démarche est en cours contre l’Allemagne. « Après une analyse juridique approfondie de la législation française, la Commission a décidé d’adresser une lettre de mise en demeure à la France », souligne Bruxelles dans un communiqué. Cela constitue la première étape de l’infraction. La Commission s’attaque à « l’application systématique » du salaire minium dans le transport routier, un secteur très spécifique du fait de la mobilité du travailleur. Elle estime que pour certaines opérations, par exemple, lorsque le routier ne passe qu’un temps limité sur le territoire, il n’y a pas lieu d’appliquer le salaire minimum français, invoquant une « atteinte à la libre circulation des services et des marchandises ». Le décret français juge au contraire que le chauffeur doit être payé au smic dès lors que la France est le pays de provenance ou de destination du transport, au prorata des heures travaillées dans l’Hexagone.
Le décret français, non content de contrarier Bruxelles, ne semble pas répondre aux attentes des intéressées : les sociétés françaises de transport routier. « Nos entreprises appliqueront la loi, il n’y a aucune discussion là-dessus, explique Florence Berthelot, déléguée générale de la Fédération nationale du transport routier (FNTR). Mais nous regrettons les initiatives nationales en Allemagne et en France. Nous attendons une réponse politique à l’échelle européenne. »
Deux mois pour répondre
Selon la FNTR, mieux vaudrait réfléchir au principe d’un salaire minimal européen appliqué à l’activité de fait très mobile du transporteur routier avec une partie fixe et une partie variable. « Cela permettrait d’avoir une assiette de cotisation sociale équilibrée et un socle de protection sociale minimum, ce qui n’est pas le cas aujourd’hui », explique Florence Berthelot. La nouvelle loi française soulève aussi de nombreuses questions : les entreprises françaises destinataires des opérations de transport, considérées comme coresponsables devront remplir des attestations de détachement. Or la direction générale du travail n’a toujours pas publié de formulaire deux semaines avant l’entrée en vigueur du texte. Par ailleurs, comment les gendarmes pourront-ils contrôler que le chauffeur d’une entreprise roumaine a bien été rémunéré au smic pour les 32 heures de travail effectuées en un mois sur le sol français ?
La France a deux mois pour répondre à la menace de la Commission. Elle « entend uniquement faire respecter l’application du droit communautaire », a insisté le ministre du Transport, Alain Vidalies.
Le Figaro 17/06/2016