Réforme du collège : les épineux « EPI »

 

Les enseignements pratiques interdisciplinaires (EPI) mis en place cette rentrée représentent un défi pour les proviseurs. Où les placer dans l’emploi du temps ? Quel contenu ? Comment ne pas trop rogner sur les cours ?

ÉDUCATION Prédigéré par un logiciel cet été, l’emploi du temps de chaque établissement scolaire est peaufiné jusqu’à la dernière minute par les chefs d’établissement. Les professeurs découvriront souvent le leur mercredi, le jour de leur prérentrée. Il faut tenir compte des nouveaux arrivés, demi-groupes, options, nombre de classes mais aussi des desiderata : les professeurs qui souhaitent une demi-journée libre ou ceux qui préféreraient finir avant 16 heures pour pouvoir chercher leurs enfants à l’école.

Cette année, la composition de cet emploi du temps, habituel casse-tête managérial des chefs d’établissement, se double d’une particularité, celle de la réforme du collège qui aura été intégrée… ou pas. Deux nouveautés, les enseignements pratiques interdisciplinaires (EPI) et l’aide personnalisée (AP) seront scrutés au premier chef. « Ce sera un révélateur de la prise en compte de la réforme », pronostique Éric Hans, à la tête d’un syndicat de chefs d’établissement du privé, le SNCEEL. Beaucoup promettent déjà une application « a minima » et surtout un recyclage de l’existant… Quant à l’aide personnalisée, demandée par la ministre, on entend souvent que « les professeurs en font déjà. Inutile de révolutionner leurs emplois du temps. »

L’esprit de la réforme consistait à modifier la façon d’enseigner autour de projets inclus dans les cours : les controversés EPI. Au collège Victor-Duruy, en plein cœur de Paris, comme dans de nombreux autres établissements, on a choisi de concentrer ces projets sur quinze jours : une semaine avant les vacances de Noël puis une semaine en fin d’année scolaire « lorsqu’il devient plus difficile d’enseigner pour les professeurs », commente Philippe Tournier, à la tête du SPDEN-Unsa, principal syndicat de chefs d’établissement. Les collégiens seront censés « produire quelque chose. C’est ce que l’on a défini lors de notre conseil d’administration », explique-t-il. C’est d’ailleurs ce qui se faisait, le plus souvent, les années précédentes avec la réalisation d’un petit film. La concentration des EPI sur quinze jours obligera aussi tous les enseignants à participer et équilibrera la tâche sinon « ça tombe toujours sur les mêmes, les professeurs de technologie, de français et d’histoire-géographie », justifie-t-il.

Même choix distancé dans ce collège privé Sainte-Elisabeth à Les Pennes-Mirabeau (Bouches-du-Rhône). Cédric Lize, le directeur, confronté à l’hostilité de ses enseignants à la réforme du collège, a préféré concentrer les EPI sur quinze jours. « Les professeurs avaient peur de perdre du temps de cours avec les EPI et d’être transformés en animateurs de colonies de vacances », explique-t-il. Juste avant Noël, trois classes de cinquième auront droit à une semaine « médiévale ». Cette dernière sera consacrée à une sortie dans un monastère cistercien : « On en profitera pour faire de la botanique en étudiant les jardins médicinaux, faire un peu d’histoire, etc. » Les deux autres classes de cinquième passeront cette semaine-là à suivre des cours de sécurité routière et de santé. Des cours qu’ils suivaient déjà les autres années, « ce qui nous permet de faire d’une pierre deux coups, EPI et sécurité routière ! », se réjouit-il. Notoirement hostile à la réforme du collège, Frédéric Gauthier, patron du très réputé collège Stanislas à Paris, va transformer le voyage à Rome, organisé chaque année, pour la profession de foi des élèves en « EPI ». « Après tout, c’est une activité par nature interdisciplinaire, historique, artistique… », dit-il.

Si Philippe Tournier craint avec des EPI hebdomadaires une « dissolution dans les train-train quotidiens », certains ont relevé le pari. Florence Stepszak ­dirige cette rentrée le collège Saint-Joseph de Maiche (Doubs) où ces enseignements seront organisés en « barettes » toutes les semaines. Trois classes auront droit, en même temps, à un EPI « ce qui permettra des échanges de professeurs » et qui correspond davantage à l’esprit de la réforme.

À Carignan-de-Bordeaux (Gironde), François Begards, très enthousiaste vis-à-vis de la réforme, affirme que ses vingt-sept professeurs le sont également. Chaque semaine, une heure et demie sera consacrée dans un premier temps à la dictature argentine, en histoire, espagnol, arts plastiques, etc. La deuxième partie de l’année sera axée sur l’argumentation et la preuve dans les disciplines scientifiques. Reste à trouver la bonne recette pour séduire les élèves…

Le Figaro 29/08/2016