Synthèse de la presse quotidienne
18 juillet 2016
Ce document est à usage strictement interne et a été réalisé par l’Ambassade de France en Allemagne
- A l’exception du quotidien économique Handelsblatt, tous les journaux consacrent aujourd’hui leur Une aux suites de la tentative de putsch en Turquie : « Voici comment Erdogan riposte » (Bild), « Erdogan intervient » (Die Welt), « Erdogan ne connaît pas de pardon » (Tagesspiegel), « la réponse d’Erdogan – des milliers d’arrestations » (Süddeutsche Zeitung), « Erdogan fait avancer le ‘grand ménage’ » en Turquie » (Frankfurter Allgemeine Zeitung).
- Allemagne
La fiscalité s’invite à nouveau dans la campagne électorale des Verts
Dans une tribune que publie la Frankfurter Allgemeine Zeitung, la vice-présidente du groupe parlementaire des Verts, Kerstin Andreae, représentante de l’aile modérée, prend ses distances avec la proposition lancée par l’ex-président du groupe parlementaire Jürgen Trittin, incarnation de l’aile gauche, favorable à la réintroduction de l’impôt sur la fortune. Une campagne électorale centrée sur ce sujet consisterait à rendre la tâche trop aisée à la CDU/CSU et au SPD, en détournant l’attention de leurs propres déficits et en permettant d’éviter le débat sur la manière d’investir de manière pertinente les ressources de l’Etat, fait-elle valoir. Le quotidien de Francfort souligne qu’à un an des élections au Bundestag, les dissensions se ravivent dans le camp des écologistes, l’aile gauche du parti s’efforçant d’atténuer certaines lignes de fracture avec d’autres partis dans le but d’ouvrir la voie à une éventuelle coalition avec le SPD et Die Linke sur le plan fédéral. Dans un entretien avec la deuxième chaîne publique ZDF, hier, Anton Hofreiter, co-président du groupe parlementaire, indiquait vouloir se garder ouvertes toutes les options, à savoir aussi bien une alliance rouge-verte, laquelle aurait sa préférence, qu’une coalition incluant le SPD, les Verts et Die Linke, ou une coalition avec la CDU/CSU.
- Europe
Suites du Brexit : « Londres prépare une douzaine d’accords commerciaux » (FAZ)
Dans une correspondance de Londres, la Frankfurter Allgemeine Zeitung se fait l’écho de déclarations du nouveau ministre du Commerce dans la presse britannique annonçant des négociations avec plusieurs partenaires sur des accords commerciaux bilatéraux, notamment avec l’Australie, le Canada, les Etats-Unis et d’autres pays hors de l’UE. Liam Fox a également annoncé que le Royaume-Uni travaillait à une sortie de l’Union européenne au plus tard à la date de janvier 2019.
- International-Europe
« Des milliers d’arrestations en Turquie » (Süddeutsche Zeitung) – inquiétudes autour d’un « président tout-puissant » (FAZ)
Dans un entretien à l’hebdomadaire Bild am Sonntag, le ministre allemand des affaires étrangères, Frank-Walter Steinmeier (SPD), insiste sur l’importance du retour à l’ordre et à la stabilité en Turquie « car la stabilité dans la région n’est pas envisageable sans une Turquie stable sur le plan intérieur et démocratique ». Partant du principe que « les responsables de la tentative de putsch devront faire face à des conséquences juridiques », il appelle au respect de l’Etat de droit. Dans un entretien à Die Welt, le président de la commission des affaires étrangères du Bundestag, Norbert Röttgen (CDU), encourage les Occidentaux à continuer de défendre leurs principes et dans le contexte des tensions bilatérales suite à la résolution du Bundestag reconnaissant le génocide arménien, se prononce contre tout retrait des militaires allemands de la base d’Incirlik. Selon lui, ce serait une « erreur », le retrait n’étant « pas une option constructive ». Interrogé ce matin sur Deutschlandfunk, le parlementaire européen Manfred Weber (CSU), estime qu’au regard de la situation, il convient de remettre à plus tard la question de la libéralisation des visas pour les ressortissants turcs se rendant dans l’UE.
La Berliner Zeitung souligne l’exercice d’équilibriste que constitue pour la chancelière le fait d’apporter son soutien à un président démocratiquement élu, tout en le mettant en garde contre la tentation de mettre en œuvre une répression brutale.
Dans leurs nombreuses réactions éditoriales, l’ensemble des quotidiens saluent l’échec du putsch contre la démocratie turque, mais s’inquiètent d’une possible dérive autoritaire à venir. Dans son éditorial du jour, le tabloïd Bild se félicite d’un sursaut démocratique qui a été « plus fort que les fusils et les chars », appelle à sanctionner les instigateurs du putsch, mais invite le président Erdogan à ne pas se méprendre sur le message que la population lui a adressé : « les Turcs veulent être libres ». Le président Erdogan souhaite faire du 15 juillet le « jour de la démocratie », écrit la tageszeitung pour qui il est surtout à craindre que ce jour marque la fin de la république laïque et l’avènement d’une nouvelle république islamique tant souhaitée par un président devenu tout-puissant qui a qualifié le putsch de « cadeau divin » (Süddeutsche Zeitung).
