Synthèse de la presse quotidienne
27 juin 2016
Ce document est à usage strictement interne et a été réalisé par l’Ambassade de France en Allemagne
- Les incertitudes politiques et économiques liées au Brexit font les gros titres de la presse allemande ce matin : « l’Ecosse veut refuser le Brexit » (Frankfurter Allgemeine Zeitung) ; « révolte contre le Brexit » (Süddeutsche Zietung) ; « le vote du Brexit provoque un chaos politique » (Die Welt) ; « le Brexit alimente la peur d’une nouvelle crise de l’euro » (Der Tagesspiegel) ; « tout en bas bruisse la peur » (Handelsblatt).
- Europe / Brexit
« Le poker après-Brexit a commencé » (Bild), « Les marchandages après-Brexit ont commencé » (Handelsblatt)
Deux axes dominent aujourd’hui les comptes rendus de la presse allemande : d’une part la profonde incertitude sur les conséquences politiques et économiques du référendum britannique sur le Royaume-Uni lui-même et sur ses partenaires européens, alors qu’aucun dirigeant britannique ne veut à ce stade consommer la rupture avec l’UE, et d’autre part les grandes manœuvres entamées entre les pays fondateurs de l’UE pour trouver une ligne de négociation avec Londres et envisager l’avenir de l’UE à la veille du Conseil européen.
Au cours du week-end, les doutes sur l’opportunité, voire la probabilité, d’un processus de sortie rapide se sont accrus (« est-il vraiment ‘time to say goodbye’ ? », Bild, « va-t-on vers un exit du Brexit ? », Tagesspiegel am Sonntag). Les médias s’interrogent sur les atermoiements des dirigeants britanniques et les risques de rupture au sein du Royaume-Uni (perspectives d’une indépendance écossaise, déclarations de responsables de la campagne du Leave ne voyant pas l’urgence d’invoquer l’article 50 ; pétition pour demander un nouveau référendum).
« La manière dont l’UE va surmonter cette crise dépendra de sa capacité à trouver des réponses convaincantes aux interrogations et peurs de ses citoyens, compte tenu du fait que de nombreux Etats ne veulent en aucun cas davantage d’Europe », analyse la Süddeutsche Zeitung. De Bruxelles, la FAZ rapporte que le président de la Commission européenne veut réagir au Brexit en accélérant le processus d’union monétaire et en mettant fin à « l’UE à plusieurs monnaies », une intention que le quotidien juge totalement contre-productive : « Juncker n’a visiblement pas entendu d’où venait le coup (…) il semble vouloir oublier que vouloir ‘davantage d’Europe’ est bien la dernière leçon qu’on pourrait tirer du vote britannique », critique la FAZ pour qui « il est temps que ce président de commission quitte ses fonctions ».
L’abondance d’éditoriaux et commentaires laisse apparaître plusieurs axes de réflexion. Alors que plusieurs commentateurs expriment aujourd’hui une certaine compréhension pour le rejet par les eurosceptiques d’une administration bruxelloise trop peu préoccupée des angoisses des citoyens européens, la presse conservatrice et libérale se range à la prudence de la chancelière fédérale pour appeler à ne rien précipiter. « Il n’y a aucune raison d’entamer à la hâte des négociations de sortie avec les Britanniques, l’incertitude va durer des années et on n’en est pas à quatre mois près », freine la FAZ. « Ne renoncez pas aux Britanniques ! » appelle Die Welt. « Les négociations vont paralyser l’Europe pour des années, l’UE ne va plus s’occuper que d’elle-même et n’aura plus le temps et la force de s’occuper des vrais problèmes de notre continent », met en garde Bild. « Les Britanniques veulent le divorce. C’est une grosse bêtise, mais pas une catastrophe », renchérit la rédactrice en chef de Bild am Sonntag, « ce ne sera une catastrophe que si nous autres Européens nous comportons maintenant comme un [conjoint] abandonné vindicatif […] : à quoi bon mettre aux Britanniques un pistolet sur la tempe ? Exiger plus de tempo, là où il y a besoin de calme et de réflexion ? Les Britanniques ne sont pas devenus nos ennemis […]. Nous allons avoir un traité de libre-échange comme avec les Norvégiens et les Suisses. Dans une famille, on cherche des solutions, en particulier quand quelqu’un râle. Si on assiste à autre chose, alors tout le discours sur l’Europe depuis le début aura été un mensonge. »
- Allemagne / Brexit
« La coalition en quête de réponses au choc du Brexit » (Die Welt) ; « le Brexit divise – y compris la coalition » (Tagesspiegel)
La presse relève les messages très contrastés des responsables de la grande coalition. « Le SPD souhaite davantage d’Europe et Merkel veut la cohésion de l’UE », écrit Die Welt. Estimant que le SPD est « rapidement passé à l’offensive », le quotidien en veut pour preuve le plan en dix points présenté par Sigmar Gabriel et Martin Schulz, ainsi que le papier conjoint élaboré par les ministres français et allemand des Affaires étrangères. Sous le titre « Gabriel exige de lutter contre le chômage des jeunes dans l’UE », la Frankfurter Allgemeine Zeitung indique que selon le chef du SPD, afin de surmonter la crise de confiance, il faut que l’Europe devienne plus sociale et plus juste. Détaillant le contenu du plan en 10 points, le quotidien relève que le pacte de stabilité y est qualifié de « trop complexe, faillible et pro-cyclique » et que ses signataires plaident en faveur de davantage de flexibilité et d’investissements. Dans un entretien au Handelsblatt, S. Gabriel refuse l’idée de négociations avec les Britanniques sur « ce que l’UE pourrait encore leur proposer afin qu’ils restent ». « Nous allons devoir envisager avec les Britanniques la forme future de leur partenariat avec l’UE, un partenariat que l’UE entretient déjà avec la Suisse ou avec la Norvège », déclare-t-il.
