76 % des postes ouverts au concours de lettres classiques ne seront pas pourvus à la rentrée 2016.
DUCATION La crise de recrutements des professeurs se poursuit. Comme l’an dernier, 14,5 % des quelque 9 000 postes proposés cette année au concours du Capes sont restés vacants faute de candidats valables et en nombre suffisant. Alors que les résultats du bac étaient mis, comme tous les ans, sous la lumière des projecteurs (79,6 % ont décroché leur bac du premier coup), les aspirants professeurs ont scruté cette semaine avec plus de discrétion mais non sans angoisse les résultats de leurs concours (Capes et agrégation) dans les différentes disciplines scolaires de l’enseignement secondaire.
Le nombre d’admis est inférieur à l’an dernier en lettres classiques, lettres modernes et allemand, trois disciplines déficitaires depuis plusieurs années, alors que le nombre de postes ouverts était similaire pour chacune d’entre elles. Concernant l’agrégation, il y a également moins d’admis que de postes ouverts en lettres classiques, grammaire, mathématiques, allemand, anglais.
Avec 68 admis (contre 89 en 2015) pour 230 postes ouverts au Capes externe, les lettres classiques poursuivent leur dégringolade. 76 % des postes sont désormais non pourvus. Au syndicat d’enseignants du secondaire Snes, Frédérique Rolet accuse les « effets démotivants » de la réforme du collège qui remaniera profondément l’enseignement du grec et du latin à partir de septembre 2016. Mais la faiblesse structurelle du nombre d’étudiants de master de lettres classiques susceptibles de s’inscrire aux concours est certainement autant en cause. « Cette filière souffre d’un manque d’attractivité depuis des années », se défend le ministère.
Le Capes d’allemand, langue également touchée par la réforme du collège via la suppression de nombreuses classes bilangues, est également dans une situation plus grave que l’an dernier avec 56,8 % de postes non pourvus, soit 149 admis pour 345 postes proposés, contre 264 admis pour 340 postes l’an dernier. Pour le ministère, cette chute serait surtout liée au « trop faible niveau des candidats ». Dans l’entourage de Najat Vallaud-Belkacem, on cite le rapport du jury d’allemand affirmant qu’« un trop grand nombre de candidats ont dû leur échec à leur difficulté dans l’expression en allemand » et à la « méconnaissance de faits culturels et historiques significatifs dans les pays de langue allemande ». Autre discipline déficitaire : les lettres modernes qui comptent 18 % de postes non pourvus.
Le ministère fait toutefois valoir que le recrutement s’améliore un peu tout en restant déficitaire en mathématiques, avec 1 134 reçus pour 1 440 postes, de même qu’en anglais, avec 1 055 reçus pour 1 225 postes ouverts. « L’augmentation continue du nombre de postes aux concours depuis 2012 commence à porter ses fruits et à attirer plus d’étudiants », affirme-t-on, réfutant l’idée même d’une crise de recrutement.
Concrètement, l’année prochaine, l’Éducation nationale sera néanmoins obligée de combler les « trous » dans les classes en recourant à des professeurs contractuels, recrutés sans avoir le concours, souvent même après l’avoir raté ! Les promesses de recrutements massifs de professeurs (60 000) promis par François Hollande seront-elles tenues ? Au ministère, on affirme qu’à la rentrée 2016, plus de 47 000 postes supplémentaires auront été créés depuis 2012, 60 000 en 2017.
Pour le Snes, si le gouvernement a bien fait un effort conséquent, le compte n’y est pas. Tout dépend en effet de quoi on parle, explique la spécialiste budgétaire du syndicat, Fabienne Bellin. Techniquement, 47 000 emplois seront bien créés d’ici à septembre 2016 mais « le ministère entretient la confusion », explique-t-elle. Plus de la moitié de ces postes incluent les enseignants stagiaires qui travaillent à mi-temps puisqu’ils passent une partie de leur temps en cours. Enfin, ces emplois n’incluent pas que des enseignants mais aussi des administratifs, des infirmières, des assistants d’éducation contractuels : « C’est un fourre-tout ». De fait, dans les classes, l’augmentation du nombre de professeurs n’est pas franchement visible. Pas plus aux yeux des parents qu’aux yeux des professeurs.
Le Figaro 07/07/2016