Si la Süddeutsche Zeitung se réjouit du refus du peuple turc d’une nouvelle intervention des militaires dans le jeu politique, Die Welt se demande si Erdogan ne va pas mettre à profit le soutien populaire, signe d’une légitimité accrue, pour installer un régime encore plus autoritaire. Pour le Tagesspiegel, un tel régime, s’appuyant fortement sur la religion, ne constitue pas une bonne nouvelle pour une Turquie dont les deux « démons » sont toujours vivants : le putsch militaire et l’islamisme radical. Dressant le portrait d’un président turc qui sort renforcé de l’épreuve, la FAZ s’inquiète de sa rhétorique sur le « virus « qui se serait propagé à tout l’Etat » et sa volonté de faire un « grand ménage », et appelle l’UE à se montrer vigilante : « le fait d’avoir déjoué le putsch ne doit pas constituer un blanc-seing pour la mise en place d’un régime arbitraire ». Si la Turquie continuait de remplir ses engagements au titre de l’accord migratoire conclu avec l’UE tout en « fusillant les frondeurs », cette coïncidence deviendrait vite « insupportable » pour l’UE, fait vamoir le quotidien. Le Handelsblatt pointe également ce risque en soulignant que l’UE a besoin de la Turquie, autant dans la crise migratoire qu’en sa qualité d’alliée au sein de l’OTAN, mais qu’elle ne saurait accepter sans mot dire que le président Erdogan transforme son pays en régime autoritaire, voire despotique. Plus optimiste, le Tagesspiegel appelle à une forme de Realpolitik qui consisterait à évoquer ouvertement les déficits démocratiques dans le pays tout en travaillant à l’avènement d’une nouvelle ouverture du pays envers l’Europe, une fois le règne d’Erdogan révolu.
- France
Attentat de Nice
Une fois de plus, l’attaque terroriste qui a touché la France a soulevé dans la presse une vague de compassion et de soutien plus forte que lors des derniers attentats en Europe et dans le monde, ce d’autant plus que la destination de Nice est très prisée des Allemands. L’émotion était particulièrement palpable dans la presse berlinoise alors que dix groupes de lycéens de Berlin se trouvaient à Nice le 14 juillet et que deux lycéennes et leur professeur sont portées disparues. « Une fois de plus la France », « la France à nouveau touchée » alors que « le pays commençait tout juste à souffler », écrivent les quotidiens en soulignant le sentiment d’impuissance de l’opinion publique et des dirigeants, tant français qu’occidentaux, devant un modus vivendi quasiment impossible à empêcher. Après de premiers doutes, les médias semblent convaincus que cette attaque relève effectivement du terrorisme islamiste même si le tueur de Nice « est devenu djihadiste quasiment du jour au lendemain » (Berliner Zeitung) et que la revendication de l’attentat par Daech est encore sujette à interrogations. « Cet attentat semble sorti d’un mode d’emploi du djihad », Daech « se sert des individus perturbés ou violents en leur offrant de mourir en martyre, en héros », analyse Die Welt am Sonntag.
Au lendemain de l’attentat, la classe politique française affiche ses divisions, constatent les correspondants de la presse allemande à Paris : « l’appel à l’unité du président Hollande résonne dans le vide » (Berliner Zeitung), « le pays est en deuil mais les dirigeants politiques utilisent le massacre de Nice pour faire valoir leurs arguments, la campagne électorale se poursuit à l’ombre de la mort », écrit le Handelsblatt. « Pour M. Valls, l’opposition divise la France », indique la Frankfurter Allgemeine Zeitung qui publie par ailleurs un entretien avec Alain Juppé qui rencontre aujourd’hui à Berlin la chancelière et des responsables de la CDU.
Les réactions éditoriales restent limitées compte tenu des événements en Turquie et la plupart des commentaires sont signés des correspondants en France. La Berliner Zeitung estime que compte tenu du profil du terroriste, le renforcement des mesures de sécurité n’est pas la réponse adaptée : « il faut penser et agir à long terme » en reprenant les efforts d’intégration dans les banlieues défavorisées et les générations issues de l’immigration et lutter contre le fossé grandissant entre musulmans et non-musulmans en France, écrit Axel Veiel. « Nice prouve que le renforcement des forces de police et des services secrets ne suffit pas, il faut des réformes contre la misère des banlieues et les ghettos de la République », renchérit Christian Wernicke pour la Süddeutsche Zeitung. Dans une réaction au lendemain de l’attaque de Nice, la rédactrice en chef du tabloïd Bild, Tanit Koch, appelait pour sa part, à demi-mots, l’Allemagne à s’engager davantage dans la lutte internationale contre Daech : « la France s’engage en Afrique, en Syrie, là où le terrorisme se prépare, la lutte contre l’EI est bien plus évident pour nos voisins que pour nous. (…) c’est aussi notre liberté que la France défend, il faudrait la défendre davantage ! », écrivait samedi Bild./.