Les journaux soulignent que même si la chancelière a jugé que l’on ne pouvait pas attendre indéfiniment avant de mettre en œuvre le souhait exprimé par les Britanniques, elle est d’avis qu’il ne faut pas précipiter les choses. « Merkel désire avant tout préserver l’unité des 27 et freine en conséquence des initiatives trop rapides qui pourraient approfondir toute division », fait valoir Die Welt. « Mme Merkel est d’accord avec M. Steinmeier sur le fait qu’il ne faut pas à présent ouvrir de grand débat sur les traités », relève de son côté la FAZ.
Dans un entretien avec Bild am Sonntag, la ministre de la Défense, Ursula von der Leyen (CDU), faisait valoir hier qu’il ne sera « pas possible de jouer la montre car les milieux économiques vont vite vouloir savoir à quoi s’en tenir ». Insistant sur la volonté de maintenir un partenariat de qualité avec la Grande-Bretagne, elle mettait en garde contre tout cavalier seul concédé à la Grande-Bretagne susceptible de pousser d’autres partenaires tels que la Norvège à formuler des exigences similaires.
- France / Brexit
A l’instar de la Süddeutsche Zeitung qui titre « Hollande veut un divorce rapide », les journaux indiquent que le président de la République désire clarifier la situation au plus vite. « L’objectif premier est de prévenir les autres Etats membres contre toute tentation d’emboîter le pas aux Britanniques », fait valoir le quotidien de Munich. « Hollande invite à aller vite. Il veut créer un précédent destiné à faire peur alors que Merkel veut laisser du temps à la Grande-Bretagne », signale également la Berliner Zeitung. Dans une correspondance de Michaela Wiegel, la Frankfurter Allgemeine Zeitung juge de son côté qu’« aux côtés de Renzi, Hollande veut faire pression sur la chancelière pour que des négociations sur les modalités du Brexit soient entamées au plus vite, afin d’épargner à l’UE une longue période d’insécurité ». Affirmant qu’il n’aurait « pas été du goût du président de se faire retirer ses droits exclusifs en matière de management de crise » puisque la chancelière a également convié le président du Conseil italien ce soir à Berlin, le journal conservateur estime que le président de la République a en conséquence convié M. Renzi hier à Paris et cherche à présent à « mettre en avant une communauté d’intérêts franco-italienne ». Bild note que Sigmar Gabriel se rend ce matin à Paris pour consultations avec le président de la République avant que celui-ci ne se rende à Berlin.
Les interrogations sur le rôle du leadership franco-allemand à l’avenir sont nombreuses. L’édition dominicale de la FAZ évoque la coopération entre les deux ministères des Affaires étrangères pour la rédaction d’un non-papier commun. Le journal indique que l’Auswärtiges Amt, qui travaillerait depuis des mois à des scénarios pour le « lendemain du Brexit », aurait vu dans la nomination de l’« europhile » et « germanophone » Jean-Marc Ayrault une « situation inespérée » pour travailler en franco-allemand. Le journal croit savoir qu’à l’issue de plusieurs réunions de travail, un consensus a été trouvé sur la notion d’une « Union flexible », partant du constat commun que la France et l’Allemagne constituent une communauté de destin et veulent une union toujours plus étroite, mais que tel n’est pas le cas de tous les autres pays. Dans la réflexion sur des propositions concrètes, un décalage serait apparu entre des demandes françaises centrées sur la sécurité et celle des Allemands centrées sur l’immigration, écrit le journal. Il en serait sorti le compromis suivant : les Allemands acceptent d’envisager « quand la situation le permet » davantage de dépenses de défense, des actions conjointes des forces et des échanges de renseignement accrus, y compris au moyen d’une plate-forme européenne. Sur les réfugiés, la France reconnaîtrait qu’un déséquilibre du fardeau de l’accueil des réfugiés ne serait pas tenable à terme et accepterait une réforme de Dublin pour y remédier. Sur l’UEM, la France donnerait la priorité à davantage de convergence, mais l’Allemagne resterait attachée en priorité à la recherche de compétitivité. Le ministère allemand des affaires étrangères aurait accepté de poser la question des excédents commerciaux allemands, position qui sera vraisemblablement inacceptable pour W. Schäuble juge le journal.
- International
Projet de déplacement de la ministre fédérale de la Défense en Turquie : « Mme Von Der Leyen brave l’interdiction » (Handelsblatt)
Dans son entretien à Bild am Sonntag, la ministre allemande de la Défense fait part de son intention de se rendre sur la base aérienne de l’OTAN à Incirlik en Turquie où sont stationnés les six Tornado allemands qui participent à des missions de reconnaissance en Syrie. Froissées depuis le vote du Bundestag reconnaissant le génocide arménien, les autorités turques ont récemment opposé leur veto à une visite du secrétaire d’Etat au ministère de la Défense, Ralf Brauksiepe, et jugent à présent peu opportun une visite de la ministre, qui répond dans cet entretien, qu’il est « normal qu’un représentant du ministère rende visite à des soldats en mission » et fait valoir qu’elle compte mettre à profit cette visite pour « expliquer à la partie turque que ce sont les mêmes parlementaires qui ont voté en faveur de la mission destinée à protéger la Turquie contre des missiles syriens »./.